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LEVAIN, subst. masc.
A. − ,,Morceau de la pâte à faire le pain qu'on laisse fermenter et qu'on incorpore à la pâte fraîche pour la faire lever`` (Léon 1975). Il faut que sa fine fleur se dépose; on le pétrit avec son levain : il faut qu'il fermente et se dilate (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 250).
Levain de chef. Au bout de 7 à 8 heures, son volume a doublé; on a ainsi le levain de chef, plus léger que l'eau et d'une odeur agréable (Wurtz, Dict. chim., t. 2, 1ervol., 1873, p. 740).Levain de première. Après 9 heures, on le pétrit avec une quantité de farine et d'eau suffisante pour doubler son volume, ce qui donne le levain de première (Wurtz, Dict. chim., t. 2, 1ervol., 1873, p. 740).
Pain sans levain. Synon. de pain azyme*.Les pains sacrés, disposés sur une table devant le dieu, étaient une des bases du culte égyptien. Les Israélites adoptèrent ce rite (...). Ces pains étaient sans levain, ce qu'on tenait pour une condition particulière de pureté (Renan, Hist. peuple Isr., t. 1, 1887, p. 146).
SYNT. Levain de boulanger, de pâte, de seconde, de tout point; pain au levain; faire un, du levain; changer, renouveler le levain; laisser le levain au repos pendant qq. heures.
Au fig. Être du même levain que qqn. Être de la même nature, de la même trempe que quelqu'un. La nature pour le façonner n'avait plus trouvé que très peu de la riche pâte dont elle avait fait Léopold et François, mais, plus mince, il est de la même farine et du même levain (Barrès, Colline insp.,1913, p. 253).
P. méton. ,,La pâte qui fermente`` (Lar. Lang. fr.).
B. − ,,Substance capable de produire une fermentation dans le corps avec lequel on l'a mêlée (et d'y exciter un gonflement). Levain de bière`` (Ac. 1935). L'impureté des levains amène (...) des altérations bactériennes dans les bières (Boullanger, Malt., brass.,1934, p. 420).
Levain doux. ,,Levain de bière sèche`` (Duval 1959).
En partic. Levain lactique. ,,Culture de bactéries lactiques sélectionnées capables de se multiplier dans le lait, le caillé ou la crème pour produire au moment favorable l'acidité et l'arôme recherchés`` (Luq.-Boud. Lait. 1976).
P. anal. Élément de fermentation. Vieilli, MÉD. ,,Cause de quelque maladie comparée à une fermentation`` (Littré). Dans leur climat brûlant, la putréfaction des cadavres était un levain de peste et de maladies (Volney, Ruines,1791, p. 264).
C. − Au fig. Principe de fermentation, d'échauffement, d'ardeur qui suscite et stimule les idées, excite la passion des sentiments. Levain actif, puissant. Anacharsis paya ses innovations de sa vie; mais le levain qu'il avoit jeté continua de fermenter après lui (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 297).Gourgaud sentit remuer en lui un puissant levain d'émotion. Il était prêt à lancer son cri dans la clameur unanime qui s'enflait et retombait comme une houle chaude (Magnane, Bête à concours,1941, p. 429).
1. [P. réf. au levain, au vieux levain corrompu qui est aigre, acide, amer] Levain d'amertume, de férocité, de guerre, d'impiété, de rancune; levain de haine contre qqn, qqc.; épurer son âme de tout levain. En ce moment une rage sourde emplissoit toute son âme, et un levain terrible de regret, de haine, de jalousie, de vengeance fermentoit dans son cœur (Balzac, Annette, t. 1, 1831, p. 196).Cette belle institution de la garde nationale est devenue un levain de discorde et de sang (Sand, Corresp., t. 1, 1831, p. 192).Loin de l'esprit de rivalité, aigre levain qui trouble l'atmosphère du théâtre (Colette, Jumelle,1938, p. 147):
1. Les haines religieuses, en bien des lieux, s'associaient et s'accouplaient aux haines politiques pour les mieux empoisonner encore, et ce vieux levain de cupidité, d'avarice et d'envie qui fait le fond de la nature humaine autant et plus que la bonté (...) faisait le reste. Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 246.
P. métaph. Avoir du levain sur le cœur. Avoir du ressentiment. Quand mon ami le ministre rentra, j'avais du levain sur le cœur et une pointe de révolte dans la tête. Il dut s'en apercevoir, car il vint vers moi, animé de son plus aimable sourire (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 378).
En partic. [P. réf. à la Bible I Corinth. V, 6-8] Le vieux levain du péché. ,,Impression que le péché laisse dans l'âme`` (Ac. 1835). Au plur. Les vieux levains de l'hérésie. Une collectivité où fermentent les vieux levains d'apostasies superposées (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 71).
P. métaph. Une passion vraie et malheureuse est un levain empoisonné qui reste au fond de l'âme et qui gâterait le pain des anges (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 460).
2. [P. réf. au levain qui soulève, qui gonfle la pâte] Levain de progrès; être comme un levain dans la pâte, un levain dans son pays. Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d'inspirations originales (Renan, Avenir sc.,1890, p. 203).Il a souvent fallu ce levain-là (en littérature s'entend) pour provoquer des manifestations admirables, levain italien pour Ronsard, espagnol pour Corneille, anglais pour le romantisme, allemand aussi (Gide, Journal,1931, p. 1024):
2. Comment et autour de quoi pourrait-il [un grand peuple] refaire son unité, si ses combattants n'étaient pas pour lui les symboles de son honneur, le levain de son courage, le centre de ses espoirs? De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 675.
P. métaph. Le sentiment de supériorité, comme le sentiment d'infériorité, se concentre et domine une vie (...) comme un levain actif qui pénètre et soulève toute la pâte de la personnalité (Mounier, Traité caract.,1946, p. 597).
Prononc. et Orth. : [ləvε ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1176-81 levain « morceau de pâte qui fait lever la pâte à pain » (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2880); b) 1690 « substance provoquant la fermentation » (Fur.); 2. fin xiies. fig. « tout ce qui est capable d'exciter, d'aviver (les sentiments, les passions, les idées) » (Sermons St Bernard, 9, 12 ds T.-L. : li livains de malice et de felonie). D'un b. lat. *levāmen « levain » (levamen est attesté en lat. class. au sens de « soulagement »), cf. le lat. levamentum « levain » ds les Gloses de Reichenau. Fréq. abs. littér. : 155.