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JET1, subst. masc.
I. − [Corresp. à jeter I]
A. − Action de jeter, d'envoyer quelque chose dans l'espace; résultat de cette action. Synon. lancement, projection.Le peuple nous reçut avec des hurlements, des jets de pierres, des bourrades de bâtons ferrés et des coups de pistolet (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 211).Fiacres et charrettes font gicler, dès qu'il pleut, des jets de boue qui éclaboussent les devantures et les piétons (Carco, Nost. Paris,1941, p. 66):
1. C'est une admirable bête carnassière [le renard]. (...) l'échine d'une souplesse et d'un ressort inouïs, au point de se couler et de se tapir à l'instant quelle que soit sa vitesse, pour échapper aux bonds des chiens, au jet du plomb... Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 132.
1. En partic.
a) [Le plus souvent dans la constr. à un jet de + subst. comme unité de mesure approximative, pour évaluer une distance] Distance parcourue par quelque chose que l'on jette. Le petit village bâti auprès d'elle [la rivière Boubou] (...) : la route vers le poste; à un jet de sagaie de la Bamba (Maran, Batouala,1921, p. 129).Elle aperçut, à un jet de disque, deux soldats qui les précédaient sur la route (Montherl., Songe,1922, p. 96).Il se dissimula derrière un chêne, à un jet de pierre de la souche où Yves trônait (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 56).
b) Arme de jet. Arme destinée à lancer un trait (arc, fronde, sarbacane) ou à être lancée (boomerang, javelot). Les chasseurs en étaient encore réduits, comme armes de jet, à la pierre (Verne, Île myst.,1874, p. 108).Le chasseur, pour perfectionner ses armes de jet, boumerang, sagaye ou javelot, sarbacane, arc et flèche, introduit des modifications (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 201).
2. Spécialement
a) TRAV. PUBL. Jet sur banquette. ,,Manutention de terres en fouille profonde par hauteur d'homme`` (Barb.-Cad. 1971). Jet sur berge. ,,Manutention de terres en fouille peu profonde par rejet direct sur le sol extérieur`` (Barb.-Cad. 1971). On distingue quatre jets de pelle (...). Le jet vertical sur banquette par hauteurs successives de 1,80 (...). Le jet vertical sur berge, de 0,25 à 1,80 de profondeur (Robinot, Vérif., métré et part. trav. bât., t. 1, 1929 [1928], p. 20).
b) MARINE
Action de jeter à la mer une partie de la cargaison dans le but d'alléger et de sauver le navire; p. méton., ce qui est ainsi jeté. (Dict. xixeet xxes.).
,,Jet et contribution. Action de jeter tout ou partie de la cargaison, qui est suivie, si le navire est sauvé, d'une répartition des pertes appelée contribution`` (Ac. 1878-1935).
Ancre à jet. ,,Ancre à jas de dimensions assez faibles pour pouvoir être mouillée sans écubier spécial`` (Gruss 1952). Une ancre à jet fut également embarquée pour le cas où John, ne pouvant atteindre la terre dans une marée, serait forcé de mouiller au large (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 69).
c) PÊCHE. Jet du filet. Action de jeter le filet pour pêcher et p. méton., pêche ramenée par ce filet. Acheter le jet du filet (Ac. 1835-1935).
B. −
1. FAUCONN., au plur. ,,Bracelets de cuir permettant de retenir les rapaces. [...] Armer de jets un faucon`` (Duchartre 1973; ds Ac. 1835, 1878).
2. FOND. Action de faire couler la matière en fusion dans un moule.
a) P. méton., le plus souvent au plur. Ouverture pratiquée dans un moule par laquelle on y introduit le métal en fusion afin qu'il y soit bien distribué :
2. ... on attache à la cire divers tuyaux qui sont : les égouts, par lesquels devra s'écouler la cire à mesure qu'elle se fondra, les jets par lesquels s'introduira le bronze en fusion, et les évents, qui ménageront à l'air une libre issue... Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 358.
(Couler, fondre) d'un seul jet. (Couler, fondre) dans une même opération. Fondre, couler une figure d'un seul jet (Ac. 1835, 1878).
P. anal. Le pont de l'Archevêché reconstruit en béton, c'est-à-dire coulé d'un seul jet, moulé en un seul bloc (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876p. 112).
b) P. ext. et au fig.
Loc. adv.
α) D'un (seul) jet. En une seule fois, d'une seule inspiration. Une université comme le Columbia College de New-York, construite d'un seul jet, et sur un plan d'ensemble (Lavedan, Urban.,1926, p. 60).Nos constructeurs des grandes époques ont toujours visiblement conçu leurs édifices d'un seul jet, et non en deux mouvements de l'esprit ou en deux séries d'opérations (Valéry, Regards sur monde,1931, p. 131).
Écrire d'un seul jet. Écrire sous le coup de l'inspiration, sans interruption et sans retouches. Ses pages [de MmeRoland], tracées à la hâte et d'un jet, attestent une plume déjà très-exercée (Sainte-Beuve, Portr. femmes,1844, p. 163).Il tombe une lumière avare et raisonnable, semblable au regard qu'on jette, après une nuit sans sommeil, (...) sur les pages qu'on a écrites sans ratures et d'un seul jet (Sartre, Nausée,1938, p. 30).
β) Du premier jet. Du premier coup, d'emblée. Descamps (...) n'attend point que le coloriage lui vienne en aide, il souhaite son œuvre définitive du premier jet (Chelet, Lithogr.,1933, p. 206):
3. J'ai interrompu pour toi ma note sur Marguerite Audoux. Cela ne va pas fort. J'ai trop attendu. Ça ne va plus du premier jet comme il aurait fallu. Mais je travaille terriblement à mon livre. Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1910, p. 251.
Premier jet. Ébauche (d'une œuvre littéraire ou artistique). L'art français est l'esprit. Or, où l'esprit se manifeste (...), c'est dans le premier jet, dans le berceau du tableau, dans le dessin (Goncourt, Journal,1858, p. 467).J'ai travaillé à l'élaboration et à l'écriture de ce nouveau livre pendant une vingtaine de mois. En décembre 1930, tout le premier jet était écrit, et plus de la moitié du volume (...) était prête pour l'impression (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. xcvi).
Œuvre littéraire construite en une seule fois et écrite sans retouches, sous le coup de l'inspiration. Pourceaugnac et Tartuffe sont d'admirables jets de l'art (Hug., Préf. Cromw.,1827, p. 18).
3. PEINT., SCULPT. Jet d'une draperie. Manière dont sont reproduits les plis d'une draperie :
4. ... la pureté des contours [dans la Sainte Famille, de Raphaël], le beau jet et le grand goût des draperies n'ont rien à envier à la statuaire grecque. Gautier, Guide Louvre,1872, p. 32.
II. − [Corresp. à jeter III]
A. − Rare. Mouvement rapide du corps ou d'une partie du corps, dans une direction donnée. Les grosses [anguilles], levant la tête, se glissaient d'elles-mêmes sous l'eau, du jet souple des couleuvres qui se cachent dans un buisson (Zola, Ventre Paris,1873, p. 699).Le port de la tête légèrement rejetée en arrière, (...) le pli de la taille, (...) et le jet en avant de la jambe libre (...), toute cette harmonie était (...) d'une émouvante beauté (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 992).
B. −
1. Émission (d'un fluide) qui jaillit ou s'échappe avec plus ou moins de force d'un orifice généralement petit. Synon. giclée.Jet de sang, de salive, de fumée; jet gazeux. Un mince coup de sifflet partit, répété tout de suite par le sifflement puissant de la machine qui cracha bruyamment son premier jet de vapeur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1201).Un jet de chlore brûlerait dans une atmosphère d'hydrogène, de même qu'un jet d'hydrogène brûlerait dans une atmosphère de chlore (Alain, Propos,1922, p. 412):
5. Nous terminerons ce rapide exposé en soulignant que l'eau − employée sous forme de douche ou de jet − peut ajouter à son action d'agent physique une action mécanique directe, due à sa percussion sur la surface de la peau. R. Vuillemin, Éduc. phys.,1941, p. 82.
P. anal. C'était une maison du vieux Roubaix, (...) avec (...) des plafonds qu'on touchait de la main, (...) et laissant couler de perpétuels petits jets de plâtre et d'argile (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 196).
En partic.
a) Quantité déversée en une seule fois par l'ouverture d'un récipient incliné. Elle lui versa dans une coupe d'or un long jet de vin pour se réconcilier avec l'armée (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 17).Il faut boire. − Elle versa deux grands jets de vin pâli dans chaque verre (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 10).
b) Jet d'eau. Eau qui jaillit en colonne ou en gerbe d'une fontaine et retombe dans un bassin; p. méton., ajutage de cuivre fixé à l'extrémité d'un tuyau permettant de faire jaillir l'eau à une distance et selon une forme et une direction déterminées; dispositif d'arrosage. Jet continu, intermittent, rotatif; arroser, laver à grand, à petit jet. Un oiseau gris jaillissait des joncs (...) tressaillant comme la balle sur le jet d'eau à la cime même de son cri monotone (Gracq, Syrtes,1951, p. 20):
6. Nous nous promenions dans les jardins du Palais-Royal, nous nous asseyions au bord du bassin; le vent bousculait le jet d'eau et des gouttelettes nous sautaient au visage. Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 312.
,,Pièce rapportée ou non sur la traverse inférieure des chassis ouvrants afin d'éviter les infiltrations d'eau`` (Constr. métall. 1975; dict. xixeet xxes.).
2. P. anal. [En parlant d'une clarté, d'un feu] Jaillissement brusque. L'incendie en ses longs jets de flammes Leur jetait par moments ses sinistres reflets (Lamart., Chute,1838, p. 1063).Elle souleva sa voilette, un jet de lanterne la frappa au visage (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 155).Le seuil de la sensation douloureuse de chaleur produite par un jet de lumière sur le front est très diminué après l'opération et le reste plusieurs mois (Delay, Psychol. méd.,1953, p. 206).
En partic. [En parlant d'une arme à feu] Il vit la bête de chasse courir à l'immobilité du capitaine épaulant le fusil, (...) deux jets de feu se succédèrent (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 254).Le jet de la mitrailleuse a repassé plusieurs fois (Barbusse, Feu,1916, p. 248).
3. Au fig. Flot rapide ou ininterrompu (de paroles). Synon. flux, jaillissement.Boissaux, depuis qu'il était riche, avait pris l'habitude de précipiter sa parole par jets ou émissions successives que séparaient de petits silences (Stendhal, Rom. et nouv., t. 1, 1842, p. 386).L'un d'eux, un étranger d'une autre escouade, est expulsé par les locataires, et le jet d'injures de l'autre s'affaiblit et s'éteint (Barbusse, Feu,1916p. 200).
Loc. adv. À jet continu. De manière ininterrompue. Les apostrophes et les injures qu'ils vomissent à jet continu (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 148).
C. − Spécialement
1. BOTANIQUE
a) Nouvelle pousse d'un végétal. Synon. rejet.Pousser un jet. Les branches [du faux pistachier] ont cela de remarquable, que leurs jets sont marqués par des nœuds, et que les feuilles sortent des côtés de ces bourrelets (Baudrillart, Nouv. manuel forest., t. 1, 1808, p. 310).Partout la vigne lançait ses jets victorieux, gras de toute la vie d'une terre vierge (Fabre, Oncle Célestin,1881, p. 134).
b) Forme élancée et très droite d'un arbre. Assis, par les jours printaniers, (...) on contemple le jet des fûts et l'opulence des feuillages (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 123).Le jet sans défaut des pins rapprochait les étoiles (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 61).
Loc. adv. D'un seul jet. D'une seule venue. Le fût s'élance sans branche aucune et d'un seul jet jusqu'au couronnement de verdure (Gide, Voy. Congo,1927, p. 715).,,Cette canne est d'un seul jet, elle n'a point de nœuds, elle n'est point entée. On dit quelquefois absolument, un jet, une canne d'un seul jet. Voilà un beau jet, un jet bien droit. Ce jet est fort cher`` (Ac. 1835, 1878).
c) P. anal. Forme élancée et droite. C'était un homme très mâle (...). De lui, on ne voyait d'abord que le jet du corps, étonnant de grâce (Giono, Angelo,1958, p. 27).
2. ZOOL. Jet d'abeilles. Nouvel essaim qui sort de la ruche. (Dict. xixeet xxes.).
Prononc. et Orth. : [ʒ ε]. Homon. geai, jais. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1155 « action de lancer (ici, les dés) » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 10585); 2. a) fin xives.[date ms.] « action de jeter à la mer une partie de la cargaison quand le bateau est en danger » (Ms. Troyes 1386 ds H. Zeller, Das Seerecht von Oléron, B1. 104 V 1, 22, p. 16, cf. FEW t. 5, p. 13a); b) 1611 pêche « coup de filet » (Cotgr., s.v. gect); c) 1766 (Massé, Dict. portatif des eaux et forêts, p. 403 : Jet s'entend du bois de chauffage que l'on jette ainsi à flot, ou à bois perdu); 3. a) fin xives. « projectiles, ce que lancent les frondes » (Froissart, Chroniques, éd. L. Mirot, t. 12, p. 292); b) 1554 armes de gect (Amyot, Diodore, XIII, 16 ds Gdf. Compl.); 4. 1402-04 « terre que l'on jette d'un côté du fossé et qui forme talus » (Compt. de J. Asset, Forteresse, XXI, Arch. mun. Orléans ds Gdf., s.v. giet). B. 1160-74 « distance que peut parcourir quelque chose que l'on lance » (ici, un bâton) (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2035); 1174-80 le giet d'une pierre menue (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 619). C. 1. 1174-76 « lien » (à l'orig., désigne une petite corde attachée aux pieds de l'oiseau de proie, attesté dep. ca 1200 Renart, éd. E. Martin, XI, 1573, cf. aussi Alexandre, éd. Michelant, 12, 4 ds T.-L.) (Guernes de Pont Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2489); d'où 2. 1449 « étroite bande d'étoffe faisant bord pour rehausser la garniture d'une robe » (Louis de Beauvau, Le pas d'armes de la bergère, Œuvres Roi René, éd. Quatrebarbes, t. 2, p. 59 et 70 ds Gay), ou, d'apr. le sens de « bordure », issu de A 4. D. 1. 1395 « ce que l'on jette sur le papier (désignant la minute d'un écrit) » (Archives du Nord, B 18822, no23287 ds IGLF); 2. a) fin xives. dou premier get « au premier mouvement, du premier coup, d'emblée » (Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, t. 3, p. 64); b) 1549 premier ject « brouillon, esquisse » (Est.); 3. a) 1636 « action de faire couler dans un moule un métal en fusion » (Monet); peut-être déjà attesté par premier gist (plaisamment en parlant d'un étron) en 1585 (Du Fail, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 147); b) 1676 « conduit de cire fixé sur le moule où l'on coule le métal » (Félibien, p. 623); c) mil. xviiies. au fig. [ouvrages] fondus d'un seul jet (Buffon, Hist. nat., Quadrupèdes, t. 1, Discours, 5); 3. a) 1671 jet d'eau (Pomey : Jet de fontaine. Petit filet d'eau que jette la fontaine. [Un beau jet d'eau]); b) 1765 jet d'eau « partie arrondie du bas d'une croisée ou d'une porte qui renvoie au dehors l'eau de pluie » (Encyclop. t. 8, p. 527); c) 1752 jet de feu (désignant une fusée dont la gerbe d'étincelles ressemble à un jet d'eau) (Trév.); d) 1771 jet de lumière (id.); e) 1842 p. anal. (Stendhal, Rom. et nouv., t. 1, p. 386 : l'habitude de précipiter sa parole par jets ou émissions successives). E. 1. 1419 « nouvelle pousse » (Chir. A. Tournai ds Gdf. Compl. : jes de vingne); 2. 1740 d'un seul jet « d'une seule venue, sans nœuds » (Ac. : canne d'un seul jet). Déberval de jeter*. En lat., le subst. jactus correspondait déjà aux mêmes emplois, et, sous une forme pop. *jectus, il est à l'orig. des formes ital. getto et port. geito (FEW t. 5, p. 23b, note 3). Fréq. abs. littér. : 1 195. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 046, b) 1 921; xxes. : a) 2 035, b) 1 935. Bbg. Quem. DDL t. 6.