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LOIN, adv.
I.
A. − [Dans l'espace]
1. À une grande distance (relativement à un observateur ou à un point d'origine). Anton. près, proche.Tu viendras à la maison. Tu es du midi, bon, c'est pas si loin. Tu prends ton train et puis voilà Dijon, et c'est là (Giono, Gd troupeau,1931, p. 42).Devant la porte, nous en avons parlé avec Raymond, puis nous avons décidé de prendre l'autobus. La plage n'était pas très loin, mais nous irions plus vite ainsi (Camus, Étranger,1942, p. 1159).
Plus loin. À une certaine distance (de là). Allez jouer un peu plus loin, mes enfants. Je n'ai pas le temps de m'occuper de vous, en ce moment (Bourdet, Sexe faible,1931, III, p. 464).J'ai traversé de nouveau la place Saint-François. Plus loin, j'ai tourné à droite, et gagné la rive du Paillon (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 44).
Il y a loin de... à... Il y a une grande distance de... à... Je compte sur votre visite dans mon domicile privé (...). Mais comme il y a loin de mon quartier au vôtre et que vous pourriez faire une course inutile, dès que vous serez à Paris, donnez-moi un rendez-vous (Flaub., Corresp.,1868, p. 356).
Proverbe. Loin des yeux loin du cœur. On oublie vite les absents. V. cœur III D 3 b.
2. En partic. [Dans un texte écrit ou oral] Plus loin. Plus avant, plus bas. Ces mêmes répétitions je les retrouve également dans Phèdre. Œnone, prends pitié de ma jalouse rage... Et quatre vers plus loin : Dans mes jaloux transports... (Gide, Journal,1939, p. 10).Vers la fin du mois cependant, et à peu près pendant la semaine de prières dont il sera question plus loin, des transformations plus graves modifièrent l'aspect de notre ville (Camus, Peste,1947, p. 1281).
B. − Au fig.
1. À un degré avancé, au-delà (d'une certaine limite). L'art de traduire est poussé plus loin en allemand que dans aucun autre dialecte européen (...). W. Schlegel a traduit les poëtes anglais, italiens et espagnols, avec une vérité de coloris dont il n'y avoit point d'exemple avant lui (Staël, Allemagne, t. 2, 1810, p. 103).Elle alla jusqu'à s'accuser d'avoir porté trop loin sa fierté de femme (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 209):
1. Il est probablement impossible de mener plus loin que Mallarmé la volonté de transfiguration du réel, qu'avaient proclamée les romantiques allemands. Mais, à ce degré de pureté et à cette marge de l'absurde, le propos des romantiques n'est plus guère reconnaissable. Béguin, Âme romant.,1939, p. 383.
2. En partic.
a) Aller loin
α) [Le suj. désigne une pers.]
Aller loin, un peu loin, trop loin. Exagérer, dépasser la mesure, ce qui est convenable. René Lahrier (...) baisa et mordilla longuement l'un après l'autre les petits doigts (...). Cependant, un moment vint où il dut aller un peu plus loin, car la jeune femme, soudain, fut debout (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., II, p. 144).Cette fois-ci vous êtes allé trop loin et vous serez puni de cette imposture (Camus, État de siège,1948, 1repart., p. 217):
2. Je disais (...) à un jeune écrivain qu'en littérature il fallait crever le plafond, autrement cela ne valait pas la peine de songer à écrire. Indispensable d'aller trop loin sans se demander, surtout, jusqu'où, selon le mot fameux, il convient d'aller trop loin. Trop de malins savent jusqu'où il faut aller trop loin. La vraie limite est bien au-delà. Green, Journal,1952, p. 169.
[Dans une phrase au fut.] Être promis à la réussite, au succès. Une petite qui a de la tête, qu'il dit paternel. Et il ajoute : − Jolie comme elle se présente elle ira loin. − En Argentine, dit Thérèse (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 18).
Aller plus loin. Dépasser ce qui a été atteint. Il y a eu un temps où je croyais avoir atteint l'extrémité de la douleur. Eh bien! non, on peut encore aller plus loin. Au bout de cette contrée, c'est un bonheur stérile et magnifique (Camus, Caligula,1944, IV, 13, p. 105).
[Dans un raisonnement, dans la conversation] Continuer. Mais, avant d'aller plus loin, je crois bon d'ouvrir une parenthèse (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1222).
Aller jusqu'à dire que. Le déshonneur ne pourra prendre sur un nom tel que le vôtre. Vous serez une veuve et la veuve d'un fou, voilà tout. J'irai plus loin : mon crime n'ayant point l'argent pour moteur ne sera point déshonorant (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 472).
Ne pas aller plus loin. En rester à ce qui a été dit ou fait :
3. J'aurais pu aller plus avant avec André Gide, mais la politesse du cœur exigeait que je n'allasse pas plus loin. Je savais que ce plus loin ne pouvait être réciproque. Le voyage dans Gide m'était plus facile que ne lui eût été facile le voyage en moi. Mes préoccupations étaient si peu conformes aux siennes que nous abordions toujours des sujets de surface... Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 228.
Sans aller (chercher) plus loin. Sans se donner la peine de chercher davantage (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
β) [Le suj. désigne une chose] Avoir une grande portée, de l'importance. Les choses allèrent si loin que l'agence Rensdoc (...) annonça (...) six mille deux cent trente et un rats collectés et brûlés dans la seule journée du 25 (Camus, Peste,1947, p. 1228):
4. Un très profond et très redoutable docteur Marcel Jouhandeau, a écrit : « Du moment qu'on a découvert et comme éveillé certains horizons de la chair et de l'esprit, ils ne vous permettent plus de les oublier (...). Vous portez avec vous (...) une expérience de replis cachés qui tour à tour s'éclaire, vous fascine, vous cerne ». Cela va loin... Mauriac, Journal 2,1937, p. 120.
Ne pas aller loin. Ne pas prendre, ne pas avoir beaucoup d'importance, être de peu de valeur. Agréable visite de Boylesve; je sens bien que la conversation n'ira pas très loin avec lui, mais j'ai chaque fois plus grand plaisir à le revoir (Gide, Journal,1910, p. 291).− Nous allons nous balader à bicyclette cet été. − Comme dépaysement, ça ne va pas loin! (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 173).
b)
α) Ailleurs.
[En pensée, moralement] Être loin. Être perdu dans ses pensées, ne pas prêter attention à la réalité présente. Synon. être absent :
5. Lulu Doumer regarde on ne sait où. Elle gratte un petit coin du cuir chevelu d'un index recourbé avec distinction. − Tu as des poux? lui demande Thérèse. Lulu Doumer ne répond pas : elle est très loin. Queneau, Loin Rueil,1944, p. 18.
En partic. Revenir de loin. Réchapper d'une grave maladie, d'un grave danger (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
β) [Évoquant les conséquences de qqc.]
Mener* loin.
Voir (plus) loin. Prévoir les conséquences (d'une situation, d'un événement), faire preuve de prévoyance, de perspicacité. Le travailleur qui ne voit pas plus loin que la paye du samedi, l'état qui ne voit pas plus loin que l'équilibre momentané de son budget. L'un et l'autre, je le disais, cherchent à nous asservir par la loi (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 197):
6. Société des Nations. − Unique moyen, et moyen infaillible, de rendre désormais toute guerre impossible (...). Et il faut voir plus loin encore. Cette Société des Nations devrait être l'instigatrice d'une politique et d'une économie internationale... Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 925.
Loc. Ne pas voir plus loin que (le bout de) son nez. Ne pas être prévoyant, perspicace. Si je parle de divorce, c'est parce que vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. (...) menacez-les du divorce, cria-t-il avec impatience en croisant ses doigts jaunis par le tabac, et ils feront ce que vous voudrez (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p. 152).
P. métaph. :
7. ... Kafka, dont le message se combinait de si heureuse façon avec celui des Américains, montrait quelles régions encore inexplorées pourraient s'ouvrir à l'écrivain, débarrassé enfin de cette triste myopie qui le forçait à examiner de tout près chaque objet et l'empêchait de voir plus loin que le bout de son nez. Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 14.
γ) Proverbe. Qui veut voyager loin ménage sa monture (Rey-Chantr.Expr.1979).Pour mener à bien une entreprise, il ne faut pas gaspiller ses forces au départ.
c) Loc. Il (n') y a (pas) loin de... à ... Il (n') y a (pas) une grande différence de... à... Je sais, moi, qu'il y a encore très loin de ce que j'écris à ce que je rêve d'écrire (Green, Journal,1935, p. 48).Mais de là à leur demander conseil, il y a loin (Giraudoux, Folle,1944, II, p. 125).Il n'y a pas loin du contentement à la suffisance (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 49).
Proverbe. Il y a loin de la coupe* aux lèvres (v. ce mot A). Il y a une grande différence entre les projets ou les promesses, et les réalisations effectives :
8. ... on a retrouvé la liste des gratifications royales accordées aux artistes en cette année 1745. Un sieur Rousseau, musicien, y figure pour sept cent quatre-vingt-douze livres. M. Alexis François explique à ce propos qu'il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres et d'une liste de gratifications à ceux qui effectivement les touchent... Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 218.
Rem. Loin s'en faut. ,,Cette locution hasardeuse, venue apparemment par contamination de loin de là et de tant s'en faut, n'est signalée par aucun dictionnaire`` (Grev. 1969, § 844, p. 831). ,,Damourette et Pichon (t. VI, p. 656) ont noté cet exemple : Sans être vulgaire (loin s'en faut, il avait une certaine allure) (P. V. Stock, dans le Mercure de France, 15 juin 1938, p. 554)`` (ibid., note 1). Liski, lui, n'était pas accablé. Loin s'en fallait. Ici, comme ailleurs, il restait (...) sûr de sa force (Le Breton, Razzia, 1954, p. 212).
C. − P. anal. [Dans le temps]
1. À une grande distance (du moment où l'on parle ou dont on parle).
a) [Dans le passé] Le plus loin dont je me souvienne, c'est qu'étant à Angers, ma mère nous mena, ma sœur et moi, à la promenade (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 105).Repassant ensuite la grande fugue en si mineur pour orgue (de mémoire (...)) j'avais quelque mal à la bien jouer et il me semblait être revenu loin en arrière (Gide, Journal,1930, p. 987).Et il me revient un souvenir. Lorsque j'étais petit garçon... je remonte loin dans mon enfance. L'enfance, ce grand territoire d'où chacun est sorti! (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 311).
Dater de loin. Dater d'une époque éloignée :
9. Cette idée fixe datait de loin. Dès 1903, pendant mon année de service militaire, j'avais voulu donner à mes amis un premier exemple de cette « manière », en écrivant une longue nouvelle, Jean Flers, qui, déjà, était conçue en dialogues, accompagnés d'indications scéniques. Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. lxi.
b) [Dans l'avenir] J'ai senti mon cœur battre d'espoir, de trop d'espoir, peut-être, en nous voyant réunis tous les trois, comme autrefois, à Paris; je me suis dit que le retour [à la vie normale] n'était peut-être pas loin (Green, Journal,1943, p. 18).L'extermination progressive mais générale des guerriers, et le retour (...) au règne des seuls hommes de connaissance (...). À partir de 1992. (...) 1992, c'est bien loin, dit Ricarda (Abellio, Pacifiques,1946, p. 209):
10. L'art est en train de ne pas échapper à l'expérience et à l'analyse exacte. Je le sens et j'en vois des indices. Le jour n'est pas loin où certaines recherches encore jeunes y arriveront. Valéry, Corresp. [avec Gide], 1902, p. 395.
2. Loc. verb. Il n'ira pas loin. Il va mourir bientôt; il n'en a plus pour longtemps. M'est avis qu'il n'ira pas loin maintenant... Non, il ne fera pas de vieux os (Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,1848, III, 6, p. 78).
II. − Dans les loc. adv.
A. − [Dans l'espace]
Au loin. À une grande distance, en un lieu éloigné. Des gens chantaient au loin dans les avenues du parc (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 432).
De loin. D'une distance assez grande, d'un endroit éloigné (relativement à un point déterminé). Un fils de (...) vingt-huit ans (...) et une fille (...) on les aperçoit souvent, de loin, cultivant leurs terres (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1080).J'ai peur de son visage quand elle m'apercevra. J'ai peur de l'aborder. Je la suis de loin avant de l'aborder (Montherl., Encore inst. bonh.,1934, p. 727).V. âcre ex. 9.
De loin en loin; de loin à loin (Ac.) vx. De place en place. De loin en loin, dans une ferme, un petit bois, derrière un rocher, les groupes de dynamiteurs attendent (Malraux, Espoir,1937, p. 627).Un carnet de cuir noir. Il le feuillette un instant : beaucoup de pages blanches et, de loin en loin, quelques lignes tracées à l'encre rouge (Sartre, Nausée,1938, p. 141):
11. La Place d'Armes, les boulevards, la promenade du Front-de-mer, de loin en loin, étaient souillés. Nettoyée à l'aube de ses bêtes mortes, la ville les retrouvait peu à peu, de plus en plus nombreuses, pendant la journée. Camus, Peste,1947, p. 1227.
B. − Au fig.
1. De loin
a) [Marque un écart important, une grande différence] De beaucoup. Elle le lui avait donné [le secret] comme elle se fût donnée elle-même, si l'enfant ne l'eût encore chez elle emporté de loin sur la femme (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1292):
12. Tossa Del Mar (...) possède une jolie plage, (...) des maisons anciennes (...) mais toutes ces beautés n'égalent pas − de loin − celles des villages français moins célèbres à l'étranger, comme Collioure, qu'une couleur bien plus précieuse auréole. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 167.
b) Faiblement, médiocrement, vaguement. Ne s'intéresser que de loin à qqc, à qqn. (Rey-Chantr. Expr., 1979).
2. De près ou de loin. De quelque manière, plus ou moins. Toutes les nations au sein desquelles a pénétré soit directement soit médiatement la lumière du christianisme, et qui, de près ou de loin, ont subi son influence (Lamennais ds L'Avenir,1831, p. 316).Quel est le Russe à l'époque qui n'avait pas été mêlé de près ou de loin à la révolution de 1905-08 (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 67).
Ni de près ni de loin. En aucune manière. Va, ma fille, qu'un jeune homme te plaise, le premier venu, et je lui ouvre mes deux bras sans marchander (...) pour peu, bien entendu, qu'il n'appartienne ni de près ni de loin à la caste détestable des artistes (Feuillet, Scènes et com.,1854, pp. 82-83).
3. Voir venir (qqc.) de loin. S'attendre à quelque chose, ne pas (en) être surpris (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
C. − P. anal. [Dans le temps] De loin en loin; de loin à loin (vx). De temps à autre, de temps en temps. Cependant la conversation est languissante entre Virginie et Auguste (...). Ils échangent seulement quelques mots de loin à loin (Kock, Pucelle,1834, p. 304).Je l'avais revu de loin en loin aux promenades ou dans les bals, et toujours nous causions ensemble avec assez de penchant et d'intérêt (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 201).Il était devenu mon ami, un de ces amis qu'on rejoint de loin en loin, puis de plus en plus souvent, quand on a envie d'une soirée excitante (Abellio, Pacifiques,1946, p. 35).
III. − Dans des loc. prép.
A. − [Dans l'espace] Loin de. À une grande distance de. Ils habitaient alors bien loin d'ici, du côté de Berbloocke, à la lisière de ces marais si dangereux qu'on ne peut les passer de nuit que derrière un chien des Flandres (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1278).Les blessés dont le bras était plâtré marchaient, leur bras saucissonné de linge tenu loin du corps par l'attelle, comme des violonistes, violon au cou (Malraux, Espoir,1937, p. 514).Que ferais-je sans vous à mes côtés, que deviendrais-je loin de vous? (Camus, Malentendu,1944, I, 8, p. 143).
Non loin de. Pendant deux heures j'avais l'illusion de n'être plus prisonnier. Je ne pouvais toutefois nourrir l'illusion de n'être plus militaire, car la salle était pleine d'uniformes. Un jour, j'eus la jouissance de déjeuner non loin d'un officier de la Wehrmacht (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 327).
B. − Au fig.
1.
a) Être loin de qqn ou qqc. [Désigne un éloignement moral, ou en pensée] Son tranquille et joli visage enveloppé de dentelles exprimait une suavité qui m'enflamma. Présumant trop de moi-même, je n'avais pas compris mon supplice; être si près et si loin d'elle! (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 162).Comme tu es loin de moi, tout à coup..., comme tout est changé! Il y avait autour de moi quelque chose de vivant et de chaud. Quelque chose qui vient de mourir (Sartre, Mouches,1943, II, 1ertabl., 4, p. 63).
b) Être loin de compte*, loin du compte*.
c) Pas loin de. À peu près, presque. Il a pas loin de quinze ans, le bébé, inspecteur. J'ai l'impression que vous n'êtes pas aussi au courant que vous le prétendez. − Possible, possible, il y a des bébés de tous les âges (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 436).
2. [Adversatif; avec une valeur de négation emphatique]
Loin de + compl. désignant une pers. + l'idée de, l'intention de + inf. [Indique que l'on se défend d'avoir telle ou telle idée, telle ou telle intention] Loin de moi l'idée de blâmer mon illustre et malheureux ami; mais la sincérité dont je fais profession me force à dire qu'il employait une heure le matin et une heure le soir à se peigner, se brosser, se parfumer, se frotter d'une infinité de pâtes (Taine, Notes Paris,1867, p. 336).
[P. ell. du subst. idée, intention] Loin de moi de vous en faire le reproche (Colin1971).Loin de moi l'idée de prétendre que vous ne pouvez pas être conquérants, agités, transportés d'activités intermittentes. Loin de moi de vous empêcher de le faire ou de vous y pousser (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p. 259).
(Bien) loin de là. (Bien) au contraire, tant s'en faut. Ah! Non, ce n'est pas le vice, alors ça, loin de là (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 229).Comprenez donc que ce n'est pas vous qui m'êtes odieux, monsieur Fanning, bien loin de là. Vous m'inspirez au contraire une sympathie dont vous ne soupçonnez pas la force (Mauriac, Asmodée,1938, III, 6, p. 114).
Être loin de + inf. [Exprime le contraire de ce qu'on pouvait croire, attendre] Les chiffres pour Les Rayons et les Ombres et N.-D. de Paris sont loin d'être exacts (Hugo, Corresp.,1865, p. 505).Il boit, mais il était fait pour l'opium : on se trompe aussi de vice; beaucoup d'hommes ne rencontrent pas celui qui les sauverait. Dommage, car il est loin d'être sans valeur (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 210).
(Bien) loin de + inf. Au lieu de. Le directeur signait des pièces administratives. Loin d'expédier en hâte cette besogne, il y apportait grand soin, écrivait son nom avec une lenteur laborieuse (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 88).De pauvres gens qui, bien loin de songer à défier personne, se faisaient tout petits, afin de passer inaperçus le plus longtemps possible (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 4etabl., 7, p. 1659).
C. − P. anal. [Dans le temps]
Plus loin (vieilli). Plus tard. Tout indique l'approche d'une grande capitale : une heure plus loin, nous apercevons, au sommet d'une éminence, une petite mosquée isolée (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 207).
Loin de. À une grande distance de. Cet embryon, si loin encore de la vie, et qui aura toute sa vie inconnue à vivre! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 928).
Ne pas, ne plus être loin de. Être bientôt, presqu'à. Monsieur le curé devrait d'abord aller s'étendre un peu avant le jour. On ne doit plus être loin de cinq heures (Bernanos, Crime,1935, p. 738).
IV. − Dans des loc. conj.
A. − [Dans l'espace]
Au plus loin que + subj.À la plus grande distance possible que (d'apr. Ac. 1835-1935). Au plus loin que ma vue puisse s'étendre, je n'aperçois rien (d'apr. Ac. 1835-1935).
Aussi loin que, si loin que + ind.À une aussi grande distance que. Aussi loin qu'on pouvait voir par cette fenêtre, la grande surface était lisse comme une nappe fraîchement repassée, aucun pas d'homme ni de bête, ne l'avait tachée (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 12).
+ subj. [Avec une nuance concessive]La grève générale commençait. Ce n'était plus la grève de Hong-Kong, déclenchée lentement, épique et morne : c'était une manœuvre d'armée. Aussi loin qu'il pût voir, plus un magasin n'était ouvert (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 243):
13. ... le Matterhorn s'éclairait peu à peu sur les abîmes bleus du ciel, plus insondables que les plus profonds abîmes de la terre, et dont le croassement des corbeaux, si loin qu'il se perdît, ne donnait pas la vertigineuse hauteur... Peyré, Matterhorn,1939, p. 257.
D'aussi loin que, de si loin que + ind. D'une aussi grande distance que. En campagne, des affamés traînaient dans les chemins pleins d'eau du dégel (...). Et de si loin qu'ils apercevaient une fumée, ils descendaient vers elle (Pourrat, Gaspard,1930, p. 58):
14. Le gardien [du cimetière] saluait Xavier, d'aussi loin qu'il l'apercevait. Tout ce qu'il pouvait pour ses morts, Xavier l'accomplissait, en leur assurant, par de continuels pourboires, la faveur de cet homme. Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 26.
Du plus loin que + ind. De la plus grande distance que. Ce sont mes sœurs, cria-t-elle du plus loin qu'elle m'aperçut, qui n'ont pas voulu partir sans te remercier de tes munificences (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 169):
15. ... nous le reconnaissions bientôt, dans la foule des voyageurs qui sortaient du funiculaire, à sa haute taille, à sa démarche de maître de menuet. Du plus loin qu'il nous voyait, il se « plaçait », pour obéir aux injonctions d'un photographe invisible... Sartre, Mots,1964, p. 16.
B. − Au fig.
1. [Avec une nuance concessive] Si loin que :
16. Si loin qu'on puisse se tenir de tout préjugé, moral ou social, on les subit en partie et même, pour les meilleurs d'entre eux (il y a de bons et de mauvais préjugés), on leur conforme sa vie. Camus, Sisyphe,1942, p. 81.
2. [Adversatif] Bien loin que + subj.Synon. au lieu que.Quand Agnès embrassait Geneviève (...) bien loin que ce fût chez lui une jalousie, cela éveillait en lui pour sa petite sœur une curiosité tendre (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937,p. 191)V. enjoindre B 1 ex. de Mauriac.
Loin que + subj., littér.Loin que la condition des peuples fût rendue plus heureuse, elle devint de jour en jour plus fâcheuse et plus misérable (Volney, Ruines,1791, p. 69).Et, finalement, loin que mon corps ne soit pour moi qu'un fragment de l'espace, il n'y aurait pas pour moi d'espace si je n'avais pas de corps (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 119):
17. ... loin que les manières anglaises parussent disgracieuses même en France, les Français tant imités imitoient à leur tour, et l'Angleterre a été pendant long-temps aussi à la mode à Paris que Paris partout ailleurs. Staël, Allemagne, t. 1, 1810, p. 145.
C. − P. anal. [Dans le temps]
1. Du plus loin que + subj.De la date la plus reculée que. Du plus loin que je me souvienne, qu'il me souvienne, la chose était ainsi (Ac.1835, 1878).Du plus loin qu'il m'en souvienne (Ac.1935).
Fam. C'est du plus loin qu'il me souvienne (Ac. 1835-1935). ,,Se dit d'une chose dont le souvenir est presque effacé`` (Ac. 1835, 1878).
2. Aussi loin que + subj.Aussi loin que je sache remonter dans le passé de mes ascendants, je ne vois que protestants rigides et contraints (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1373).Aussi loin que je me souvienne, j'étais fière d'être l'aînée : la première (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 9).
Rem. On relève un emploi littér., au sens de « lointain ». a) Subst. masc. Deux bras de paille, Un dos de foin, Blessés, troués, disjoints, Ils s'en venaient des loins, Comme d'une bataille (Verhaeren, Camp. halluc., 1893, p. 30). J'entendais dans le loin du ciel le battement d'aile d'un faucon (Giono, Eau vive, 1943, p. 65). Conserver nos libres distances Si le loin s'approche trop près Et notre allure de stance La faire boiter exprès (Cocteau, Clair-obscur, 1954, p. 35). b) Adj. Un voyage loin (Dupré 1972). On avait fait venir des plantes rouges des pays loin, aux fruits très dangereux (Jammes, De l'angélus, 1898, p. 66). Une beauté sans nom emplit l'azur, du faîte des pignons enfumés au plus loin horizon (Id., Clairières, 1906, p. 29). Cet emploi est jugé ,,inacceptable`` par Dupré 1972.
Prononc. et Orth. : [lwε ̃]. Att. ds. Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Dans l'espace 1. Ca 1050 dans le syntagme an luinz « au loin, dans le lointain » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 473 : E tantes feiz pur tei an luinz [ai] guardét); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1897 : Li quens Rollant ne li est guaires loign; 1992 : Ne loinz ne près); ca 1274 loing veöir (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 759); 1530 il y a loyng d'ici a (Palsgr., p. 825 a : aussi loyng qu'il y a dicy a Romme); 2. 1538 fig. sans aller plus loing « sans se donner la peine de chercher davantage » (Est., s.v. longe); 1640 voir de loin « prévoir longtemps à l'avance les événements » (Oudin, Curiositez, s.v. voir). B. Dans le temps 1. fin xiies. « pendant longtemps » (Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 111, 26 ds T.-L.); 2. ca 1225 « d'il y a longtemps, qui s'est passé à une époque éloignée » (Perlesvaus, 9565, ibid.). II. loin de A. Dans l'espace 1. ca 1100 (Roland, 250 : Vos n'irez pas uan de mei si luign); ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 4614 ds T.-L. : De Troie esteit set liues loinz); 2. a) 1530 fig. loyn de + inf., « qui n'est pas près de » (Palsgr., p. 861 b : bien loin de mettre fin à la besoigne; v. aussi FEW t. 5, p. 405 b, note 4); b) 1640 loin de + inf., adversatif « au lieu de » (Corneille, Horace, II,1). B. Dans le temps 1530 (Palsgr., p. 861 b : pas loyng du commencement). III. de loin A. Dans l'espace 1. a) 1119 de luinz « à distance, éloigné » (Philippe de Thaon, Comput, 2563 ds T.-L.); b) ca 1160 (Eneas, 643, ibid. : Eneas de bien loin les vit, Contr'els ala); 2. fig. a) ca 1175 dans l'expression d'une compar. « de beaucoup » (Horn, 2308 ibid.); b) ca 1245 (Philippe Mousket, Chron., 25379, ibid. : S'iert parens le roi d'auques loing); c) 1672 revenir de loin (Sévigné, Lettres, éd. Gérard-Gailly, t. 1, p. 469). B. Dans le temps ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 25984 ds T.-L.). IV. (de) loin a loin, de loin en loin 1. 1119 Dans l'espace luinz a luinz « (de deux éléments) à une certaine distance l'un de l'autre » (Philippe de Thaon, op. cit., 2535 ds T.-L.); ca 1180 de luin a luin (Thomas, Tristan, 1211, ibid.); 2. 1620 Dans le temps de loin à loin (D'Aubigné, Hist. univ., xi, 17 ds Hug.); 1762, 18 sept. de loin en loin (D'Alembert, Lett. à Voltaire ds Littré). V. de si loin, d'aussi loin que 1. Dans l'espace ca 1170 de si loing com (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 361); 1669 d'aussi loin qu'il me vit (Racine, Britannicus, I, 1); 2. Dans le temps 1607 (Hulsius d'apr. FEW t. 5, p. 402 b). VI. au loin 1. Dans le temps ca 1165 « à la longue, avec le temps » (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 17680 ds T.-L.), en a. fr. seulement; 2. Dans l'espace ca 1170 (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 4371). VII. loin que + subj., adversatif « au lieu de » 1666 (Molière, Misanthrope, V, 1). Du lat. longe « loin, au loin; longuement » au propre et au fig.; avec un verbe marquant la différence « de beaucoup, de loin ». Fréq. abs. littér. : 28 465. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 38 292, b) 39 621; xxes. : a) 41 135, b) 42 415. Bbg. Gohin 1903, p. 337.