| LACUNE, subst. fém. A. − 1. Vx. Espace vide dans l'étendue d'une chose, solution de continuité d'un corps. Il entra par une lacune de la palissade dans l'enceinte de l'éléphant et aida les mômes à enjamber la brèche (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 159).Les quatre façades filaient le long des quatre rues, sans une lacune, dans leur isolement superbe (Zola, Bonh. dames,1883, p. 762). ♦ En partic. Espace ouvert par interruption dans la continuité du rivage. [Surville] continua de naviguer le long de ces terres, (...) dans plusieurs endroits, il perdait de vue la côte, et n'apercevait aucune terre au-delà dans ces intervalles. Il en conclut, avec fondement, que ces ouvertures ou lacunes indiquent ou des baies, des golfes très-profonds, ou des canaux (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 116). − Au fig., littér. Synon. de distance.Je vous le demande en grâce (...) de ne point mettre de lacune entre votre fille et moi (E. de Guérin, Lettres,1838, p. 229). 2. Spécialement a) ANAT. et PATHOL. − ANAT., vx. ,,Petite cavité formant l'orifice commun d'un assemblage de follicules appartenant aux membranes muqueuses`` (Littré). La cavité de l'utérus est revêtue, comme celle du vagin, d'une membrane muqueuse (...). On y remarque particulièrement dans la cavité du col, des lacunes ou petits culs-de-sac qui se remplissent de mucosités (Cuvier, Anat. comp., t. 5, 1805, p. 144). − PATHOL., au plur. ,,Lésion des centres nerveux (cerveau, cervelet) caractérisée par la production de petites cavités irrégulières creusées en plein tissu`` (Garnier-Del. 1972). b) BOT. ,,Espace libre d'ordinaire aérifère situé dans l'épaisseur d'un tissu`` (Forest. 1946). Le corps de la plante aquatique est occupé par de vastes lacunes qui renferment un milieu gazeux intérieur (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 513). c) GÉOL. ,,Absence d'une ou de plusieurs strates dans une série sédimentaire`` (George 1970). Souvent d'ailleurs une nappe interne est interrompue par des lacunes dues à l'érosion, et ces lacunes constituent des regards ou fenêtres, laissant apparaître une nappe sous-jacente (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 402). d) PHYS. ,,Défaut ponctuel quand un emplacement normalement occupé par un atome ou un ion se trouve inoccupé`` (Nucl. 1975). B. − Solution de continuité dans une série, un enchaînement, un système, un ensemble. Synon. hiatus, interruption, omission.Offrir, présenter une lacune; combler une lacune; remédier, suppléer à une lacune. Je fouillai en tous sens la bibliothèque. Sa composition incohérente et contrastée reflétait les séjours successifs des maîtres et les hasards de leur goût. Il y avait là tout ce fonds d'ouvrages du dix-huitième siècle dont je vous ai parlé, − puis une lacune (Bourget, Disciple,1889, p. 143).Entre l'homme de Mauer et l'anthropoïde ancestral, il existe une lacune, mais déjà comblée en grande partie par la découverte de deux êtres fossiles (...) : le pithécanthrope de Java et le sinanthrope de Pékin (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 185): 1. Il y a dans la première partie que nous publions des lacunes inévitables; il y en a de volontaires. J'ai souvent parlé de l'esclavage, et point assez; j'ai indiqué à peine le point de départ du droit romain, et celui de la littérature latine. Ces développements seront mieux placés dans la seconde partie.
Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. XIV. − En partic. ♦ Absence d'un passage de texte (dans un livre ou un manuscrit). Avec (...) ces brisements du récit, ces interruptions brusques et soudaines de l'intérêt, comme je comparais ce livre au livre de Pétrone, au festin de Trimalcion, avec ses lacunes, ses pertes du texte, ma comparaison avait un grand succès (Goncourt, Journal,1891, p. 74). ♦ Absence de disposition précise sur un point précis (dans un texte juridique). Cette lacune aurait fait de la signature d'un traité un geste malsain, car ce traité aurait été mis en échec à chaque vicissitude diplomatique (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 558). C. − Au fig., le plus souvent au plur. 1. Manque de connaissances; défaut de mémoire, d'instruction. Synon. insuffisance, trou. − Lacune de + subst.Il ignorait le maniement du double-sens grivois. De là aussi venait sa gêne, et il y devina une lacune d'éducation (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 154). ♦ [P. ell. du compl. d'obj.] Avoir des lacunes. Je ne peux pas dire que je brille particulièrement par la connaissance du système orographique de la Russie, mais je m'en tire à peu près sauf quelques lacunes qui semblent regrettables à l'examinateur (Colette, Cl. école,1900, p. 223): 2. ... ce n'est souvent que longtemps après que nous voudrions bien savoir quelle attitude eut une personne à un moment où nous n'y fîmes nullement attention et qui, plus tard, quand nous repensons à notre conversation, éclaircirait une difficulté poignante. Mais dans notre mémoire il y a une lacune, il n'y a pas trace de cela.
Proust, Fugit.,1922, p. 509. 2. Défaut dans le domaine du comportement. Synon. faiblesse.Certains côtés de son tempérament étaient plus que dignes d'éloges; il avait aussi ses lacunes, ses défaillances, ses petitesses (Gobineau, Pléiades,1874, p. 245).J'avais mesuré ses travers et ses lacunes (Montherl., Fils personne,1943, I, 4, p. 286). REM. 1. Lacuneux, -euse, adj.a) Bot. [En parlant d'un tissu végétal] Qui présente un espace entre les cellules. Le parenchyme, creusé de lacunes très larges, prend le nom de parenchyme lacuneux (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 117).b) [En parlant d'un écrit] Qui présente des lacunes. (Ds Littré, Lar. Lang. fr.). 2. Lacunier, -ière, adj.,hapax. Qui présente des lacunes. Je vois avec douleur ma mémoire devenir infidèle, lacunière, labile (Amiel, Journal,1866, p. 89). Prononc. et Orth. : [lakyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1515 anat. (Falco ds Sigurs, p. 279); 2. 1616 « interruption dans un texte, un discours » (D'Aubigné, Tragiques, Aux lecteurs, éd. E. Réaume et de Caussade, t. 4, p. 5). Empr. au lat.lacuna « trou » aux sens propre et fig., dér. de lacus, v. lac. Fréq. abs. littér. : 483. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 647, b) 920; xxes. : a) 501, b) 706. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1929, t. 41, p. 132 (s.v. lacuneux). |