| JUMEAU, -ELLE, adj. et subst. I. − Adj. et subst. A. − [En parlant d'un, de deux ou plus rarement de plusieurs enfants ou pers.] Né d'un même accouchement qu'un autre enfant. 1. Adjectif a) Au plur. Madame Eugène Faynal avait gardé (...) son air prude de vieille fille. À ce malheur, Eugène ajouta celui de devenir père de deux garçons jumeaux (Soulié, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 78).Les deux enfants jumeaux, dont la naissance avait causé sa mort, moururent eux-mêmes un mois après leur mère (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 309). b) Au sing. Les Mémoires de Richelieu (...) le font [le Masque de Fer], comme l'on sait, frère jumeau de Louis XIV et son aîné (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 875).Marie de Rosières a une sœur jumelle, Mectilde, qui est aussi brune qu'elle est blonde (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 146). 2. Emploi subst. Synon. vx besson (région.), gémeau. a) Au plur. L'aîné(e) de deux jumeaux; avoir, mettre au monde des jumeaux; se ressembler comme deux jumeaux. Elle accoucha de deux jumeaux, de trois jumeaux (Ac.).Tu es venu au monde le premier, ce qui, pour les jumeaux, constitue le droit d'aînesse de celui qui naît après (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 157).Les deux petites jumelles de la Damiens, nées à la même heure et qui se ressemblent parfaitement (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1910, p. 253): 1. − Alors les voilà, ces petits mignons! s'écria Lulu en grattant de son index courbe la joue des jumeaux. Ah! Comment? Il y a une fille et un garçon? Je n'avais pas compris; je croyais que c'était deux garçons.
Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 161. Rem. Pour trois, quatre, cinq, six jumeaux, v. les synon. triplés, quadruplés, quintuplés, sextuplés. − MYTHOLOGIE ♦ GR. Les jumeaux. Castor et Pollux. Une amitié moderne, mieux avérée que celle des jumeaux d'Élide sortis du même œuf : (...) celle des deux frères Pierre et Thomas Corneille (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 316).ASTROL., vieilli. Un des signes du zodiaque. Synon. usuel Gémeaux.Un des signes que parcourt le Soleil durant chacun des douze mois. Le premier mille, disent-ils, répond à l'agneau; le second au taureau; le troisième aux jumeaux, etc. (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 296).Une étroite arrivée le matin, à la maison du Sagittaire ou des Jumeaux (Quinet, Ahasvérus,1833, 4ejournée, p. 375). ♦ HIST. ROM. Les jumeaux. Rémus et Romulus. Les deux jumeaux et la louve qui les nourrissait (France, Pt Pierre,1918, p. 248).Le 21 avril était le natale urbis, le jour de la fondation de Rome par les jumeaux, célébré dans toute l'Italie (Montherl., Bestiaires,1926, p. 512). − Vrais jumeaux; jumeaux identiques, uniovulaires, univitellins. Jumeaux provenant d'un même œuf fécondé par un seul spermatozoïde, toujours de même sexe et d'une ressemblance physique totale ou du moins frappante. Deux jumeaux identiques, provenant du même œuf, possédant la même constitution génétique, manifestent chacun une personnalité différente (Carrel, L'Homme,1935, p. 292).Une étroite affinité entre leurs patrimoines héréditaires, entre leurs gènes (...) existe toujours s'ils sont jumeaux, vrais jumeaux, c'est-à-dire si, nés d'un même œuf, ils portent les mêmes chromosomes (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 76). Rem. Jumeaux homozygotes est un synon. déconseillé (d'apr. L'Hér. Génét. 1978). − Faux jumeaux; jumeaux biovulaires, bivitellins, dizygotes, fraternels. Jumeaux provenant de deux œufs simultanément émis (par un seul ovaire ou par les deux) et fécondés chacun par un spermatozoïde (parfois de sexe différent). Les faux jumeaux, dans les naissances multiples, ont des annexes fœtales distinctes; ils sont de même sexe ou de sexes différents (...) et ils ne montrent pas plus de similitude qu'il n'y en a entre deux frères ou sœurs non jumeaux, ni de similitude pathologique particulière (Caullery, Embryol.,1942, p. 115).Les indices de prévision (...) sont pour la schizophrénie de (...) 14, 5 chez les jumeaux dizygotes (Delay, Ét. psychol. méd.,1953, p. 152). Rem. Jumeaux hétérozygotes est un synon. déconseillé (d'apr. L'Hér. Génét. 1978). b) Au sing. Accoucher d'un jumeau et d'une jumelle; ressembler à qqn comme un jumeau, une jumelle. Bien qu'il ne fût pas son jumeau, il était une vivante réplique de son frère; mais, à la façon dont une sculpture achevée ressemble à son premier épannelage (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 566).Une jumelle eût ôté à mon existence ce qui en faisait tout le prix : sa glorieuse singularité (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.61): 2. ... est-il vrai que, par une anomalie étrange ce soit le jumeau venu au monde le premier qui soit le moins vieux et qui n'hérite pas? l'officier de sante jadin : Exact aussi. Si les naissances des jumeaux ont eu lieu à cheval sur la nuit de la Saint-Sylvestre, le jumeau le plus vieux a même une année de moins que son cadet.
Giraudoux, Folle,1944, I, p. 55. B. − P. anal., le plus souvent au plur. 1. [En parlant d'animaux] Né(s) d'une même portée. Les deux petits postillons de l'Hippodrome avec leurs poneys jumeaux et leurs affiches-réclames (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 221).Quatre brins [de fleurs] sur la tombe de deux chatons jumeaux morts depuis deux ans (Montherl., J. filles,1936, p. 920). 2. [En parlant de deux fruits ou de deux végétaux] a) Adj. Qui naissent et croissent accolés l'un à l'autre, ou qui sont très rapprochés et parallèles sur le même pied. Cerises jumelles; abricots, grains de raisin jumeaux; deux sapins jumeaux. Ces deux hêtres jumeaux qu'un nœud semble attacher, Et qui de jour en jour, s'enlaçant avec force, Croissent du même tronc et sous la même écorce! (Lamart., Jocelyn,1836, p. 633).Et nous vivrons pareils à deux arbres jumeaux Qui versent l'ombre fraîche en mêlant leurs rameaux (France, Poés., Noces, 1876, p. 140). − Au sing. Double. Pomme jumelle; amande jumelle (synon. philippine). Cette noix est jumelle (Ac.1835, 1878). b) Emploi subst., rare. Je remarquai deux jumeaux sortis du même tronc, qui s'élançoient ensemble dans le ciel : ils étoient égaux en hauteur et en âge (Chateaubr., Voy. Amér. et Ital., Voy. Mt-Blanc, t. 2, 1827, p. 304). II. − Le plus souvent adj., p. anal. A. − 1. Au plur. a) [En parlant de deux objets, de deux choses semblables] Qui sont identiques et sont ou semblent faits pour aller de pair (soit placés symétriquement ou parallèlement, soit faisant partie constitutive d'un même ensemble). Cimes, flèches, tours jumelles. Elle loua, près de la ville, deux petites maisons jumelles avec un jardin commun (About, Grèce,1854, p. 101).Le village d'Orne, aux deux collines jumelles, faites pour les comparaisons charnelles et démesurées de l'Ecclésiaste (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 231). b) [En parlant d'inanimés abstr.] J'y sentais [en ses yeux] deux soucis jumeaux, Comme dans l'histrion que trouble L'obsession de ses vrais maux (Sully Prudh., Vaines tendr.,1875, p. 222). c) Spécialement − AMEUBL. Berceaux, lits jumeaux. Ensemble de deux lits identiques (de même dimension et de même garniture), placés côte à côte et parallèlement (généralement destinés à un couple ou à des enfants). Élisabeth et Paul, faits pour l'enfance, continuaient à vivre comme s'ils eussent occupé deux berceaux jumeaux (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 96).Maman avait fait enlever la table de nuit qu'il y avait entre les lits jumeaux et les avait rapprochés, à la française (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 280). − ANAT. Muscles jumeaux et p. ell. les (deux) jumeaux, subst. masc. plur. ♦ Les deux muscles pairs de la région fessière, le jumeau inférieur (ou antérieur) et le jumeau supérieur. Il [le nerf sciatique] sort du bassin entre les muscles jumeaux et pyramidal par l'échancrure ischiatique (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 277).Les muscles épais, couvrant l'articulation de la hanche sont (...) l'obturateur externe, les jumeaux, le carré crural et le pyramidal en arrière (G. Gérard, Anat. hum.,1912, p. 183). ♦ Les deux muscles pairs du mollet, le jumeau interne et le jumeau externe. Sous la soie transparente on voyait saillir presque blancs, ces deux petits muscles, les jumeaux je crois, qui tirent et renforcent, sous le jarret, le renflement du mollet (Larbaud, Amants,1923, p. 134).Sa [jambe] gauche, entourée à la cheville de crêpe velpeau, était étalée, de sorte que le jumeau, repoussé sur la face interne, dessinait le long du péroné un profond sillon rempli d'ombre (Montherl., Songe,1922, p. 39). − MAR. Navires jumeaux. Navires construits exactement sur les mêmes plans. Il possédait (...) des navires jumeaux voyageant à volonté sous le pavillon américain ou sous le pavillon espagnol, selon les dangers de la traversée (Zola, E. Rougon,1876, p. 19). 2. Au sing., littér. a) [En parlant d'un inanimé concr.] Double. Cette pierre active qui moud le grain accouplée à la meule jumelle (Claudel, Annonce,1912, p. 20).Au Club de la Noblesse où, assis à une table jumelle, chacun de son côté écrivait un long poème d'amour (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 223). − Jumeau de + subst.Qui est la réplique de. En suivant les catalogues des ventes ou en fréquentant les antiquaires il finit par trouver l'objet jumeau de celui qu'il possède et qui fait avec lui la paire (Proust, Temps retr.,1922, p. 973). b) [En parlant d'un inanimé abstr.] Double. Âme de l'homme, écoute en frémissant comme elle L'âme immense du monde autour de toi frémir! Ensemble frémissez d'une douleur jumelle (Dierx, Lèvres cl.,1867, p. 168). B. − [En parlant d'une pers. ou d'un attribut de la pers., d'un aspect de son comportement] Qui est la réplique physique ou morale (plus ou moins fidèle) d'un autre. Synon. pair, pareil, sosie.Deux cœurs, deux esprits, deux goûts jumeaux; deux âmes jumelles; destins, sourires jumeaux. Deux amis, jumeaux par la stature, par les pieds déliés, la similitude du sourire (Colette, Naiss. jour,1928, p. 61).Un bruit de sanglots que recouvraient, par intervalles, les deux voix si étrangement jumelles des demoiselles Simplicie (Bernanos, Crime,1935, p. 829). − Emploi subst. et au sing. (Être) le jumeau de (qqn). Toute âme qui se sauve aussi sauve son corps. Toute âme qui périt entraîne son jumeau (Péguy, Ève,1913, p. 813).Élève indigne de ce grand maître, de ce jumeau spirituel de Louis Lambert (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 935). III. − Subst. masc. sing., BOUCH. Morceau de bœuf à braiser ou à cuisiner situé dans l'épaule (partie antérieure du paleron entre le second talon et l'entrecôte) et estimé notamment pour le pot-au-feu. Jumeau à bifteck, à pot-au-feu. Pour obtenir des braisés et des bouillis fondants (...) paleron, macreuse, jumeau (Par ici la bonne cuisine [Super-cocotte seb], Paris, 8eéd., [1963], p. 67). REM. Jumellité, subst. fém.,hapax. Dans le grand éreintement du Figaro, l'amertume est flagrante et sans pudeur contre notre collaboration, la jumellité qu'il y a dans nos pensées et nos œuvres. C'est aux deux frères qu'on en veut; c'est au mariage, au ménage de notre fraternité qu'on s'attaque (Goncourt, Journal,1866, p. 265). Prononc. et Orth. : [ʒymo], fém. [-εl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. du fém. jumelle. Masc. plur. -eaux. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 subst. « enfants nés d'un même accouchement » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 764); b) fin du xiies. adj. « né d'un même accouchement » (Floire et Blancheflor, 1reversion, éd. M. Pelan, 1544); 2. fin du xiies. [ms.] « (objets) semblables » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 14633, var. du ms. B1); 3. 1747 anat. subst. masc. plur. (James Méd., s.v. gemelli); 4. 1931 bouch. « morceau du bœuf situé dans l'épaule » (Lar. 20e). Du lat. gemellus, adj. et subst. « jumeau » et, au plur., adj. « semblables, pareils ». Le [ə] de la syll. initiale s'est modifié en [y] sous l'infl. des deux consonnes bilabiales qui l'entouraient (Bourc.-Bourc., § 92, II; Fouché, p. 429). Au sens 3, cf. gémeaux dès le xvies. (Paré ds Littré). Dans les parlers gallo-rom., jumeau et gémeau* vivent dans le Nord; le Sud et le Centre ont besson*. Fréq. abs. littér. : 279. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 433, b) 301; xxes. : a) 289, b) 480. Bbg. Planche (A.). Ami et Amile ou le Même et l'Autre. Beitr. zum rom. Mittelalter. Tübingen, 1977, pp. 253-254. |