| LASCIF, -IVE, adj. A. − Vx, poét. Qui batifole, folâtre. Le chevreau lascif mord le cytise en fleurs (Hugo, Feuilles automne,1831, p. 804).Que ne puis-je (...) Voir les chevreaux lascifs errer près d'un ravin ou parcourir la plaine (Banville, Cariat.,1842, p. 140). B. − Littér. [En parlant d'une pers. ou, p. méton. du déterminé, d'un attribut hum.] Qui est enclin aux plaisirs de l'amour. Synon. sensuel.Âme, nature lascive; cœur, tempérament lascif. Tu la verras bientôt, lascive et caressante, Tourner vers les baisers sa tête languissante (Chénier, Bucoliques,1794, p. 115).Je lui souhaite une maîtresse simple de cœur et bornée de tête, très bonne fille, très lascive, très belle, qui l'aime peu et qu'il aime peu (Flaub., Corresp.,1853, p. 305): 1. Elle sera pure et lascive. Je voudrais qu'elle ne s'effarouchât point de l'amour, que le baiser ne fût pas pour elle le secret des nuits, la chose honteuse, à laquelle il ne faut pas penser, bien que ce soit bon. Je voudrais qu'elle aimât l'amour et le baiser, qu'elle fût si sensible qu'un peu plus de chaleur ébranle ses nerfs à une communion.
Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 75. − P. métaph. Quelques nuées lascives s'entre-poursuivaient dans l'azur avec des ondoiements de nymphes. On croyait sentir passer des baisers que s'envoyaient des bouches invisibles (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 448). C. − 1. [En parlant d'une pers.] Qui est enclin à la sensualité, à la volupté; qui est porté ou porte à la luxure. Joss la saisit sous les bras, et dépose Un baiser monstrueux sur cette bouche rose; Zéno, (...) lascif, Lève la robe d'or jusqu'à la jarretière (Hugo, Légende, t. 1, 1859, p. 379).La Figliuola, une danseuse lascive pour qui les hommes s'entretuent et se ruinent et se damnent pour coucher avec (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 161). − P. anal. [En parlant d'un animal] Bouc lascif. Aucun cri, sauf le « rrr... » dur et harmonieux qui roule par moments dans la gorge des matous. La Noire [une chatte], muette et lascive, provoque, puis châtie, et savoure sa toute-puissance (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 247). Rem. On relève un emploi subst. : Enfin, mon vieux lascif, quel jour vous plaît-il de venir à votre choix déjeuner ou dîner chez votre géant? (Flaub., Corresp., 1876, p. 275). 2. [P. méton. du subst. déterminé] Qui est empreint de sensualité, de volupté; qui porte, incite à la luxure. a) [En parlant d'un trait phys., d'un comportement] Air lascif; danse, posture lascive; caresses lascives; embrassements, jeux lascifs; baisers lascifs et brûlants. Vous n'avez jamais vu (...) La valse impure, au vol lascif et circulaire, Effeuiller en courant les femmes et les fleurs (Hugo, Feuilles automne,1831, p. 762).Son œil danse de plus en plus, elle n'est plus guère maîtresse de son corps; elle se roule avec des ondulations de bête, elle a des mouvements lascifs, fauves et gauches (Goncourt, Journal,1862, p. 1088): 2. ... toute la peau des yeux était d'une teinte un peu rousse, qui les agrandissait et leur donnait une manière fatiguée et amoureuse. J'aime beaucoup ces grands yeux des femmes de trente ans, ces yeux longs, fermés, à grand sourcil noir, à la peau fauve fortement ombrée sous la paupière inférieure, regards langoureux, andalous, maternels et lascifs, ardents comme des flambeaux, doux comme du velours; ils s'ouvrent tout à coup, lancent un éclair et se referment dans leur langueur.
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 35. b) [En parlant d'un affect, d'une pensée, de paroles] Discours, propos lascifs. Mon dépit, ma fureur bouleversent mon âme; À mes désirs lascifs je voudrais tout plier (Borel, Rhaps.,1832, p. 58).Dans ces grands bois (...) denses et sans fond, recélant des ténèbres humides, il y tiédissait des rêves lascifs dont la brise apportait le murmure sur les champs (Aymé, Jument,1933, p. 207): 3. Jamais (...) des idées lascives n'ont enflammé son imagination. Vingt fois, cent fois, elle a vu s'accomplir devant elle l'acte de la génération; elle n'a pas rougi, elle n'a pas fui, mais elle a continué sa route avec indifférence et n'a pas jeté derrière elle un regard furtif; elle a vu des yeux du corps et non de ceux de l'âme; ses sens dorment encore; ils attendent, pour s'éveiller, le cri de la nature.
Laclos, Éducation femmes,1803, p. 437. c) [En parlant de productions artistiques] Tableaux, vers lascifs. Latouche a publié autrefois Fragoletta, roman brillanté et lascif (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1844, p. 682).O mendiants chanteurs des routes d'Italie (...) Laissez trembler pour nous vos musiques lascives (Noailles, Ombres jour,1902, p. 39). Rem. Pour Littré, lascif connote la « folâtrerie »; le mot semble plutôt connoter une sensualité langoureuse (v. notamment supra ex. 2). REM. Lascivement, adv.De manière lascive (supra C). Sa chevelure noire, lascivement bouclée, semblait avoir déjà subi les combats de l'amour, et retombait en flocons légers sur ses larges épaules (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 69).Dans un coin, des femmes étalaient lascivement leur gorge nue (Zola, M. Férat,1868, p. 136). Prononc. et Orth. : [lasif], fém. [-i:v]. Vieilli [-ss-] ds Land. 1834, Littré, DG, mais non ds Fér. 1768 ni Gattel 1841. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1488 « qui excite aux plaisirs amoureux » (La Mer des Histoires, I, 92c, éd. 1491 cité par Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 97); 2. 1512 « enclin à folâtrer » (J. Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, éd. J. Stecher, I, 149); 3. 1579 « enclin aux plaisirs amoureux » (R. Garnier, La Troade, 377, t. 2, p. 97 ds IGLF) Empr. au lat.lascivus « folâtre, enjoué; enclin aux plaisirs des sens ». Fréq. abs. littér. : 172. |