| LORRAIN, -AINE, adj. A. − [En parlant d'une pers.] Qui habite la Lorraine ou en est originaire. Paysan lorrain. Mon père que j'ai perdu tout jeune, était d'origine lorraine (Bourget, Disciple,1889, p. 66).Ici, toute conversation intelligente, sérieuse, instructive, ennuie; il ne faut que causer cuisine et généalogie des familles lorraines (Goncourt, Journal,1891, p. 140): 1. Si j'étais un jour poète, je le devrais aux horizons de mon enfance. Victor Hugo naquit d'un Lorrain et d'une Bretonne; le musicien Chopin d'un Lorrain et d'une Polonaise, et le peintre Claude Gelée d'une longue suite lorraine.
Barrès, Cahiers, t. 4, 1906, p. 173. ♦ Alsacien-lorrain. V. alsacien A. − [P. méton.] Alors dans Besançon, vieille ville espagnole, Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole, Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix (Hugo, Feuilles automne,1831, p. 717). − Emploi subst. Personne qui habite la Lorraine ou en est originaire. Un vrai Lorrain. Pour faire un Lorrain, il faut au moins cinquante ans de cimetière (Barrès, Cahiers, t. 7, 1908, p. 76).Tant qu'il s'était agi de chasser les Allemands du territoire, ce vieux Lorrain [Louis Marin] m'avait donné son adhésion sans réserves (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 261).V. aussi Barrès supra. B. − [En parlant d'une chose] Qui se rapporte, qui est relatif à la Lorraine. 1. [Qualifie une chose concr.] Acier, meuble, minerai, pays, sel gemme lorrain; broderie, filature, fonte, fortification lorraine; salines lorraines. Elle s'exhalait [la tristesse] des lits défaits, laissant traîner leurs draps sur le plancher, de la vieille armoire lorraine dont les cuivres, n'étant plus astiqués, ne luisaient plus (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 27).Les jeunes filles qu'on y rencontre et qui portent toutes la halette lorraine sont baignées de respect (Barrès, Cahiers, t. 6, 1908, p. 123).Les réserves en phosphates de la Berbérie ne sont certainement pas inférieures à 5 milliards de tonnes; c'est le tonnage reconnu de la minette lorraine (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 213): 2. Les trois tilleuls de Florémont sont des parents de mes pensées. Et Chamagne, pauvre village où Claude Gelée naquit, me montre ses prairies transfigurées par un rayon de la lumière antique. Pour mon usage, les mirabelliers lorrains valent les arbres de Minerve.
Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 247. 2. [Qualifie une chose abstr.] Caractère, cœur, esprit, patriotisme lorrain; coutume, histoire, légende, veillée lorraine; qualités lorraines. La libre pensée devait détester ces œuvres où le particularisme lorrain s'alliait étroitement à l'idée catholique et qui formaient, à bien voir, des citadelles contre le rationalisme (Barrès, Colline insp.,1913, p. 98) : 3. Les maisons ne s'égaillent point confiantes et joyeuses dans la verdure qu'elles varient. Elles se resserrent. Vézelize se cache dans un pli du terrain. Vézelize qu'on appelle (il faut bien accepter le fort goût lorrain) le pot de chambre de la Lorraine. On dit que la vierge de Sion guérit les peines morales.
Barrès, Cahiers, t. 3, 1902, p. 34. − P. métaph. C'est ainsi qu'elle [la colline de Sion] élève au-dessus de l'antique grenier lorrain la double tradition religieuse et militaire que chacun de nous entretient dans sa conscience (Barrès, Cahiers, t. 31903, p. 163). C. − Spécialement 1. ART CULIN. Dont la recette est typique de cette province. Pâté lorrain; potée, tourte lorraine. Jules, le domestique de Mmede Martel, est arrivé avec une quiche lorraine, du rosbif (Barrès, Cahiers, t. 31904, p. 197). − Loc. adv. À la lorraine. [En parlant d'une garniture culinaire] Avec accompagnement pour une grosse pièce de boucherie de choux rouges braisés au vin rouge, ou pour des œufs sur le plat de tranches de lard grillé et d'un cordon de crème (d'apr. Ac. Gastr. 1902). 2. EMBLÉMATIQUE a) Chardon lorrain. Symbole illustrant la devise « Qui s'y frotte s'y pique ». Tissé exprès à Lyon sur les indications de Barrès : le chardon lorrain en était le motif (Blanche, Modèles,1928, p. 35). b) Croix lorraine ou Croix de Lorraine. Ils passèrent devant l'orangerie, dont la porte monumentale était surmontée de la croix lorraine de Mareuilles (France, Lys rouge,1894, p. 329).V. croix II C 1 syntagmes. 3. GÉOL. Côte lorraine. Car, à quelques différences près, on la retrouve [la population] sur les pentes orientales des côtes bourguignonnes ou lorraines (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. fr.,1908, p. 104).Plateau lorrain. Il gravit les rampes qui escaladent le flanc de la vallée, et grimpent à travers bois, vers le plateau lorrain (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 197). 4. LING. Dialecte, patois lorrain. Nom générique des variétés de dialectes lorrains parlés en Lorraine. Deux femmes dévouées au couvent rencontrèrent le nouveau maire (...) au lieu dit le Cul du Coq, coudjo, en patois lorrain (Barrès, Colline insp.,1913, p. 185): 4. ... on sait que moutier vient du latin Monasterium (Monisterium dans le parler populaire de la Gaule), et que, souvent dans le dialecte lorrain, le mot désigne une église.
L'Hist. et ses méth.,1961, p. 678. ♦ Emploi subst. Le dialecte lorrain. Nul doute que le religieux qui tenait la plume n'ait (...) conservé le langage même de la Pucelle, au dialecte près, car enfin Jeanne parlait lorrain (France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 6). 5. MUS. Marche lorraine. Chant qui fut aussi le signe de ralliement de la France libre. La musique prit la tête de la colonne, et joua la Marche Lorraine. Son intention était certainement de ragaillardir tout le monde (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 91). D. − Proverbe. Lorrain, mauvais chien, traître à Dieu et à son prochain (France1907). Prononc. : [lɔ
ʀ
ε
̃], fém. [-εn]. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 subst. Loherenc « habitant de Lorraine » (Roland, éd. J. Bédier, 3700); 1461 Lorraine fém. (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 349); 2. 1225-30 adj. « qui est propre à la Lorraine » (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 748 : note lohorenge); 3. ling. a) 1775 adj. « qui appartient au dialecte lorrain » (Oberlin, Essai sur le patois lorrain des environs du Ban-de-la-Roche [titre]); b) 1873 subst. (Lar. 19e). De l'a. h. all. Lotharing « id. » (cf. Nyrop t. 3, § 361 et Wolf, p. 33). Le suff. -enc de l'anc. lang. a été remplacé par -ain, ce dernier étant plus répandu comme suff. formateur d'adj. ethniques à partir de toponymes. Fréq. abs. littér. : 726. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 174, b) 214; xxes. : a) 3 505, b) 714. |