| LANTERNE, subst. fém. I. A. − 1. Appareil d'éclairage, souvent portatif, constitué d'une boîte ou d'une enveloppe à parois transparentes ou translucides, à l'intérieur de laquelle est placée une source lumineuse. Globes de verre dépoli, tout pareils aux lanternes de papier d'une fête des lanternes (Goncourt, Journal,1867, p. 347).Petite lanterne que les facteurs portent sur le ventre (Renard, Journal,1897, p. 436).Ils avaient une lanterne à vitres de corne dont ils n'auraient d'ailleurs pas eu besoin, à cause du beau clair de lune qu'il faisait cette nuit-là (Ramuz, Derborence,1934, p. 38): 1. La patronne levait au-dessus de sa tête une lanterne à pétrole, tandis que l'on faisait reculer le cheval entre les brancards. Sous la lumière de la lanterne, des silhouettes immenses se projetaient sur la route et se cassaient sur les maisons d'en face.
Arland, Ordre,1929, p. 484. a) Lanterne + déterm. − Lanterne chinoise. Lanterne de papier, généralement colorée. Sous les rayons jaunes d'une lanterne chinoise elle regardait, navrée, à son côté, ce petit homme (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Avent. paris., 1881, p. 767). − Lanterne vénitienne. Lanterne de papier décorative, généralement plissée en accordéon : 2. Les yoles se mettaient en route, portant à l'avant une lanterne vénitienne. On ne distinguait point les embarcations, non seulement ces petits falots de couleur, rapides et dansants, pareils à des lucioles en délire...
Maupass., Contes et nouv., t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1225. Lanterne rouge (infra 2). [P. réf. à la lanterne qui indiquait une maison de prostitution] Il y avait çà et là l'enseigne d'une maison louche, une lanterne rouge (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 353).− Lanterne sourde (infra c). Lanterne dont on peut cacher la source lumineuse à l'aide d'un volet. Tu seras dans la nuit et devant le miroir Sans trouver le volet de la lanterne sourde, Et tu ne verras pas la forme de ta vie (Romains, Vie unan.,1908, p. 25). − Lanterne de Diogène. [P. allus. littér. au philosophe grec qui, dit-on, s'est promené avec une lanterne en plein jour afin de trouver un homme] Un homme d'esprit est perdu s'il ne joint pas à l'esprit l'énergie de caractère. Quand on a la lanterne de Diogène, il faut avoir son bâton. Il n'y a personne qui ait plus d'ennemis dans le monde (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 50). b) P. métaph. Quelle lumière cette lanterne sale du pauvre poète peut-elle jeter sur la Bonne chanson et sur Sagesse? (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 9). c) Argot − Fenêtre, ventre (transparent de maigreur); œil (Esn. 1966). − Lanterne sourde. Contrebandier (Esn. 1966). 2. Appareil d'éclairage équipant certains véhicules. Il avait aperçu, tout à coup, les lanternes d'un train (Tharaud, Dingley,1906, p. 82).Un cycliste sans plaque ni lanterne (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 157). − AUTOM., gén. au plur. Lampe qui donne la lumière la plus faible. Synon. veilleuse.Allumer ses lanternes. Feux rouges des lanternes arrière des autos (Malraux, Condit. hum.,1933, p. 359). − Lanterne rouge. [P. réf. à la lanterne placée à l'arrière du dernier véhicule d'un convoi pour en signaler la fin] L'on n'aperçut bientôt plus que les trois lanternes rouges du dernier wagon (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 122). ♦ Au fig. [Le plus souvent à propos d'une course] Le dernier. « Il est dernier! » En effet, de foulée grande, Jacques n'entre pas vite en action. Au premier virage, il est encore « lanterne rouge » (Montherl., Olymp.,1924, p. 311). 3. Réverbère. (Dict. xixeet xxes.). − [P. réf. aux événements survenus pendant la Révolution] ♦ Mettre, être à la lanterne. Pendre, être pendu aux cordes d'un réverbère. C'est un fier aristocrate, qui a manqué plus de dix fois d'être à la lanterne (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1556). ♦ À la lanterne! [Cri par lequel le peuple réclamait ces exécutions sommaires] « À la lanterne! À la lanterne, les aristocrates! Ça ira! » Et les autres tremblent, ils se cachent (Erckm.-Chatr., Hist. paysan., t. 1, 1870, p. 343). 4. Lanterne à projections ou de projection. Appareil de projection. Synon. usuel projecteur : 3. Aurelle, arrivant au mess pour le thé, n'y trouva que le révérend Mac Ivor, qui réparait une lanterne à projections. − Hullo, Messiou, dit celui-ci, bien content de vous voir. Je prépare ma lanterne pour faire un sermon sportif aux hommes de B. Company quand ils sortiront des tranchées.
Maurois, Silences Bramble,1918, p. 91. − Lanterne magique. Lanterne de projection à l'aide de laquelle on projetait des images peintes sur des plaques de verre. Parfois il ouvrait une porte, et se trouvait dans une chambre où l'on montrait la lanterne magique. Des enfants applaudissaient à grand bruit (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 93). ♦ P. métaph. La lanterne magique de la vie projette et fait tourner autour de moi ses pâles tableaux (Amiel, Journal,1866, p. 116). − [P. allus. à la fable de Florian : Le singe qui montre la lanterne magique] ♦ Oublier d'éclairer sa lanterne. Omettre un point essentiel. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Éclairer la lanterne (de qqn). Aider (quelqu'un) à comprendre quelque chose; l'éclairer. T'Serstevens lit, prend des notes marginales pour éclairer sa lanterne, comparer, comprendre, s'instruire, rire, n'être pas dupe (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 384): 4. Les difficultés de communications entre Le Caire et Brazzaville n'ont rien à voir avec l'attitude que j'ai dû prendre et qui a produit l'effet recherché. Ceci dit pour bien éclairer la lanterne.
De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 409. B. − P. anal. 1. ARCHITECTURE a) Construction généralement circulaire, munie d'ouvertures, qui surmonte un bâtiment et peut en assurer l'éclairage ou l'aération. Six fenêtres sur la rue, six autres sur une terrasse intérieure font de la pièce oblongue une étroite lanterne (Lorrain, Heures Corse,1905, p. 78): 5. Quatre journalistes étaient là, presque détendus : d'abord parce qu'ils étaient maintenant à l'air libre, que les lieux clos rendent l'angoisse plus intense, et ensuite parce que la lanterne du central, plus petite que sa tour, semblait moins vulnérable.
Malraux, Espoir,1937, p. 756. − En partic. Petite tour ajourée surmontant un édifice. Au sommet [des tours d'églises au xviiiesiècle] s'élevait une flèche portée par une lanterne souvent octogone (Lenoir, Archit. monast.,1856, p. 217). − Lanterne (des morts). Colonne creuse en haut de laquelle une source lumineuse signalait l'emplacement d'une tombe, d'un cimetière ou d'un établissement religieux. On construisit, au moyen âge, dans plusieurs cimetières, des espèces de colonnes creuses, monuments funéraires destinés à recevoir une lampe qui devait brûler, soit la nuit, soit dans certaines occasions. On leur donna, pour cela, le nom de lanterne de cimetière, lanterne des morts, phare funéraire, colonne creuse ou lampadaire (E. Hubert, Les Lampadaires du département de l'Indre ds Revue du Centre, 1889, p. 109). b) Vx. Loge, tribune aménagée dans des lieux d'assemblée afin de pouvoir entendre et voir ce qui s'y passe sans être vu. (Dict. xixeet xxes.). 2. ART MILIT. a) Vx. Boîte destinée à contenir des balles et de la mitraille. (Dict. xixeet xxes.). b) Dispositif qui sert à introduire un projectile dans une pièce d'artillerie lourde. Le projectile amené sur la brouette de chargement [pour le mortier de 220] est déposé dans une lanterne de chargement qui est mue à l'aide de manivelles (Alvin, Artill., Matér., 1908, p. 244). 3. MAR., vieilli. Partie creuse de l'axe du gouvernail destinée à laisser passer les ferrures de l'étambot. (Dict. xixeet xxes.). 4. TECHNOLOGIE a) Vx. Petite boîte à parois vitrées dont l'usage permet de se servir d'un trébuchet à l'abri du vent. (Dict. xixe, Lar. 20e, Lar. encyclop., Quillet 1965, Rob.). b) Sorte de cage composée de plusieurs fuseaux fixés à deux plaques circulaires et servant de pignon; p. ext., roue dentée ou non qui sert dans un engrenage. [Dans la mécanique Jacquard actuelle] L'une des extrémités [du cylindre] est munie d'une lanterne composée de deux plaquettes de fer réunies par quatre entretoises sur lesquelles peuvent agir deux loquets ou clanches pour faire tourner le cylindre dans un sens ou dans l'autre (Araud, Ch. Thomas, Fabric. drap,1921, p. 34). c) Élément en forme de cage qui coiffe parfois l'extrémité d'une cheminée sur le toit. Des lanternes en terre cuite avec couvercle à placer sur la souche d'une cheminée à l'orifice d'un tuyau de fumée (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 5, 1928, p. 92). 5. ZOOL. Lanterne d'Aristote. Appareil masticateur des oursins. L'oursin, dont la bouche s'appelle, on ne sait pourquoi, lanterne d'Aristote (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 257). II. − Vieilli, gén. au plur. Propos futiles et sans intérêt. Il traitait vite, ne riait jamais, avait des opinions, s'asseyait devant une copie, critiquait, disait des mots d'art : « C'est creux (...) ça fait lanterne... » (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 107). − Prendre des vessies pour des lanternes. Se méprendre, faire une confusion absurde et naïve. Deux fois par semaine, le Journal s'incendiait de la prose de ce voyageur. Par lui, nous apprîmes enfin (...) que le comble de l'aveuglement est de prendre des vessies pour des lanternes (Bloy, Journal,1903, p. 166). REM. Lanterne-tempête, subst. fém.Lanterne munie d'un dispositif destiné à éviter qu'elle ne s'éteigne sous l'action du vent. Synon. lampe*-tempête.J'avais une de ces petites lanternes portatives dites lanternes-tempête, et je l'avais glissée sous le pliant pour n'en être pas gêné (Duhamel, Suzanne,1941, p. 217). Prononc. et Orth. : [lɑ
̃tε
ʀn̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) Ca 1100 « sorte de boîte à parois plus ou moins transparentes dans laquelle on place une source de lumière » (Roland, éd. J. Bédier, 2643 : Asez i ad lanternes e carbuncles); ca 1210 vendre vecies por lanternes (Guiot de Provins, Bible, éd. J. Orr, 2628); d'où b) 1585 au plur. « propos sans importance, fadaises » (N. du Fail, Contes et Discours, éd. J. Assézat, II, 81); 2. a) 1613 lanterne vive (M. Régnier, Satire XI ds
Œuvres, éd. J. Plattard, p. 97); 1685 lanterne magique (Fur.); b) 1878 oublier d'éclairer sa lanterne « omettre un point important pour se faire comprendre » (Lar. 19eSuppl. qui cite J. Loiseleur); 3. a) 1689, 13 avr. « réverbère qui servait à l'éclairage des rues » (MmeDe Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, 9, 17); ,,vx`` ds Besch. 1845; d'où b) 1789 « potence » (Mounier, Exposé, 26 oct., Arch. Parl. 1resér., t. IX, p. 568, col. 1 ds Brunot t. 9, p. 882, note 1); 4. 1835 « appareil d'éclairage adapté à l'avant d'un véhicule » (Balzac, Ferragus, p. 66). II. 1. 1508 « ornement en forme de lanterne et à jour qui surmonte une pièce de vaisselle » (Inv. génér. des meubles à MgrMonsieur le Légat ds A. Deville, Comptes... du Château de Gaillon, p. 503); 2. 1546 arch. « sorte de tribune d'où l'on peut voir et entendre sans être vu » (J. Martin, trad. Fr. Colonna, Songe de Poliphile, 88 ro[Kerver] ds Quem. DDL. t. 7); 3. 1559 id. « dôme vitré placé au-dessus d'un édifice pour en éclairer l'intérieur » (Amyot, Péric. 28 ds Littré); 4. 1611 « pignon d'un engrenage » lanterne a pagnon (Cotgr.); 5. 1660 « cuiller qu'on remplit pour en charger le canon » (Oudin Fr.-Esp.); 6. 1805 « appareil masticateur des oursins » (Cuvier, Anat. comp., t. 3, p. 329); 1828 lanterne d'Aristote (Mozin-Biber t. 2). Du lat. lanterna « lanterne », empr. au gr. λ
α
μ
π
τ
η
́
ρ. Le sens I 2 b p. allus. au singe de la fable de Florian, Le Singe qui montre la lanterne magique ds Fables, 1792, p. 80 dans laquelle celui-ci invite les spectateurs à admirer des images qu'ils ne peuvent voir, puisqu'il a oublié d'allumer la lanterne. Fréq. abs. littér. : 1 592. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 056, b) 3 032; xxes. : a) 3 378, b) 2 216. Bbg. Corbett (N.L.) Prendre des vessies pour des lanternes. Fr. mod. 1969, t. 37, pp. 193-197. - Dub. Pol. 1962, p. 329. - Kellman (S.G.) The Mirror and the magic lantern. Neophilologus. 1977, t. 61, pp. 43-47. - Quem. DDL t. 9, 11, 18, 20. |