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LARMOYER, verbe intrans.
A. − Verser des larmes, être sans cesse ou souvent en train de pleurer. Les parents se déployèrent en demi-cercle et se mirent à regarder, sans dire un mot, la poitrine serrée, la respiration courte. La petite bonne les avait suivis et larmoyait toujours (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Reine, 1883, p. 832).Là-dessus, elle larmoya fort, ainsi qu'à l'ordinaire (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 120):
1. Je sens si bien que ces pierres ne peuvent rien sur son chagrin, sinon peut-être l'aider à pleurer... entraînés par la douleur de leurs mères et de leurs sœurs, des enfants larmoient eux aussi. Tharaud, An prochain,1924, p. 51.
[En parlant des yeux] Laisser couler des larmes, se remplir de larmes. Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris-de-fer, ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang (Balzac, Goriot,1835, p. 38).Ses yeux en avaient larmoyé en riant par tous leurs petits plis, sous les verres bleuâtres de ses lunettes (France, Anneau améth.,1899, p. 373).
[En parlant d'un écoulement lacrymal causé par un état pathol., une cause, un agent d'irritation] Il promenait un regard indulgent sur ces rangs de vieux messieurs décrépits, morfondus, l'œil larmoyant de froid, le nez humide, qui tendaient leur meilleur oreille pour ouïr, et ponctuaient les phrases de signes approbateurs (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1360).Elle me couchait dans la sciure dont la forte odeur de bois vert me donnait une espèce de rhume des foins qui me faisait éternuer, larmoyer (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 189).V. aussi lacrymogène ex. de Ricœur.
Péj. [Le suj. désigne une pers.] Pleurnicher. Ivre habituellement, le vin qui donne aux hommes des pensées tristes et les fait larmoyer, les coudes sur la table, le vin, lui chauffant le ventre et le remettant d'aplomb sur ses vieilles quilles, lui inspirait une gaieté trouble (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 30).
P. anal.
[Le suj. désigne une chose] S'égoutter, laisser couler un liquide. Il avait plu de nouveau; les branches larmoyaient encore (Gide, Isabelle,1911, p. 609).Mais le pis peut-être que ce sont les pensions de famille Où ça sent à la fois la poudre de riz et la camomille Chambre avec kitchinette et le robinet d'eau froide larmoie (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 240).
Poét. Avoir l'aspect, l'éclat d'une larme. Son front chauve est haché de rides, son œil vague Regarde sans rien voir. Sur un des doigts osseux Une opale larmoie au chaton d'une bague (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 112).
B. − Au fig. Se lamenter, se répandre en gémissements. Larmoyer sur son sort. La flétrissante commisération des chroniqueurs qui larmoyèrent (...) sur les malheurs de la « délicieuse maîtresse » de Pélopidas Gacougnol (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 188).Parfois, une querelle s'enflammait parmi nous, les petits. Nous nous mettions à larmoyer, à ressasser nos griefs (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 63).Tel est bien le caractère qu'il entend donner au morceau. Même dans l'expression du plus complet découragement, un Beethoven ne s'abandonne pas, et surtout il ne larmoie pas (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 191):
2. L'émotion a gagné le peuple composé de Charles, Victor, Guérin, Madame Julie et Mademoiselle Lux, on a un peu larmoyé, on vous regrette, on vous désire, on vous aime, et je vous écris. Hugo, Corresp.,1863, p. 443.
Rare. Exprimer (quelque chose) sur un ton de lamentation feinte ou imitée.
[P. méton.] Inévitablement, l'on évoquerait le souvenir d'une clarinette qui larmoie dans un orchestre de cuivre, pendant que des femmes se mouchent bruyamment devant des bocks (Huysmans, Art mod.,1883, p. 169).
Emploi trans. J'ai même fait à propos de cette dernière séparation une petite complainte que je vais te larmoyer, si tu permets (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 303).Il nageait, crispé sur ses rames, au milieu des ajoncs, sans s'attendrir aux appels d'enfants plaintifs que larmoyaient les caïmans à ses côtés (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p 369).
Prononc. et Orth. : [laʀmwaje], (il) larmoie [laʀmwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Cf. aboyer. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. larmoier « pleurer, verser des larmes » (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 1107); 1690 œil larmoyant (Fur.); 2. 1470 « chercher à attendrir par des larmes » larmoyante contriction (Le Livre de la discipline d'amour divine, fo99 b, éd. 1537 ds R. Et. rab. 9, 311); 3. a) 1567 péj. « verser des larmes sans conviction » poetes ... larmoyans et plaintifs (Amyot, Numa, 8 ds Littré); b) entre 1695 et 1699 « se lamenter » (Racine, Epigrammes, Sur la Judith de Boyer ds Œuvres complètes, éd. R. Picard, I, 980). Dér. de larme*; suff. -oyer*. Fréq. abs. littér. : 64.
DÉR.
Larmoyeur, -euse, subst.Celui, celle qui larmoie. Au fig. Celui, celle qui se lamente, s'attendrit. Je déteste les gens à histoires, les trembleurs, les larmoyeurs. Je déteste aussi les autres, comment dire? Les gens à idées (Duhamel, Cécile,1938, p. 72).[laʀmwajœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1878. 1reattest. 1700 (Regnard et Dufresny, Baguette de Vulcain, I, 3 ds DG); de larmoyer, suff. -eur2*.