| LÉGION, subst. fém. I. − TECHN. MILIT. A. − ANTIQ. ROMAINE. Grande unité de l'armée romaine comprenant des fantassins et des cavaliers. Centurie, cohorte, manipule d'une légion; légion en marche; commander, lever une légion. Un Macédonien mettoit la phalange bien au-dessus de la légion, et ne pouvoit souffrir que l'on comparât César à Alexandre (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 279).À l'aqueduc de Mayence, chaque brique ou pierre porte le numéro de la légion (Michelet, Journal,1842, p. 465).V. aussi aigle ex. 46 et alouette B : 1. ... le Sénat ayant envoyé contre lui [Spartacus] les légions de Crassus et de Pompée, forcé d'accepter la bataille, il tua son cheval...
France, Vie Fleur,1922, p. 310. − [P. allus. hist. à la plainte d'Auguste à Varus, dont les légions furent massacrées par les Germains dans la forêt de Teutoburg] Ô mort! épargne ce qui reste! Varus, rends-nous nos légions! (Delavigne, Messéniennes,1824, p. 22). B. − P. anal. 1. [À propos d'une unité milit.] a) HIST. (du xvies. au xixes.) − Corps de troupes, souvent d'infanterie, de l'armée française. Légion corse; légions provinciales (jusqu'à Charles IX); légions nationales (de François 1er). Bonaparte avait rendu à ses légions leurs surnoms d'invincible, de terrible, d'incomparable (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 602): 2. Les légions de François Ier, les régiments de Louis XIV, furent des écoles, où, sans qu'on lui enseignât rien, il [l'État] se formait lui-même, prenait des idées communes, et s'élevait peu à peu au sentiment de la patrie.
Michelet, Peuple,1846, p. 340. ♦ En partic. [Au début de la Restauration] Régiment surtout d'infanterie, équivalant à un régiment actuel, constitué à raison d'un par département et portant le nom de ce département. Mon neveu Prosper, officier dans la légion de la Dordogne (Maine de Biran, Journal,1816, p. 133).L'oncle Augustin (...) venait d'être promu général commandant la légion de la Meurthe (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 317): 3. En 1817, (...) l'armée française était vêtue de blanc, à l'autrichienne; les régiments s'appelaient légions; au lieu de chiffres ils portaient les noms des départements.
Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 144. − Régiment de la garde nationale, formé de quatre bataillons et divisé par arrondissement. J'ai organisé la deuxième compagnie du quatrième bataillon de la première légion de la Garde nationale (Vigny, Journ. poète,1830, p. 918).Combeferre [avait] un fusil de garde national portant un numéro de légion (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 303).Eh bien, voilà votre M. Crevel nommé chef de bataillon de sa légion (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 106). b) Unité de gendarmerie de plusieurs escadrons ou compagnies, équivalant à un régiment, commandée par un colonel et affectée à une région militaire (d'apr. Leloir 1961). Colonel d'une légion; légion de gendarmerie (départementale ou mobile). Le sieur Verrières, que la reconnaissance des nouveaux gendarmes a porté au commandement d'une de leurs légions (Marat, Pamphlets, À ces concitoyens, 1792, p. 307).Le capitaine Dautancourt, le chef d'escadron Jacquin, de la légion d'élite, deux gendarmes à pied du même corps (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 143). Rem.,,Remplacée en 1967 par un commandement de circonscription régionale de gendarmerie formant corps`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968). 2. [À propos d'une unité milit. ou corps composé de volontaires] a) HIST. Régiment de volontaires principalement étrangers engagés au service d'un pays. La Légion étrangère espagnole. En juillet, une « légion » formée de jeunes Français était engagée en Russie sous les ordres et l'uniforme allemands (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 36).Le 4, un statut nouveau de la « Légion des Combattants » était décrété à Alger (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 93) : 4. Trois ans plus tard, Carrel se battait en Espagne, contre l'armée de la Foi, dans la Légion libérale étrangère, composée de Français et d'Italiens.
France, Vie littér.,1888, p. 203. b) Légion étrangère et p. ell. la Légion. Formation particulière de l'armée française comprenant plusieurs régiments d'engagés volontaires le plus souvent étrangers, servant sous le commandement d'officiers français et étrangers. S'engager, s'enrôler, servir dans la Légion. Les statistiques de la Légion étrangère montrent qu'ils [les Rhénans] ne répugnent pas à servir la France (Barrès, Cahiers, t. 12, 1919, p. 156).Vous n'ignorez pas que je sers au régiment étranger? − Au régiment?... − À la Légion, quoi! (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1215): 5. Il raconte (...) le transfert à Sidi-bel-Abbès d'un drapeau de la Légion portant d'un côté de la rosette des initiales L.É. (Légion étrangère) et de l'autre L.N. (Louis-Napoléon) ayant fait les guerres de Crimée et du Mexique, conservé jusqu'alors au Musée des Invalides.
Gide, Journal,1931, p. 1073. C. − Littér., au plur. Armées. Ce fut avec l'esprit public de la Prusse, autant qu'avec ses légions, que le grand Frédéric repoussa l'Europe coalisée (Constant, Esprit conquête,1813, p. 230).Ils faisaient sortir de leurs tombeaux l'Empereur et ses légions (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 714). II. − P. anal. A. − Lang. biblique. 1. Le plus souvent au plur. [P. allus. à Matthieu, 26, 54] Armée immense, innombrable (d'anges ou de démons). Célestes légions; légions de Satan; légions infernales; légion démoniaque. Méphistophélès, resté près du cadavre, appelle à son aide les sombres légions (Nerval, Sec. Faust,1840, épil., p. 283).Il ne savait plus de quelle généalogie de pensées était née la dernière qui l'animait : de la bonne ou de la mauvaise légion d'anges? (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 263).Cf. glavataire, rem. sous glaive : 6. Je sais que vous gardez une place au Poëte
Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,
Et que vous l'invitez à l'éternelle fête
Des Trônes, des Vertus, des Dominations.
Baudel., Fl. du Mal,1857, p. 13. − P. anal. Ces murs (...) semblaient habités par des légions de damnés (Sand, Lélia,1833, p. 185).Apportez-nous des saints groupés en légion (Hugo, Religions et religion,1880, p. 184). 2. Au sing., littér. [P. allus. à Luc, 8, 30] S'appeler légion; être légion. Être très nombreux de la même espèce. Le Diable : Je suis plusieurs, je m'appelle légion (Flaub., Tentation,1849, III, p. 489).Si nombreux que l'on soit, et s'appelât-on légion, il se faut accommoder de cette unique chambre (About, Grèce,1854, p. 407).Je suis le geste simple et la complexe limaille. Je suis un divers, je suis légion (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 423). B. − 1. Grande quantité (d'êtres vivants formant groupe). Synon. armée, essaim, horde, meute, nuée.Légions de fourmis, de poissons, d'insectes, de rats. Les sangliers se rassemblent d'eux-mêmes par troupes, les chiens par meutes, les poissons vivipares par couples, les ovipares par légions (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 304).Les maringouins arrivaient en légions si nombreuses que leur bourdonnement formait une clameur (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 81). 2. Fam. Nombre trop grand ou très grand (d'êtres vivants). Synon. flopée (pop.), foule, kyrielle (fam.), masse (fam.), multitude, nuée, régiment (fam.), ribambelle, tas.Une légion de cousins, de solliciteurs. Elle avait une légion de maîtres et travaillait comme un écolier (Stendhal, Lamiel,1842, p. 194).Des quantités de bureaux et des légions d'employés penchés sur des pupitres (Goncourt, Journal,1860, p. 836): 7. ... l'un de ces grands musées (...) où (au prix d'efforts dont l'héroïsme et la valeur spirituelle finiront par être compris un jour) une légion de voyageurs est parvenue à resserrer, en quelques salles, le spectre entier de la vie.
Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 144. − Être légion. Être en grand nombre. Les livres bien faits sont légion; où sont ceux qui font « prendre conscience de quelque chose »? (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1907, p. 177).Vous me dites qu'il ne manque pas de bourgeois très profondément pénétrés de l'importance professionnelle et qu'ils sont légion (Aymé, Confort,1949, p. 148). III. − [À propos d'institutions, d'associations] A. − Légion d'honneur 1. Ordre national français honorifique, hiérarchisé, institué par Bonaparte en 1802, et destiné à récompenser des services civils et militaires éminents. Ils sont anarchistes, mais ils veulent bien être, tant qu'ils peuvent, dans la Légion d'honneur. Et aussi haut qu'ils y peuvent monter (Péguy, Argent,1913, p. 1210).[Cérémonie] au cours de laquelle je fis dignitaires de la Légion d'honneur les généraux Marshall, Arnold, Somerwell, les amiraux King et Leahy (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 209).V. aussi fêter A 2 b, Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 762 : 8. ... le lieutenant Noirot, d'une bravoure extraordinaire, (...) avait reçu du prince Eugène la croix de la Légion d'honneur en 1813 pour un fait d'armes accompli dans une des redoutes de Caldiera.
Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 598. SYNT. Être nommé (au grade de) chevalier, être promu (au grade d') officier, (vx commandant) commandeur, être élevé à la dignité de grand officier, de grand aigle (vx), de grand-croix de la Légion d'honneur; grand maître de la Légion d'honneur; grand chancelier, conseil (de l'Ordre) de la Légion d'honneur; ruban, rosette, grand-collier, grand cordon (vx), plaque de la Légion d'honneur; nomination, avancement, promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur; obtenir, recevoir, remettre (à qqn) les insignes de (chevalier, etc.) de la Légion d'honneur. ♦ P. ell., fam. La Légion. Cailleux, (...) nommé officier de la Légion (Hugo, Corresp.,1825, p. 419).César (...) mit alors machinalement le ruban de la Légion à sa boutonnière (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 411). − P. méton. a) Distinction, titre, dignité de cet ordre, accordé(e) à une personne physique ou morale, et principalement grade de chevalier. Espérer, mériter, obtenir, recevoir la Légion d'honneur à titre civil, militaire; attribuer, procurer, décerner, faire octroyer à qqn la Légion d'honneur, avoir la Légion d'honneur; être proposé pour la Légion d'honneur. Naturellement, vous serez récompensé : la Légion d'honneur ou la médaille militaire (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 259).Il pouvait obtenir d'eux [les chefs de cabinet et les ministres] ce qu'il voulait et devinait sa Légion d'Honneur proche (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 180): 9. J'eus même la chance de me voir offrir deux ou trois fois la Légion d'honneur que je pus refuser avec une dignité discrète où je trouvais ma vraie récompense.
Camus, Chute,1956, p. 1483. b) Fam. Décoration, insigne de cet ordre (principalement la croix de chevalier). Être décoré de la Légion d'honneur; porter la Légion d'honneur. Il piqua le bijou sur le revers de sa redingote, au-dessous de la Légion d'honneur, comme autre croix d'ordre inférieur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 528).Il revint, habillé, (...) un ruban neuf à sa Légion d'honneur (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 143). c) Palais, hôtel de la Légion d'honneur et p. ell. (fam.) la Légion d'honneur. Siège parisien de cet ordre. Nous passâmes sur le quai de la Cour des Comptes et de la Légion d'honneur (Goncourt, Journal,1851, p. 40).Nous allons déjeuner boulevard Saint-Germain, dans un petit restaurant près de la Légion d'Honneur (Green, Journal,1938, p. 130). 2. Maison(s) d'éducation de la Légion d'honneur et p. ell. la Légion d'honneur. Maison(s) d'éducation destinée(s) aux filles (ou petites-filles, sœurs, nièces) de membres de la Légion d'honneur. Une jeune personne qui a été élevée à Saint-Denis, à la Maison de la Légion d'honneur (Frapié, Maternelle,1904, p. 63): 10. Sa Majesté était logée dans les bâtiments de l'abbaye : on avait toutes les peines du monde à empêcher les petites filles de la Légion d'honneur de crier : Vive Napoléon!
Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 628. B. − Légion (de Marie). Mouvement d'apostolat international de laïcs catholiques. Franck Duff voulait [comme saint Louis de Montfort] que les membres de la Légion de Marie travaillent à l'évangélisation du monde en se mettant spécialement au service de Marie, pour l'aider dans sa mission de Mère de l'Église (La Croix,16-17 nov. 1980, p. 7, col. 3-4). Prononc. et Orth. : [leʒjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1155 legïun « corps d'armée romaine » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3179); b) 1534 légion « corps de l'armée française (créé par François Ier) » (Édit., 24 juillet ds Isambert, Recueil gén. des anc. lois fr. t. 12, p. 391); c) 1792 légion franche étrangère (26 juillet ds Brunot, t. 9, p. 942); 1831 légion étrangère (Ordonnance royale du 10 Mars, Art. 1erds E. Fieffé, Hist. des troupes étrangères, 1854, p. 383); 2. ca 1170 legïon « grand nombre de personnes formant une sorte de troupe » (Guillaume de St-Pair, Mont-Saint-Michel, éd. P. Redlich, 3274); 3. 1802 Légion-d'Honneur (Loi du 29 floréal an X ds J.-B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets t. 13, p. 199). Empr. au lat.legio, -onis « corps de troupe » et « bande, troupe », dér. de legere « recueillir, choisir». Fréq. abs. littér. : 1 352. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 337, b) 1 992; xxes. : a) 2 198, b) 1 365. |