| JARRET, subst. masc. A. − 1. Partie postérieure du genou où s'opère la flexion de la jambe chez l'homme. Synon. Creux poplité (anat.).Fléchir (sur) les jarrets; raidir, tendre les jarrets; s'asseoir sur ses jarrets; muscle du jarret. Brandissez votre massue, et que Scapin fasse un plié de jarret pour se rendre la jambe souple (Gautier, Fracasse,1863, p. 215).Elle chemine indolemment sur la falaise, un doigt dans le nez et se grattant le dos jusqu'au jarret (France, Île ping.,1908, p. 68): 1. La grande erreur de Michel-Ange a été d'exagérer l'idée antique en donnant trop d'importance à la force (...). Je vous dis cela parce que vous me parlez des puissants jarrets de ces demoiselles qui dansent la tarentelle à la porte Angelica.
Mérimée, Lettres duchesse de Castiglione,1869, p. 91. 2. Partie de la jambe correspondant au jarret en tant qu'elle est le siège de la force de la jambe, et, p. ext., de la personne. Jarret d'acier, solide, souple, débile. Sir Williams vit entrer un homme de haute taille, (...) fort, robuste, les épaules carrées, le jarret sec et nerveux, l'œil plein de jeunesse (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 568).[Il] Gravit d'un jarret prompt les collines bleuâtres (Ch. Guérin, Cœur solit.,1904, p. 120). − Loc. adv. ♦ D'un coup de jarret. D'un seul élan, prestement. Au fig. Avec une souplesse d'acrobate qui enfourche au passage une pouliche échappée, il saisit le mot à la crinière, s'enleva dessus, d'un coup de jarret (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., 3, p. 157). ♦ À plein jarret (rare). En rassemblant toutes ses forces (pour marcher). Il nous fallut attaquer à plein jarret une route assez raide (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 56). − Loc. verb. ♦ Couper les jarrets à qqn. Retirer toute force à quelqu'un; empêcher d'agir. (Avoir) les jarrets coupés d'émotion, par l'émotion. Il avait pris bonne note de ses faux amis, des lâcheurs, qui, au cœur de la crise, avaient cherché à lui couper les jarrets (L. Daudet, Clemenceau,1942, p. 109): 2. Ton mot de ce matin me coupe les jarrets. J'en demeure étourdi, anxieux, et toute la sensation brusque de l'amitié brutale et intime qui se tend tout à coup en moi.
Valéry, Corresp. [avec Gide], 1924, p. 499. ♦ Plier les jarrets. Fléchir, céder. Il [François Hugo] a voulu traduire Shakespeare (...) il a jouté avec l'archange, et son jarret n'a pas plié (Hugo, Actes et par., 4, 1885, p. 382). ♦ Tendre le jarret. Se redresser sur ses jambes pour se donner belle prestance. Notre bonhomme du café restait debout pour tendre le jarret, bomber le torse et faire craquer ses souliers (Giono, Voy. Ital.,1953, p. 230). ♦ Donner, avoir du jarret. Donner, avoir de la résistance, de la vigueur physique. Il faisait un bon temps vif, avec de petits coups de vent qui donnaient du jarret à cette colonne de troupes fraîches (Benjamin, Gaspard,1915, p. 30): 3. L'aide-injecteur de Brown-Séquard disait à Daudet que les cobayes s'épuisant, on avait songé aux testicules de taureaux, mais qu'on avait appris que les toréadors les mangeaient pour se donner de la vigueur et du jarret.
Goncourt, Journal,1892, p. 280. Au fig. Son drame [de Dumas] a du jarret (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1843, p. 217).Avoir le coup de jarret de. Avoir la vigueur de. Ce parler sec, bref et nerveux qu'affectionne Montaigne, et qui, au besoin, a le coup de jarret du Basque (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 1, 1850, p. 405).− Arg., vieilli. (Verre d')eau-de-vie. [Le capitaine en demi-solde à son camarade rencontré :] Mais tu as dîné? Oui. Alors, un tour de jarret (D'Esparbès, Demi-soldes,1889, p. 191). B. − P. anal. 1. Partie de la patte postérieure de l'animal quadrupède, où elle plie et qui correspond au talon chez l'homme. Se dresser sur ses jarrets. Dans une autre expérience, on a inoculé dans une veine du jarret, à un premier chien, 1 centimètre cube de matière rabique (Pasteur, ds Travaux,1884, p. 386).Le bossu (...) attrapa une des biques par le jarret, la coucha par terre (Pourrat, Gaspard,1931, p. 105): 4. On se servait, pour les entortillages des catapultes, de tendons pris au cou des taureaux ou bien aux jarrets des cerfs. Il n'existait dans Carthage ni cerfs ni taureaux. Hamilcar demanda aux anciens les cheveux de leurs femmes; toutes les sacrifièrent...
Flaub., Salammbô, t. 2, 1863, p. 91. − En partic. [Chez le cheval] Partie du membre postérieur entre la jambe et le canon correspondant à l'articulation tibio-tarsienne, au tarse et à l'articulation tarso-métatarsienne. Les beautés du jarret comprennent : largeur, épaisseur, sécheresse, situation, ouverture, direction. Elles sont rarement réalisées toutes ensemble et le véritable beau jarret est rare (Tondra, Cheval,1979, p. 83). 2. Partie de la patte correspondant au jarret en tant qu'elle est le siège de la force de la patte et, p. ext., de l'animal. L'antilope aux jarrets légers courait moins vite (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 43).Il donna à la bête un bon picotin d'avoine mouillée dans du cidre, afin qu'elle eût le jarret ferme et l'œil brillant (France, Balth., Abeille, 1889, p. 276). 3. BOUCH. Morceau de viande correspondant à la jambe et à l'avant-bras (dans la patte postérieure ou antérieure). Jarret de bœuf, de mouton, de porc, de veau. Il y eut, comme plat de résistance, un étrange ragoût d'os (...) : « Du jarret à la Milanaise! Ce qu'en Italien on appelle ossa bucca [sic] » (Gide, Feuillets,1911, p. 349). C. − P. anal., ARCHIT., MENUIS. Bosse ou saillie rompant la continuité d'une ligne (généralement une courbe) ou d'une surface. Anton. (en parlant d'une pièce de menuis.) flache.On a fait pendant longtemps des sièges à jarret, des tables à jarret (Havard t. 3 1889).Un mouvement important du cintre peut produire dans la courbe d'intrados des jarrets (Degrand, Résac, Ponts en maçonn.,1887, p. 199).Il n'est pas possible de faire des jarrets dans le profil en long du rail pas plus que dans son plan (Bricka, Cours ch. de fer, t. 1, 1894, p. 39). Prononc. et Orth. : [ʒaʀ
ε]. [-ɑ-] ds Mart. Comment prononce 1913, p. 37 et Passy 1914. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1160-74 garez d'une pers. (Wace, Rou, éd. J. Holden, III, 939); ca 1170 id. d'un cheval (Rois, éd. E.R. Curtius, II, VIII, 4, p. 73); 1561 p. anal. archit. (Ph. Delorme, Inventions, fol. 12 vods Quem. DDL t. 4). Dér., au moyen du suff. -et*, du gaul. *garra « jambe » (cf. cymrique garr « jarret », a. irl. gairri « mollets », cornique gar, bret. garr « jambe », Dottin, p. 258, Thurneysen, p. 62), d'où l'a. prov. garra « jarret » (ca 1228, Chanson de la Croisade, éd. E. Martin-Chabot, 205, 27, t. 3, p. 198; xvies. ds Pansier t. 3), prov. garro (Mistral); v. aussi Hubschmid t. 1, p. 74. Fréq. abs. littér. : 371. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 373, b) 865; xxes. : a) 565, b) 455. Bbg. Archit. 1972, p. 107. |