| * Dans l'article "MALADIF, -IVE,, adj." MALADIF, -IVE, adj. A.− [Sur le plan physique] 1. [En parlant d'une pers., du corps] Qui est de constitution fragile, qui est sujet à être souvent malade. Synon. délicat, frêle, fragile, malingre, souffreteux, valétudinaire; anton. fort, robuste, résistant, solide.Au bout d'un mois tu te promets à un homme sans le connaître, sans en rien savoir (...) il peut être maladif, ennuyeux, insupportable (Balzac,Mém. jeunes mar.,1842, p. 188).Maladive, divine, Cette câline enfant, Si chétive, si fine, A qui tout on défend (Montesquiou,Hort. bleus,1896, p. 76).Olivier avait la sérénité de l'esprit et le corps maladif. Christophe avait une puissante force et une âme tumultueuse (Rolland,J.-Chr., Maison, 1909, p. 944): 1. Mmede Mortsauf voyant Félix si chétif et apprenant qu'il a vingt ans, se sent prédisposée en sa faveur, parce que ses enfants sont maladifs et qu'elle craint pour leur vie; l'âge de Félix la rassure...
Green,Journal,1934, p. 207. ♦ Rare. Maladif de + compl. exprimant la cause.De jeunes gargantuas pleureurs, ventrus, maladifs de mangerie, buverie (Michelet,Journal,1857, p. 365). − En partic. ♦ [En parlant de l'état physique] Faible, qui fait que quelqu'un est souvent malade. Complexion, nature maladive; tempérament maladif. Quoique son teint blafard et ses chairs molles pussent faire croire à une constitution maladive, Sibilet était robuste (Balzac,Paysans,1844, p. 85).Son état maladif ne lui permettait pas, lorsqu'il était enfant, d'aller barboter dans la Seine (Zola,Th. Raquin,1867, p. 67). ♦ Rare. [En parlant d'un organe] L'esprit est à peu près, à l'intelligence vraie, ce qu'est le vinaigre au vin solide et de bon cru: breuvage des cerveaux stériles et des estomacs maladifs (Renard,Journal,1887, p. 4).MeMaingret était un homme d'une quarantaine d'années (...) abritant derrière un binocle des yeux maladifs (Lacretelle,Hts ponts, t. 1, 1935, p. 17). − [P. méton.] ♦ [En parlant d'un attribut, d'un aspect de la pers.] Qui dénote la faiblesse physique. Un certain air d'audace et de gaieté dans le regard contrastait avec cette apparence maladive (Mérimée,A. Guillot,1847, p. 86).On désespéra de la vie de MmeVallantin. Il fallut la veiller pendant un an, nuit et jour. La santé lui revint, mais elle conserva un aspect maladif (Reider,MlleVallantin,1862, p. 32).L'expéditionnaire Sainthomme (...) était un maigre personnage de qui le maladif visage, éternellement en moiteur, avait l'humidité jaune clair des pommes de terre crues (Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., iii, p. 77).Qui est ou semble dû à la maladie. Affaiblissement, assoupissement maladif; attitude, pâleur, délicatesse maladive. Une femme de cinq pieds six pouces, à visage soldatesque (...) d'un embonpoint maladif (Balzac,Cous. Pons,1847, p. 176).Je suis frappé, ce matin, de la mauvaise mine de Maupassant, du décharnement de sa figure, de son teint briqueté (...) et même de la fixité maladive de son regard (Goncourt,Journal,1890, p. 1263).Je l'ai encore idéalisée, exagérant sa grâce maladive et un peu funèbre (Lorrain,Phocas,1901, p. 327). ♦ [En parlant d'une période de l'existence] Qui se passe dans un état quasi continu de maladie, de faiblesse. Honorine Porrichet (...) avait mené une enfance maladive (A. France,Anneau améth., 1899, p. 54).Depuis longtemps − à cause de ma jeunesse maladive et des précautions qu'on me faisait prendre − je crains la mort (Bernanos,Lettres inéd.,1905, p.1727). 2. P. anal. a) [En parlant d'une plante] Qui a peu de vigueur, qui s'est peu développé. Synon. chétif, rabougri.Des fenêtres à rideaux de pauvre, avec de dernières fleurs maladives, sur les appuis; des chrysanthèmes morts, dans des pots (Loti,Mon frère Yves,1883, p. 239).Ce charme délicat et dolent que dégagent les attendrissantes et maladives végétations poussées, à grand'peine, dans les gravats des banlieues (Huysmans,À rebours,1884, p. 34). b) [En parlant d'un son, d'une couleur et p. méton. de ce qui a une couleur peu intense, passée] Qui n'a pas tout son éclat, qui est de faible intensité. Lumière maladive; soleil, rayon maladif. Aux branches claires des tilleuls Meurt un maladif hallali (Rimbaud,Dern. Vers,1872, p. 156).Armés d'un petit fil de laiton, ses doigts vifs Détaillaient prestement des beurres maladifs À des acheteuses blafardes (Rollinat,Névroses,1883, p.73).De brusques coups de vent brassaient les flocons en brouillard (...) qu'un soleil chlorotique, d'un rose maladif, n'essayait pas de percer (Arnoux,Zulma,1960, p. 89). c) Au fig. De peu de vitalité. Plus même l'ancien désir de venir à Paris!... Pourquoi? Être un nouvel inconnu dans une revue maladive (Valéry,Corresp. [avec Gide], 1891, p. 63). 3. a) Qui donne des maladies. L'amour d'une vierge est aussi assommant qu'un appartement neuf. (...) il est vrai qu'on n'a pas à redouter les germes maladifs, pestilentiels, d'un autre locataire (Renard,Journal,1887, p. 4). b) Qui a un caractère malsain. J'allai seul à Lucerne par un temps très doux, très mou, d'une chaleur maladive. À la ville, la pluie me prit (Michelet,Journal,1856, p. 314).La maladive exhalaison De parfums lourds et chauds, dont le poison − Dahlia, lys, tulipe et renoncule − Noyant mes sens, mon âme et ma raison, Mêle dans une immense pâmoison Le souvenir avec le crépuscule (Verlaine,Poèmes saturn.,1866, p. 70). B. − [Sur le plan psychique] 1. [En parlant d'un attribut, d'une faculté de la pers.] Qui a un caractère anormal, pathologique. Esprit maladif; imagination maladive. En les enfermant [les enfants au collège] ainsi trop tôt (...) on peut développer à l'excès une sensibilité qui s'exalte, devient maladive et dangereuse (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Après, 1893, p. 103).Je peins très gentiment les papillons noirs de leurs cervelles maladives (Goncourt,Journal,1895, p. 839).Elle scrutait, une fois de plus, sa conscience maladive. − Pourquoi? Pourquoi ce remords? Je n'ai rien fait, je n'ai pas mal agi (Van der Meersch,Empreinte dieu,1936, p. 219): 2.... les Goncourt l'ont dit eux-mêmes: «Pour les délicatesses, les mélancolies exquises d'une oeuvre, les fantaisies rares et délicieuses sur la corde vibrante de l'âme et du coeur, ne faut-il pas un coin maladif dans l'artiste?» Et la maladie saisit les deux romanciers, − une étrange maladie que celle-là, faite d'une hyperacuité des sensations...
Bourget,Nouv. Essais psychol.,1885, p. 155. 2. [P. méton., en parlant de dispositions affectives, du comportement de la pers.] Qui dénote un trouble de l'esprit et p. ext., trop marqué pour être normal. Synon. morbide.Désir maladif; envie, convoitise, angoisse, exaltation, nervosité, impatience, terreur, timidité, passion maladive; goût, souci maladif (de qqc.). Surprise de ce geste, maladif à force d'être fréquent, je l'interroge (Colette,Cl. ménage,1902, p. 88).Rappelle-toi: un chien, dans la rue aboyant, suffisait à suspendre ton travail; tu avais un besoin maladif de silence (Mauriac,Trois récits,1929, p. 88).Le refoulement des curiosités infantiles, notamment sexuelles, peut (...) déchaîner par compensation une curiosité maladive et inquiète, parfois franchement anormale (Mounier,Traité caract.,1946, p. 644): 3. Mon pire défaut m'arrive de l'enfance (...). Car je reste la victime de ces rythmes maladifs qui font des enfants des maniaques disposant leur assiette d'une certaine manière à table, n'enjambant que certaines rainures du trottoir.
Cocteau,Diff. d'être,1947, p. 21. − En partic. ♦ [En parlant d'une manifestation de la pers.] Art maladif. Cette oeuvre [Germinie Lacerteux] fiévreuse et maladive a un charme provoquant; elle monte à la tête comme un vin puissant; on s'oublie à la lire, mal à l'aise et goûtant des délices étranges (Zola,Mes Haines,1866, p. 66).Rien de moins maladif que la réalisation de Watteau: dessin, couleur, expression, tout en est magnifiquement savant, original et fait de la main d'un maître (Mauclair,De Watteau à Whisler,1905, p. 11).[En parlant d'une pers. considérée du point de vue de certaines passions] Lasquin aimait trop la décence et le linge propre pour se plaire à des fantaisies de carabin ou de collectionneur maladif (Aymé,Travelingue,1941, p. 47). ♦ [En parlant d'un espace de temps] Retrouvant dans ma mémoire ces journées maladives d'achats déraisonnables (...) je me demandais si cette maladie [la passion du bibelot] était un accident (...) ou si ce n'était pas plutôt une maladie héréditaire (E. de Goncourt,Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 354).Maladive journée qui me brise les nerfs. Avec mon fils, à Domremy. Perpétuel attendrissement. Est-ce vieillesse? J'ai honte d'être toujours au moment des larmes (Barrès,Cahiers, t. 3, 1902, p. 46). C. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Caractère, aspect malade ou malsain. Bataille. Il y a un peu de bluff dans l'attitude, les lèvres minces, la maigreur, la pâleur, le maladif, le sourire de jeune homme, dans la façon pédante dont il essaie de parler des moindres choses (Renard,Journal,1901, p. 713).Avec l'Enchantement, Henry Bataille, réinventeur de la pâleur, du maladif, du vicieux, du névrosé, sortait de ce que nous nommons aujourd'hui le théâtre d'avant-garde (Morand,1900,1931, p. 178). REM. Maladieux, -euse, adj.,région. (Nord-Est), synon., au fig. C'était un véritable «état d'âme» maladif, maladieux, dirais-je de préférence, quelque chose comme des dispositions vagues encore mais bien symptomatiques à l'indigestion morale (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 121). Prononc. et Orth.: [maladif], fém. [-i:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1223 «sujet à être malade» (Gautier de Coinci, Miracles Vierge, éd. V. Fr. Koenig, I Mir 24, 192: Bien est enfers et maladis); 2. 1588 «qui a un caractère excessif» cette maladive curiosité (Montaigne, Essais, éd. P. Villey-V.-L. Saulnier, II, XII, p.511); 3. 1823 «qui dénote une constitution fragile ou présente le caractère de la maladie» teint maladif (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, p. 96). Dér. de malade*; suff. -if*. Fréq. abs. littér.: 748. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 652, b) 1484; xxes.: a) 1710, b)799. DÉR. Maladivement, adv.a) Sous l'effet d'une maladie, comme à la suite d'une maladie. Il y a incontestablement chez lui un mieux surprenant; mais ça ne fait rien, sa figure est maladivement bouffie (Goncourt,Journal,1890, p. 1130).M. Blanc souriait, non par gaieté, mais maladivement. Sa mâchoire inférieure pendait, lui ouvrant la bouche comme à un mort (Hamp,Champagne,1909, p. 201).On ne voit que son nez mince maladivement pincé (Colette,Entrave,1913, p. 148).b) Faiblement. Jamais plus nous n'affronterions, par une brume pareille, la solitude de Hyde-Park. (...) on avait autour de soi un immense cirque impalpable mais réel, derrière lequel s'ébauchaient maladivement de beaux arbres épais (Mallarmé,Corresp.,1862, p. 59).c) D'une manière anormale, excessive. Elle me parlait avec une gaîté légère et un imprévu plein de tact qui n'appartiennent qu'aux personnes maladivement sensibles (Barrès,Jard. Bérén.,1891, p.51).J'appréhende maladivement les potins, les espionnages et les délations de ces désoeuvrés minés d'ennui (Colette,Cl. s'en va,1903, p.102).Les mêmes assiettes que je tournais maladivement pour que les motifs bleus coïncidassent avec le pied du verre (Cocteau,Poés. crit. II,1960, p.27).− [maladivmɑ
̃]. − 1reattest. 1842 (Mozin-Biber t. 2); de maladif, suff.-ment2*. − Fréq. abs. littér.: 35. |