| MAJESTÉ, subst. fém. A. − Caractère de grandeur qui impose le respect, la vénération. Synon. gloire, grandeur. 1. [À propos d'une puissance divine] Insulte à la majesté de Dieu; majesté céleste, divine, suprême. Les dieux, dit le Centaure, ont habité parfois Les bruyantes cités et les monts et les bois, Alors que de l'Olympe abandonnant l'enceinte, Ils dérobaient l'éclat de leur majesté sainte (Leconte de Lisle, Poèmes ant., 1852, p. 248).L'appétit du divin se jette en pâture même les pierres; il agrée ce qui paraît le plus éloigné de la majesté infinie (Blondel, Action, 1893, p. 308): 1. L'«idée» que Dieu connaît et pénètre toutes choses, jusqu'aux replis les plus secrets de notre coeur, a été regardée par les saints comme tout (...) autrement efficace pour contenir les hommes dans le respect et dans la crainte de la majesté de Dieu.
Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 563. ICONOGR. [En parlant du Christ ou d'un saint] En majesté, loc. adj. Assis sur un trône dans une attitude hiératique. La chasuble de Naintré (...), où l'on voit Marie, assise en majesté, les pieds chaussés, tenant l'enfant nu sur ses genoux (Zola, Rêve, 1888, p. 96).Un Christ en majesté, sur un vitrail latéral, rappela à Lewis son premier conseil d'administration (Morand, Lewis, 1924, p. 6).2. [À propos d'un souverain] Majesté de l'empereur; majesté impériale, princière. Il fut un temps où le nom seul d'Agamemnon ouvrait en moi de secrètes écluses, tant me pénétrait de respect et d'appréhension mythologique la majesté du roi des rois (Gide, Si le grain, 1924, p. 611).Corneille et Louis XIV sont d'accord sur ce point, comme ils le sont sur l'importance de la majesté royale, sur la dictature royale, sur l'absolutisme royal, sur l'exaltation du nationalisme français contre les entreprises de l'empire (Brasillach, Corneille, 1938, p. 297). ♦ [P. méton. du compl.] Majesté de l'empire. Commencez par réformer ce faste, cette vaine pompe qui n'ajoutent rien à la majesté du trône, à la dignité du monarque (Marat, Pamphlets, Suppl. Offrande à la Patrie, 1789, p. 51). − P. méton. ♦ Dignité, pouvoir (royal ou impérial). Respect de la majesté et des lois. Le trône avoit été à demi renversé, la majesté royale avilie; la puissance souveraine avait cédé à la violence populaire (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1588).Le peuple sans frein, foulant aux pieds les lois, Se plaît à mépriser la majesté des rois (Constant, Wallstein, 1809, III, 3, p. 92).HIST. ROMAINE. Loi de majesté. ,,Loi punissant tout attentat contre le peuple romain et appliquée par les empereurs à tout délit contre le prince`` (Littré; dict. xixeet xxes.). ♦ Personne du souverain. Majesté déchue. Au cours de ma carrière, plus diplomatique, hélas, que soldatesque, pas mal de majestés m'ont déjà accueilli (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. I). ♦ Lèse-majesté*. 3. [Titre donné aux souverains héréditaires lorsqu'on parle d'eux ou que l'on s'adresse à eux] a) Sa Majesté (S.M.); Votre Majesté (V.M.), Vos Majestés (VV.MM.), Leurs Majestés (LL. MM.). Hommage, offense, outrage à Sa Majesté; demander, présenter qqc. à Sa Majesté; supplier Sa Majesté; audience, lettre de Sa Majesté; au nom, aux ordres, au service de Sa Majesté; ambassadeur, gouvernement de Sa Majesté; Sa Majesté britannique. Nous n'osons pas supposer, pour l'honneur de M. Henri Scheffer, que le portrait de Sa Majesté ait été fait d'après nature. − Il y a dans l'histoire contemporaine peu de têtes aussi accentuées que celle de Louis-Philippe (Baudel., Salon, 1845, p. 46).Le mouvement de la France libre, à présent prépondérant en France même, était, plus que jamais, un élément capital de la politique britannique et (...) le gouvernement de Sa Majesté était décidé à le soutenir au maximum (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 556): 2. ... mille nobles et domestiques couvraient de leurs corps les pavés, les escaliers, les planchers du château, ou brûlaient sous les décombres de la caserne, et Sa Majesté Louis XVI, au lieu d'aller soutenir ses défenseurs, restait dans sa cachette à l'Assemblée nationale.
Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 11. − Sa Majesté Très Chrétienne. [Titre du souverain de France] Voici (...) la capitulation de Paris entre les mains de Sa Majesté Très Chrétienne (Claudel, Otage, 1911, III, 2, p. 280). − Sa Majesté Catholique. [Titre du souverain d'Espagne] Les Espagnols prirent possession du pays au nom de Sa Majesté Catholique (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 136). − Sa (Très) Gracieuse Majesté. [Titre du souverain d'Angleterre] Cette Institution des Arts et des Sciences réunis (...) est placée sous le patronage direct de Sa Gracieuse Majesté (Verne, Tour monde, 1873, p. 2). Rem. 1. Majesté exige l'accord au fém. de l'adj., du part., du pron., sauf lorsque ce titre est suivi d'un nom (Sa Majesté le roi, la reine), auquel cas l'accord se fait avec le nom. 2. Le nom en appos. ou attribut prend le genre de la pers. désignée (Votre Majesté est le maître). b) [Avec personnification] Frédéric II déclarait que la seule divinité qu'il reconnût était Sa sacrée Majesté le Hasard (Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 15).Sa Majesté l'Orgueil, Sa Majesté la Bêtise, Sa Majesté l'Avarice, Sa Majesté la Luxure, ces Majestés ne changent pas de place, elles restent toujours avec nous (Claudel, J. d'Arc, 1939, 6, p. 1211). 4. [À propos d'un inanimé] Majesté des lois. La majesté et les droits des nations doivent être immolés à la satisfaction et à l'orgueil des princes (Robesp., Discours, Contre veto, t. 6, 1789, P. 91).Ils plantèrent contre la porte leurs douze faisceaux, des baguettes reliées par une courroie avec une hache dans le milieu. Alors, tous frémirent devant la majesté du peuple romain (Flaub., Hérodias, 1877, p. 158). 5. GRAMM. Pluriel de majesté. ,,Pluriel du pronom de la première personne utilisé à la place de je dans le style officiel par les personnes revêtues d'un caractère d'autorité`` (Ling. 1972). Avec l'avènement de ce pape polonais, le pluriel de majesté a sombré en même temps que la «Sedia Gestatoria» (L'Est Républicain, 14 mai 1981, p.15, col.7). B. − Caractère de grandeur, de noblesse dans l'apparence, les manières, qui suscite une admiration mêlée de respect. Majesté sereine, sombre, tranquille; avec, sans majesté; plein de majesté. 1. [À propos d'une pers. ou d'un trait extérieur de cette pers.] Majesté d'un geste, d'un mouvement, d'un regard. C'étoit un air de majesté répandu sur sa figure, dans ses traits, et qui indiquoit un homme né pour le commandement, et qui a en effet commandé (Balzac, Annette, t. 1, 1824, p. 103).La raideur de ses jambes nuisait à la rapidité de son allure mais ajoutait à la majesté de sa démarche. Comme il ne pliait les genoux ni le cou, son approche évoquait: «Messieurs, le Roy» (Hamp, Marée, 1908, p. 62): 3. Des voix d'une majesté infinie, en même temps mouvementées, sûres d'elles, criant au ciel, s'élevèrent en un choeur d'une incroyable force.
G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 118. 2. [À propos d'inanimés concr., notamment d'une oeuvre d'art, d'un spectacle] Majesté d'un cloître, d'un monument, d'un paysage: 4. Piero Della Francesca, Uccello eussent-ils, sans leur amour passionné pour la géométrie, découvert dans la structure humaine, l'un ces formes monumentales, ces crânes sphériques, ces visages purs et solides, ces torses, ces membres pareils à des colonnes, toute cette majesté formidable qui fait songer à un peuple de dieux descendus dans la prière et la lutte...
Faure, Espr. formes, 1927, p. 157. − En partic. [À propos du style, d'une oeuvre littér.] Majesté des hymnes liturgiques. On sait avec quel génie dans l'oraison funèbre de la princesse Palatine, il [Bossuet] est descendu, sans blesser la majesté de l'art oratoire, jusqu'à l'interprétation naïve d'un songe, en même temps qu'il a déployé dans ce même discours, sa haute capacité pour les abstractions philosophiques (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 127).La poésie peut s'exprimer en prose, elle est seulement plus parfaite sous la grâce et la majesté du vers (Hugo, Lettres fiancée, 1821, p. 90).Il [Voltaire] avouait que «la majesté des écritures l'étonnait», que «la sainteté de l'Évangile parlait à son coeur» (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p. 41). 3. [À propos d'inanimés abstr.] La majesté des souffrances humaines est un témoignage rendu à ce que souffre l'impatiente famille des hommes (Vigny, Journal poète, 1845, p. 1231).[Les frivoles] échappent à la tendre majesté de l'agonie, réussissent à faire de leur propre mort une chose impure (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 903). Prononc. et Orth. [maʒ
εste]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120 majested «caractère de grandeur qui imprime le respect» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 542); ca 1120 reis de majestet désigne ici Jésus-Christ (ibid., 1245); spéc. ca 1140 «représentation de saints» (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 125), sens mentionné par Trév. 1771 et subsistant comme terme d'iconogr.; 2. ca 1180 sa majete «dénomination de souverain» (Jean Le Nevelon, Vengeance Alexandre, éd. E. Billings Ham, 118); 3. 1365 royalle majesté «dignité souveraine» (Oresme, Traictié des monnoies, éd. L. Wolowski, p.74); 4. 1547 majesté «ce qui a de la grandeur, attire l'admiration» (J.Martin, Architecture, trad. de Vitruve, p. 80 vo). Empr. au lat. majestas «grandeur, dignité» et au fig. «dignité, noblesse (d'une personne, d'un style, d'un lieu)», «souveraineté de l'État, du peuple romain» d'où le sens gén. de «souveraineté» en lat. médiév. (996 ds Nierm.). Le mot est également attesté comme titre honorifique d'un empereur, roi, pape en b. lat. (506-538, ibid.) et au sens de «image du Christ en trône» (ca 1031, ibid.), le lat. majestas est dér. de major, compar. de magnus «grand», v. majeur. Fréq. abs. littér.: 2929. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6941, b) 3627; xxes.: a) 2791, b) 2909. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp.123-124. |