| MAJESTUEUX, -EUSE, adj. A. − Qui a de la majesté. Synon. auguste, digne, noble. 1. [En parlant d'une pers.] Qui a de la majesté. Homme, souverain, vieillard majestueux; femme, personne majestueuse. Il y avait une fois des dieux splendides et majestueux, qui vivaient près des hommes. Ils s'appelaient Osiris, Dyonisos, Zeus, Jehovah (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 51).Un domestique en jaquette noire, gros et grisonnant, majestueux, impersonnel, ouvrit les battants de la porte du salon (Chardonne, Dest. sent., iii, 1936, p.155): 1. Elle [une vieille dame russe] se penchait sur sa nourriture avec une sorte de respect, courbée en deux et si humble qu'elle en devenait, fort à son insu, presque majestueuse, tant l'humilité donne de noblesse aux êtres, quand elle est vraie.
Green, Journal, 1956, p. 189. ♦ Emploi subst., p. iron. Avait-elle jamais daigné marquer le moindre intérêt à tout cela? C'était, sans doute, au-dessous d'elle; on faisait la majestueuse, la dédaigneuse (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 193). − [P. anal.] Seuls les dindons, majestueux personnages imbus de leur dignité, ne se hâtent point. Ils descendent pas à pas du perchoir et refoulent du poitrail la cohue (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 244). 2. [P. méton., en parlant d'un trait physique, d'une attitude d'une pers.] Synon. grave, solennel.Geste, port, regard, traits majestueux; allure, gravité, taille, voix majestueuse; prendre une expression majestueuse; avec une lenteur majestueuse. Un homme de taille athlétique (...), vêtu de velours noir et portant au cou une chaîne d'argent, (...) donnait des ordres aux laquais d'un air majestueux (Gautier, Fracasse, 1863, p.496).Leur âge [des vieillards] n'a rien de dégoûtant, mais, au contraire, quelque chose de majestueux et de pastoral (Arnoux, Calendr. Fl., 1946, p.252): 2. On a même écrit avec dédain que la politique de Louis XIV avait été d'esprit terrien, c'est-à-dire terre à terre. On veut dire que, malgré le style ample du siècle et la manière majestueuse dont Louix XIV a parlé de sa gloire, cette politique était celle du bonhomme Chrysale, qui préférait la bonne soupe au beau langage.
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 241. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre, p. iron. Chez le baron, rien il faut en convenir, ne sentait le vieillard (...) son ventre, contenu par une ceinture, se maintenait, comme dit Brillat-Savarin, au majestueux (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 43). B. − Qui est d'une beauté empreinte de grandeur et de noblesse. 1. [En parlant d'un inanimé] Cortège, édifice, ornement, spectacle majestueux; forêt, nature majestueuse. Le temple, monument unique d'architecture simple et majestueuse, est supporté par cent colonnes de jaspe oriental (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 305).L'eau s'échappe des vasques, ruisselle et baigne le marbre majestueux (Tharaud, Marrakech, 1920, p. 79): 3. Il semble que le temps ne puisse détruire que les ouvrages élevés au-dessus de la terre. Qu'elles sont vastes, belles et sonores ces voûtes majestueuses! Que leurs voussures et leurs arêtes sont encore saines! Nulle part je n'y vis la moindre trace de la lime des siècles...
Crèvecoeur, Voyage, t. 1, 1801, p. 228. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le peuple est maître, mais il n'est pas capable de l'être; voilà pourquoi il détruit partout, et n'élève rien de beau, de durable, de majestueux nulle part! (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 136). 2. [P. méton.] Le chêne robuste, dont les glands naissent un à un ou deux à deux, présente un port majestueux (Bern. de St-Pierre, Harm. nat., 1814, p. 303): 4. Les pièces, particulièrement hautes, et ornées de superbes fenêtres, avaient été certainement destinées, si on en jugeait par leurs majestueuses proportions, à la réception et à l'apparat.
Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1361. 3. En partic. [En parlant d'une oeuvre d'art, musicale ou littér.] Style, ton, vers majestueux. Le poète donnait des ailes aux pierres dures et proclamait la liberté par d'étranges assemblages de mots, un verbe hagard et majestueux (L. Daudet, Astre noir, 1893, p. 307).Il me récite quelques pages d'une prose pleine, majestueuse, poétique au possible (Jammes, Mém., 1922, p. 170).Un austère interlude, un adagio majestueux, archets collés aux cordes, précédait le noeud et l'épilogue du drame sacré (Arnoux, Rossignol napol., 1937, p. 238). Prononc. et Orth.: [maʒ
εstɥø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1605 majestueux (H. de Santiago, Considérations [trad. de l'esp.], I, 622 ds Fr. mod. t. 6, p. 63); av. 1630 (D'Aubigné, Lettre ds
Œuvres, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t. 1, p. 462). Réfection sur le modèle des adj. en -ueux, tels que voluptueux, somptueux, du m. fr. majesteux de même sens (av. 1589 Baif, Poemes, L.V−II, 230 − ds Hug.: magesteux), dér. de majesté*, suff. -eux*. L'infl. de l'ital. maestoso (dér. de maestà «majesté» évoquée par Bl.-W.1-5et DEI est improbable, car il n'est att. que dans la 1remoitié du xviies., 1626 au sens de «grandiose» ds Batt. Fréq. abs. littér.: 1001. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2033, b) 1548; xxes.: a) 1046, b) 1063. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp. 124-125. |