| MARGINAL, -ALE, -AUX, adj. et subst. I. − Adjectif A. − Qui se trouve écrit dans la marge d'un texte. Additions, annotations marginales; sigles marginaux. C'était un manuel de cavalerie chargé de notes marginales (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 412): 1. La moindre remarque marginale fait que si je relis jamais ce livre, je reprends le fil de mes idées et vais en avant. Si je ne trouve aucun souvenir en relisant un livre, le travail est à recommencer.
Stendhal, Souv. égotisme, 1832, p. 73. − P. ell., IMPR., vx. Les marginales. Additions imprimées placées en marge d'un texte. (Dict. xixeet xxes.). B. − 1. Qui se rapporte à ou se trouve sur la bordure externe de quelque chose. Synon. périphérique; anton. central.Rebord marginal; territoires marginaux. Après un interminable voyage (...), on débouchait enfin dans la partie marginale des planèzes (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 43).Tous ces genres de conflit ont été couramment employés à l'ère nucléaire dans les zones marginales où la dissuasion nucléaire ne jouait pas (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 122): 2. La saveur du jambon lui revint aussitôt à la mémoire, dominante, avec toutes ses variations du gras marginal (...) jusqu'à la noix centrale et compacte.
Queneau, Enf. du limon, 1938, p. 60. − Spécialement ♦ ANAT., ZOOL. Qui se trouve sur le bord d'un organe, d'une partie du corps. Lobe, canal marginal; stries marginales. Elle [la périphérie] est marquée (...) d'un autre sillon surmonté de la circonvolution marginale, qui forme le bord supérieur de l'hémisphère (E. Perrier, Zool., t. 4, 1928-32, p. 3482).Le point marginal se soude au reste de l'os entre 20 et 22 ans (G. Gérard, Anat. hum.1912, p. 129).P. ell. Veine marginale. Elle [la veine coronaire] reçoit: par en bas: la veine du bord gauche, marginale gauche (G. Gérard, Anat. hum.1912, p.246). ♦ MÉD., CHIR. Qui est situé en bordure ou en surface d'un organe, d'une structure ou à l'extrémité d'une partie osseuse (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971, Courtois 1972, Man.-Man. Méd. 1977). Fracture marginale, ulcère marginal. ♦ PSYCHOL. Conscience marginale. État conscient à la limite de la conscience (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). Anton. focal, conscient. ♦ AÉRON. Bord marginal. Extrémité latérale d'une aile d'avion. Le bord de l'aile [de l'avion] qui pénètre dans l'air s'appelle le «bord d'attaque»; le bord opposé, le «bord de fuite»; l'extrémité libre, le «bord marginal» (Guillemin, Constr., calcul et essai avions, 1929, p. 83). − Au fig. [En parlant d'une réalité abstr.] S'il est bon de centrer solidement le concept de chaque type, il est bon de ne pas le préciser vers ses frontières: en lui laissant un certain flottement marginal, on risquera moins de s'écarter du réel (Mounier, Traité caract.,1946, p. 40).À la faveur du grand mouvement d'idées qui brasse de 1830 à 1848 les zones marginales de la bourgeoisie, certains auteurs ont la révélation de leur public virtuel (Sartre, Sit. II,1948, p. 162). 2. En partic., au fig. Qui est en marge de ou n'est pas conforme aux normes, aux critères admis ou retenus dans un système donné. Anton. connu.Cinéma, écrivain marginal; électeurs marginaux; littérature, publication, presse marginale. Il suffit de l'accoutrement marginal pour être basculé loin des humains (Les Lettres françaises, 26 nov. 1969, p. 10, col. 2).Magma, Gong, Agitation Free, Crium Delirium (...): ce ne sont pas des graffiti de bandes dessinées (...) mais les orchestres qui se produiront chaque soir (...) dans le cadre de Maimosik, festival de musique marginale organisé par l'Association Rock pas gaga (L'Express, 14 mai 1973, p. 7, col. 3-4).En attendant, son cas soulève une double question. Celle du droit que possède le conseil de l'Ordre d'interdire à quelqu'un l'exercice d'une profession (...). Celle, aussi, des médecines «marginales», comme l'acupuncture (Le Point, 1eroct. 1973, p. 67, col. 3). 3. P. ext. Qui a une faible importance quantitative ou qui n'est pas essentiel dans un système donné. Synon. annexe, secondaire; anton. essentiel, principal.Firme marginale; secteur marginal; suffrages marginaux; activités, industries, tâches marginales. J'observerai toutefois que le miracle (...) ne constitue pas l'essentiel de la révélation, qu'il ne l'accompagne que comme un élément secondaire et marginal (Arnoux, Double chance, 1958, p. 114).Le rôle du syndicalisme n'est pas de permettre aux entreprises marginales de subsister (Reynaud, Syndic. Fr., 1963, p. 167).Dans ce cas, la situation ne serait pas dramatique. Outre l'appoint des républicains indépendants de M. Giscard d'Estaing, nous recevrions des renforts marginaux qui nous permettraient de gouverner (Paris-Match, 15 oct. 1966, p. 70, col.2): 3. ... les bois tropicaux ne constituent le plus souvent qu'un appoint marginal sur le marché des autres bois...
Forêt fr.,1955, p. 46. − ÉCONOMIE ♦ Coût marginal. Coût correspondant à la production d'une unité supplémentaire au delà d'une série d'unités déjà produite. En bref la surcharge foncière imposée à chaque unité de logements tendrait à être égale au coût marginal de sa réalisation (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 364). ♦ Productivité marginale. Productivité liée à la production d'unités supplémentaires à une série déjà produite. La forte élasticité de la production pendant la période considérée entraîne une valeur élevée de la productivité marginale du travail (Univers écon. et soc.1960, p. 44-15). ♦ Analyse marginale. Analyse économique basée sur les théories marginalistes (dér. s.v. marginalisme). La seconde réduction bannit du champ de l'attention toutes les activités qui sont gênantes pour la logique du capitalisme libéral. Même si, observons-le bien, elles sont, comme les autres, justiciables de l'analyse marginale (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 475). ♦ Utilité marginale. V. marginalisme.Et rapporte-t-on la loi économique de l'utilité marginale à la loi psycho-physique de Weber et de Fechner? (J. Vuillemin, Être et trav., 1949, p.100). II. − Subst. Personne vivant ou se situant en marge d'un groupe social déterminé ou plus généralement de la société dans laquelle elle vit. L'histoire des marginaux. Tout d'abord réorganiser la profession, être exigeant en ce qui concerne l'adhésion au syndicat des marchands de tableaux (...). Supprimer les courtiers et les marginaux (Les Lettres fr., 20 avr. 1967, p. 36, col. 2-3).Il faut d'ailleurs constater que, très habilement, le P.C.F. ne vise plus les marginaux de l'Église catholique (Le Nouvel Observateur, 24 févr. 1975, p. 27, col. 2).La forêt est percée de clairières où travaillent les charbonniers et prient les ermites retirés au «désert», ces marginaux par excellence de la Chrétienté médiévale (Nouv. Hist.1978, p. 349): 4. On trouve parmi les marginaux beaucoup de fils de bourgeois, beaucoup d'intellectuels évidemment et puis aussi quelques ouvriers et des fils de paysans qui avaient quitté leurs fermes et ont décidé d'y revenir.
Le Sauvage,juill. 1975, p. 37, col. 1-2. REM. 1. Marginalement, adv.D'une manière marginale, annexe. Anton. principalement.Quant à l'étude proprement sociologique des villes, (...) elle est entreprise accidentellement et marginalement par des sociologues qui (...), se préoccupent bien moins de décrire des sociétés urbaines particulières que d'y rechercher un champ d'application de la morphologie sociale (Traité sociol., 1967, p. 310). 2. Marjo, subst.,arg. Abrév. de marginal. Drôle de «Mutu», comme jamais militant n'en a connue. Les «femmes», un millier ou plus. Des gauchistes et des «marjos» politisés. Des travestis, ondulants, roucoulants, par petits groupes (Le Nouvel Observateur, 24 nov. 1975, p. 67, col. 1). Prononc. et Orth.: [maʀ
ʒinal], plur. masc. [-ο]. Att. ds Ac. 1694. Étymol. et Hist. [xves. hapax d'apr. FEW t. 6, 1, p. 335a] 1. av. 1598 annotations marginales «écrites sur la marge d'un texte» (Marnix de Ste Aldegonde, Des différends de la religion, II, 98 ds Delb. Notes mss); 2. 1804 hist. nat. «qui est sur le bord de quelque chose» (Philibert, Dict. de bot., t. 2, p. 416); 3. a) 1938 écon. pol. (Pirou ds R. Barre, L'Écon. pol., pp. 164-165); b) 1964 «qui est en marge de, pas conforme aux normes d'un système donné» (Le Monde, 8 nov. ds Gilb. Mots contemp.); 4. 1966 subst. «personne ou groupe vivant en marge de la société» (C. Angeli ds Le Nouvel Observateur, 4 mai, p. 21, col. 3-4). Dér. sav. du lat. margo, -inis (v. marge); suff. -al*; cf. l'a. prov. marginal «bord d'une digue» (1400 ds FEW t.6, 1, p.335a). Fréq. abs. littér.: 105. DÉR. Marginalité, subst. fém.Caractère ou état marginal (d'un individu, d'un groupe social). Synon. marginalisme.Le personnage anonyme qui hante le dernier roman de Juan Goytisolo réincarne, en effet, cette situation d'exil et de marginalité de l'écrivain dans la société espagnole (L'Express, 26 juill. 1971, p. 68, col. 1).Une minorité de la population participe au niveau de vie et à la culture du monde développé. À côté d'elle, une masse démographiquement croissante, vouée à une marginalité désespérante, devient le problème numéro un de l'Amérique latine (Réalités, juill. 1973, p. 30, col. 3).Les pèlerins du Larzac (Occitans, Bretons, «lipistes», M.L.F., écologistes, etc.) reconstituent le patchwork des marginalités occidentales (Le Sauvage, nov. 1973, p. 23, col. 2).Sans médiations politiques, cette action risque de se perdre dans le prophétisme et dans la marginalité (Le Nouvel Observateur, 2 avr. 1973, p. 41, col. 2).− [maʀ
ʒinalite]. − 1reattest. 1966 (Birou); de marginal, suff. -(i)té*. |