| LITTÉRAIRE, adj. I. − [Correspond le plus souvent à littérature] A. − 1. De (la) littérature. Stéphane Mallarmé, génie essentiellement formel (...) s'est fait le premier écrivain qui ait osé envisager le problème littéraire dans son entière universalité (Valéry, Variété II,1929, p. 165).La longue suite des écoles littéraires qui virent le jour dans la seconde moitié du siècle dernier et au commencement de ce siècle (Arts et litt.,1936, p. 54-5). 2. Qui ressortit à la littérature. Le Christ n'est plus qu'un sujet littéraire à la mode (Renard, Journal,1893, p. 194): 1. ... c'est peut-être la plus grande nouveauté littéraire du xxesiècle que d'avoir su appliquer les procédés d'analyse et les déductions mathématiques d'un Einstein sur l'essence, la constitution, la propagation de la lumière à la technique du roman...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 183. a) [En parlant d'une conception, d'un mode d'expr.] Esthétique littéraire. Évidemment il y a parmi les écrivains des partisans de tendances littéraires différentes (Arts et litt.,1936, p. 84-6).Ces littérateurs croient pour la plupart à une différence radicale du langage littéraire avec le langage courant (Benda, Fr. byz.,1945, p. 125).Le roman est un genre littéraire difficile à définir. Il a ses conventions, ses règles, mais il les renouvelle aisément (Jeux et sports,1967, p. 748). ♦ [En parlant d'un style] Le style littéraire consiste à donner un corps et une configuration à la pensée par la phrase (Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 69). b) [En parlant d'une langue] Qui est le véhicule d'une expression écrite. V. arabe ex. 6. − En partic. Qui appartient à un niveau de la langue écrite plutôt que parlée. Mot marqué littéraire dans un dictionnaire. B. − Qui s'exerce dans le domaine de la littérature, des lettres; qui a rapport à ce domaine. La conquête du pouvoir ou d'une grande renommée littéraire me paraissait un triomphe moins difficile à obtenir qu'un succès auprès d'une femme de haut rang (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 92).Rancunes littéraires, vertiges de l'infini, douleurs de ménage, insultes de la misère, Poe fuyait tout dans le noir de l'ivresse (Baudel., Hist. extr.,1856, p. xxvi). 1. [En parlant d'un inanimé abstr.] Activité, carrière, critique littéraire. Cette vie de plaisir, d'oisiveté, de travail littéraire est parfaitement agréable (Maurois, Disraëli,1927, p. 76).Sa visite [de Joyce] a été comme une irruption de la vie littéraire dans mon temps qui est si peu accessible à cette vie-là (Larbaud, Journal,1934, p. 283): 2. Montaigne donc (...) pour complaire à son excellent père qui était un zélé partisan du grand mouvement littéraire de François 1er(...) avait traduit un livre latin d'un auteur espagnol du quinzième siècle...
Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 430. ♦ Propriété littéraire. Droit de propriété d'un auteur (ou de ses ayant droit) sur ses œuvres. Je sens, monsieur, combien tout ce que vous faites si gracieusement est utile à la cause de la propriété littéraire, et je vous en remercie (Hugo, Corresp.,1862, p. 402). ♦ Prix littéraire. Prix qui récompense un ouvrage dans le domaine des lettres. Claudie avait inventé de financer un prix littéraire décerné par un jury féminin, qu'elle présiderait bien entendu (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 504). 2. [En parlant d'un support écrit] Hebdomadaire, revue littéraire. Plus de politique, plus d'enseignement, plus de poésie; il écrit une histoire littéraire de l'Allemagne ou du moyen âge (Michelet, Journal,1842, p. 427): 3. Je me rappelle un article d'un journaliste politique, affirmant que la prose de Flaubert déshonorait le règne de Napoléon III, je me rappelle encore un article d'un journal littéraire, où on lui reprochait un style épileptique...
Goncourt, Journal,1890, p. 1266. 3. [En parlant d'une pers.] Dont l'activité professionnelle est liée à la littérature, aux lettres. Critique, directeur littéraire. De nombreuses maisons d'édition, en France et ailleurs, ont confié à un agent littéraire le soin de traiter toutes questions relatives à la traduction des livres publiés par elles (Civilis. écr.,1939, p. 16-3): 4. J'ai repris la vie du forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à 6 heures du soir; à peine ces 18 heures de travail peuvent-elles suffire à mes occupations.
Balzac, Corresp.,1836, p. 147. − [P. méton. du subst.] Me voici membre d'une société littéraire, où se trouvent les principaux hommes de lettres de cette ville (J.-J. Ampère, Corresp.,1827, p. 459).Me sachant très-pauvre, la gent littéraire a décidé que j'étais un mendiant (Bloy, Journal,1904, p. 195).Et, s'évadant de la musique française, il tâcha de connaître le milieu littéraire de la société parisienne (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 702). C. − Qui manque d'authenticité, qui donne de la réalité une image fausse, d'un lyrisme artificiel. Caractère, procédé littéraire; personnages littéraires : 5. Je veux bien avoir eu quelque léger tort. Mais tu as pris la chose un peu en Protestant. Je ne t'en ai voulu que du côté un peu ridicule de ta lettre. J'aurais trouvé naturels des reproches carrés, amers, brutaux même. C'est le côté littéraire de ta lettre qui m'exaspéra.
Jammes, Corresp. [avec Gide], 1901, p. 183. II. − [Correspond le plus souvent à lettres IV] A. − 1. Adj. et subst. (Personne) qui a plus de goût pour les lettres que pour les sciences. Un tempérament de littéraire. 2. [P. méton.] Qui témoigne de dispositions pour ce domaine; qui est tourné vers ce domaine. Don, éducation, goût, talent littéraire. Les essais qu'il m'a montrés me paraissent extrêmement remarquables. Enfin, j'ai reconnu tous les signes d'une vocation littéraire bien prononcée (Flaub., Corresp.,1879, p. 299).Il avait peu de culture littéraire, mais sa parole était pleine de saillies inattendues (Renan, Souv. enf.,1883, p. 237). 3. En partic. a) [En parlant d'un ouvrage] Des collections de faits historiques, formées en vue de l'interprétation des textes littéraires, ou par simple curiosité pour les choses anciennes (Langlois, Seignobos, Introd. ét. hist.,1898, p. 260).Il faut parfois chercher sous trois ou quatre rubriques différentes les cotes des manuscrits d'une même œuvre littéraire médiévale (L'Hist. et ses méth.,1961, p. 1096). b) [En parlant d'un groupe de pers., du lieu ou du moment où elles se réunissent] Club, matinée littéraire. Ce fut donc avec un vif sentiment de satisfaction que je vis arriver une soirée littéraire organisée par la princesse Flibustofskoï (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 207).Renonçant donc à composer des livres, je me résignai à en vendre, et j'achetai, à Marseille, la Librairie Universelle (...). Nous avions fait de notre magasin une sorte de salon littéraire où tous les lettrés de la ville venaient causer (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Soir, 1889, p. 1136).Le dernier café littéraire et artistique qui survécut à la révision des valeurs après la guerre fut le Franco-Italien (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 44). B. − Domaine scol. 1. Qui ressortit aux lettres. Formation littéraire, carrières littéraires. Les études supérieures techniques y trouveront place au même titre que les études littéraires, scientifiques et artistiques (Hist. instit. et doctr. pédag.,1947, p. 434): 6. Il nous reste maintenant à envisager la place de l'ethnographie dans l'ensemble des sciences (...). Pour les uns, l'ethnographie s'apparente aux disciplines littéraires, elle est dans « le camp des humanités »; pour les autres, elle est une démarche objective qui doit trouver sa place parmi les sciences dites exactes.
Hist. sc.,1957, p. 1547. 2. Emploi subst. Étudiant ou professeur de Lettres. Puis c'était le gros Arménien (...) puis le gadzarts (...) et le « littéraire » qui ne faisait jamais aucune espèce de bruit (...) Douze étudiants en tout (Magnane, Bête à concours,1941, p. 12). Prononc. : [liteʀ
ε:ʀ]. Étymol. et Hist. 1527
œuvre literaire (Fr. Dassy, Peregrin, fo3 rods Gdf. Compl.); 1752 le monde littéraire (Trév.) Empr. au lat.litterarius « relatif à la lecture, à l'écriture ». Fréq. abs. littér. : 4 036. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 546, b) 5 668; xxes. : a) 6 855, b) 5 271. DÉR. Littérarité, subst. fém.,crit. littér. Théorie sémiotique de la littérature qui doit permettre de caractériser tout texte littéraire par rapport à ceux qui ne le sont pas (d'apr. Rey Sémiot. 1979). La littérarité serait à la littérature ce que la langue est à la parole chez Saussure, c'est-à-dire ce que toutes les œuvres de la littérature ont en commun, dans l'abstrait, comme système (Mounin1974).− [liteʀaʀite]. − 1reattest. 1965 (T. Todorov, Théorie de la litt., éd. du Seuil, p. 37 : R. Jakobson donna à cette idée sa formule définitive : « L'objet de la science littéraire n'est pas la littérature, mais la « littérarité » (literaturnost'), c'est-à-dire ce qui fait d'une œuvre donnée une œuvre littéraire »); dér. sav. de littéraire* à l'aide du suff. -ité* d'apr. le terme russe literaturnost' proposé par R. Jakobson ds La Poésie mod. russe, esquisse 1, Prague, 1921, p. 11 (supra). BBG. − Bouazis (Ch.). Littérarité et société... Paris, 1972, 253 p. (s.v. littérarité). - Iosifescu (S.). Littéraire et non littéraire. Cah. roumains d'ét. littér. Bucarest, 1974, t. 2, no2, pp. 23-32. - Lavis (G.). À propos de l'interprétation autonomique de la littérarité. Cah. d'analyse textuelle. Paris, 1972, t.14, pp. 50-66 (s.v. littérarité). - Marghescou (M.). Le Concept de littérarité... The Hague; Paris, 1974, 119 p. (s.v. littérarité). - Quem. DDL t. 5. |