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MÉDIOCRE, adj.
A. − [En parlant d'une chose]
1. Qui se situe dans la moyenne, peu important.
a) [Relativement à l'étendue, aux dimensions, à la valeur (mesurable, comptable), à la quantité] Stature, taille médiocre; une médiocre aisance. Les plats (...) sortaient d'un restaurant voisin, ils étaient maigrement servis, ils sentaient la portion congrue. Paris n'est pas beau dans ces petites choses auxquelles sont condamnés les gens à fortune médiocre (Balzac,Illus. perdues,1839, p.162).En Europe, où il s'agit de parcours d'une longueur relativement médiocre, on peut compter sur l'arrivée des trains à heure fixe (Verne,Tour monde,1873, p.21).Il y avait un jardin de dimensions médiocres, assez bien planté, somme toute agréable et que nous trouvions royal. Joseph sentit, j'en suis sûr, le mot de parc lui grouiller au bord des lèvres (Duhamel,Terre promise,1934, p.72).
b) [Relativement à l'intensité, à la qualité] Obstacle médiocre. Ce conseil n'est point composé de grands seigneurs, mais de personnages de médiocre ou de basse naissance (Tocqueville,Anc. Rég. et Révol.,1856, p.101).Beaux après-midi du dimanche sous le marronnier du jardin de Combray, soigneusement vidés par moi des incidents médiocres de mon existence personnelle que j'y avais remplacés par une vie d'aventures et d'aspirations étranges (Proust,Swann,1913, p.88):
1. Libre et sans famille, résolu à ne point prendre de femme légitime, je passais tantôt trois mois avec l'une, tantôt six mois avec l'autre, puis un an sans compagne en butinant sur la masse des filles à prendre ou à vendre. Cette existence médiocre, et banale si vous voulez, me convenait, satisfaisait mes goûts naturels de changement et de badauderie (...). J'étais un de ces milliers d'êtres qui se laissent flotter, comme des bouchons, dans la vie; pour qui les murs de Paris sont les murs du monde, et qui n'ont souci de rien, n'ayant de passion pour rien. Maupass.,Contes et nouv., t.2, Ermite, 1886, p.1055.
[Construit avec un compl. prép. avec de indiquant le domaine ou le siège de la médiocrité] Médiocre d'aspect, de taille. De Fusina, vue lointaine de Venise, médiocre d'effet; Venizia la bella est malheureusement couverte en tuile. Cela diminue de loin et d'en haut l'effet des palais de marbre (Michelet,Journal,1838, p.267).
c) Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est moyen, ordinaire. Le temps seul et l'immobilité lui auraient refait sans doute petit à petit une situation très-suffisante (...). Mais pour Madame de Longueville, que le médiocre ne satisfaisait pas (...) que restait-il à faire, afin de ne pas trop tomber au-dessous d'elle-même? (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.4, 1859, p.520).Berthelot, une grande, une très grande intelligence, sans aucun sentiment du bon ou du médiocre ou du mauvais dans la littérature moderne (Goncourt,Journal,1887, p.677):
2. ... pour aimer ceci, il faudrait une douceur, une modération des désirs en accord avec ce beau et médiocre paysage, médiocre, ni petit ni grand, ni très fertile ni très stérile. Les hommes à l'avenant; près de l'infini naturel des Alpes, de l'infini politique de la France, que reste-t-il à ceux-ci? Le médiocre en toute chose extérieure. Michelet,Journal,1842, p.424.
2. Qui se situe en-dessous de la moyenne.
a) [Relativement à la quantité] Faible, peu important. Ressources médiocres; revenu, salaire médiocre; médiocres dimensions. Jusqu'en 1822, les journaux français paraissaient en feuille d'une si médiocre étendue, que les grands journaux dépassaient à peine les dimensions des petits journaux d'aujourd'hui (Balzac,Illus. perdues,1839, p.411).À cette époque les biens immobiliers avaient une valeur médiocre (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.226).Le rendement était médiocre; mais, en perfectionnant la méthode, en redoublant de soins et d'activité, on devait arriver à une production énorme (Zola,Joie de vivre,1884, p.876).
b) [Relativement à l'intensité, à la qualité] De faible importance. Route, sol, terre médiocre; aventures médiocres; existence, vie médiocre; vacances médiocres; instincts, sentiments médiocres; prendre un intérêt médiocre à qqc.; santé médiocre; musique, oeuvre, plaisanterie, travail médiocre; faire des études assez médiocres. Été perdre deux heures aux courses d'Auteuil, pour dix minutes d'émotion frelatée. Je n'ai pas l'habitude d'aussi médiocres plaisirs. Ma démoralisation venait surtout d'avoir arpenté en tous sens la pelouse sans rencontrer un seul être avec qui souhaiter causer ou coucher (Gide,Journal,1906, p.205).Les chefs, le patronat (...) poussaient à la production d'une abondance médiocre, bien plus qu'à celle de produits de qualité. Faux luxe, carton-pâte, grande série, articles réclame... (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.470):
3. ... un homme pas très âgé, dont le visage trahissait une usure précoce (...). Ses vêtements râpés, mais d'une propreté méticuleuse, annonçaient un de ces métiers qui exigent d'abord de la tenue. Cette mise décente et médiocre, jointe à cette attitude déjetée eût aussitôt révélé, à un observateur renseigné de la vie française, l'usure d'une existence de bureaucrate. Bourget,Actes suivent,1926, p.121.
[Construit avec un compl. prép. avec de ou par indiquant le siège ou le domaine de la médiocrité] Je ne connais pas de plus mauvais vers (...) plus mal faits, plus au-dessous de leur réputation, plus médiocres de sentiments comme de facture et de rime (Sainte-Beuve,Pensées,1868, p.83).Miracle d'un livre, absolument médiocre par la forme, néanmoins tout-puissant sur l'âme (Bloy,Journal,1901, p.75).
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui manque d'élévation de pensée, de sentiments. La faute en était à son amour même; il n'y pouvait supporter rien de médiocre, rien qui ne fût tout à fait digne des souvenirs de leur cher passé (Rolland,J.-Chr., Adolesc., 1905, p.357).L'ensemble des journaux d'avant-guerre pouvait se classer, sauf exception, entre le médiocre et l'immonde (Mauriac,Bâillon dén.,1945, p.426):
4. Il [le Christ] accepte sa destinée et même la bassesse de ses amis: c'est qu'il donne à toutes choses leur pleine signification. Au lieu d'étriquer la vie, il épanouit devant son intelligence la part de beauté qui sommeille dans le médiocre. Barrès,Homme libre,1889, p.162.
B. − [En parlant d'une pers.]
1. Qui a une intelligence, des capacités moyennes; qui se situe dans l'ordre du commun, de l'ordinaire. Les profondes douleurs ne sont faites que pour ce que vous appelez les femmes médiocres, c'est-à-dire celles qui ne vivent que pour leur époux et leurs enfans, (Staël,Corinne, t.3, 1807, p.156).Sachez si vous êtes aimé (...). Si vous êtes un homme médiocre et ordinaire, je suis d'avis que vous cherchiez quelque temps avant de vous décider, mais que vous ne comptiez sur rien de ce que vous aurez cru trouver dans votre maîtresse (Musset,Confess. enf. s.,1836, p.56).Nous avons fini de nous aimer. L'amour s'use. Les amants médiocres peuvent s'aimer indéfiniment: pas nous (Hermant,M. de Courpière,1907, iv, 5, p.30).
En partic. Qui est de condition sociale moyenne. L'homme de catégorie moyenne a végété sa vie entière, afin de devenir juge en province ou médiocre employé (Gobineau,Pléiades,1874, p.88).
2. Qui manque de capacités intellectuelles, d'élévation de pensée ou de sentiments; qui est au-dessous de la moyenne. Oh! moi, répliqua Désiré, moi, je suis un mauvais élève. Ferdinand gloussa doucement (...). Il était lui-même considéré comme un élève médiocre et mal doué (Duhamel,Notaire Havre,1933, p.71).Le hasard des unions nucléaires fait que des enfants médiocres apparaissent dans la descendance d'un grand homme, et qu'un grand homme jaillisse d'une famille obscure (Carrel,L'Homme,1935, p.306):
5. Arrivé à son septième ou huitième livre, l'écrivain médiocre n'écrit plus qu'à l'aide de clichés qu'il s'est fabriqués lui-même et qui le dispensent de réfléchir, tout en lui donnant l'illusion qu'il s'exprime d'une façon personnelle. Le véritable écrivain en est toujours à son premier livre. Green,Journal,1933, p.126.
[P. méton du déterminé] Caractère, esprit médiocre. Flaubert avait donné un premier titre à L'Éducation sentimentale: il avait nommé ce livre Les Fruits secs, soulignant de la sorte les conséquences les plus fréquentes qu'entraîne chez des natures médiocres une fausse conception de leur pouvoir et de leurs aptitudes (Gaultier,Bovarysme,1902, p.20).
[Construit avec un compl. prép. avec de ou en indiquant le domaine de la médiocrité] Élève médiocre en français; étre médiocre de coeur. Il y a un autre sentiment qui n'est possible qu'au bal de l'Opéra, c'est celui qu'éprouve un homme lorsque, après avoir détourné son attention d'une femme médiocre de visage, il découvre en elle des charmes qu'il n'avait pas remarqués (Soulié,Mém. diable, t.2, 1837, p.216).Il me tarde que vous soyez désabusée de l'idée que vous vous faites d'un pauvre prêtre, très médiocre d'esprit, quoi que vous pensiez, et d'une santé fort infirme (Lamennais,Lettres Cottu,1818, p.8).Des enfants qui n'étaient pas plus beaux que leurs parents et ne promettaient pas de devenir plus heureux, et qui donneraient la vie à d'autres enfants aussi médiocres qu'eux en joie et en beauté (A. France,Dieux ont soif,1912, p.100).
Rem. On relève également les constr. dans + subst. et par + subst. Les hommes gorgés de pouvoir et saoulés de sang étaient médiocres et étroits dans leurs conceptions, médiocres et faux dans leurs oeuvres, médiocres et bas dans leurs actions (Vigny, Journ. poète, 1852, p.1290). Pourquoi la pourpre serait-elle abattue sur les épaules de ce pauvre homme, médiocre par les moeurs, nul par la doctrine, ridicule par l'épaisseur de son esprit (France, Orme, 1897, p.9).
Emploi subst.
Personne commune, sans talent particulier. Un médiocre conscient de lui, et courageusement déterminé à des ambitions étroites mais obstinées, solides, celui-là peut devenir, s'il s'acharne, un dominateur (Adam,Enf. Aust.,1902, p.215).L'homme était agréable, mais vulgaire. Au fond c'était un médiocre. Je vous dirai que je l'ai senti tout de suite. Dans le fond, il ne m'a jamais intéressée. Je l'aimais bien, c'était tout (Proust,Sodome,1922, p.939):
6. À partir du xviiiesiècle, lorsque le métier du peintre eut conquis sa marge d'écart par rapport à la stricte observance du modèle, se déploya l'infinie diversité de la technique. Alors que le médiocre, de par la neutralité qui le définit, se trouvait inapte à en profiter, à y déployer des ressources qu'il ne possédait pas, l'individu remarquable s'emparait avec joie de ce moyen d'expansion. Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.201.
Personne incapable, imbécile. Un imbécile, un médiocre dont la glorieuse carrière académique aura été toute faite, − et sans qu'il s'en doutât le moins du monde, − aura été faite par sa femme, une femme intelligente (Goncourt,Journal,1884, p.306).Toute cette humanité inférieure, née pour être esclave, tous ces médiocres, ces gens laids, stupides, mal habillés (Montherl.,Exil,1929, i, 2, p.28).
REM.
Médiocriser, verbe trans.Rendre médiocre, considérer comme sans grande valeur. Médiocriser (...) la pensée et l'action de François Rabelais (L. Febvre, Combats pour hist., Sur Rabelais, 1931, p.261).
Prononc. et Orth.: [medjɔkʀ ̭]. Ac. 1694 et 1718: me-; dep. 1740: mé-. Étymol. et Hist. 1. 1495 «qui est, par la quantité ou la qualité, entre le grand et le petit» (J. de Vignay, Mir. hist., 27, 49 ds Delb. Notes mss); 2. 1580 choses ... bien médiocres «au-dessous de la moyenne» (Montaigne, Essais, éd. P. Villey, L. 2, chap.17, p.658); 1587 un poëte ne doit jamais estre médiocre (Ronsard, Préface sur la Franciade ds oeuvres, éd. P. Laumonier, XVI, p.348); 3. 1658 subst. plur., en parlant de personnes (Bossuet, Oraison funèbre d'H. de Gornay, éd. B. Velat, p.28); 4. 1674 subst. le médiocre (Boileau, Art poét., éd. C. H. Boudhors, chant IV, vers 32). Empr. au lat. mediocris «moyen; de grandeur, de qualité moyenne, ordinaire en parlant de personnes et de choses» (de medius «qui est au milieu»). Fréq. abs. littér.: 2457. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2401, b) 2730; xxes.: a) 4679, b) 4122. Bbg. Quem. DDL t.17 (s.v. médiocriser).