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JANSÉNISME, subst. masc.
A. − HIST. RELIG., THÉOL. Doctrine chrétienne hérétique sur la grâce et la prédestination, issue de la pensée de Jansénius (exposée dans son ouvrage l'Augustinus en 1640, interprétation de la thèse de Saint Augustin) et selon laquelle, sans tenir compte de la liberté et des mérites de l'homme, la grâce du salut ne serait accordée qu'aux seuls élus dès leur naissance. Querelle du jansénisme et du molinisme; hérésie du jansénisme; condamnation du jansénisme; accusé, entaché, suspect de jansénisme; jansénisme frondeur, libéral, parlementaire; adversaires, luttes, ruine du jansénisme; bulles, brefs contre le jansénisme; influence du jansénisme. La morale austère du jansénisme (Ac.1835-1935).M. de Neercassel est la plus importante figure d'alors dans l'histoire de ce jansénisme d'Utrecht et de Hollande, frère jumeau (ou du moins issu de germain) de celui de Port-Royal (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 145).Il avait été élevé dans un séminaire de province, encore pénétré de jansénisme (Bourget, Disciple,1889, p. 84):
1. Le jansénisme qui enlève tout à l'homme pour ne diminuer en rien la puissance de l'être infini, et qui accoutume un jeune être à vivre dans le tremblement, a laissé plus de trace qu'on n'imagine, au fond de nos provinces. Mauriac, Vie Racine,1928, p. 10.
B. − P. méton.
1. [En parlant de pers.]
a) Ensemble des partisans de cette doctrine. Fareins, un village du Doubs, où se réfugia le jansénisme chassé de Paris, après la fermeture du cimetière de Saint-Médard (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 193).
b) Mouvement politique issu du jansénisme religieux, provoqué par l'opposition de Port-Royal à Louis XIV et qui se prolongea tout au long du xviiiesiècle. Le Jansénisme parlementaire du dix-huitième siècle n'est plus Port-Royal et n'y tient que par l'hostilité contre les Jésuites (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 17):
2. L'esprit de Port-Royal (...) se retrouve encore moins dans le Jansénisme tout politique qui fut et qui parut si considérable à un moment du dix-huitième siècle, et qui permettait à bien des gens d'être du parti sans être du dogme ni même de la religion. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5,1858,p. 593.
2. [En parlant d'un trait de comportement]
a) Austérité extrême, rigorisme inflexible dans la piété, la morale, les principes, et dans leur application. Synon. puritanisme.Il y a certainement un peu de jansénisme dans ce jugement moral qui veut rappeler les femmes au sérieux et à la pudeur (Alain, Propos,1914, p. 178).Mon sentiment a pour revers le néant, comme vos excès de jouissance ont pour revers le jansénisme (Montherl., J. filles,1936, p. 1049):
3. ... [il] avait montré dans de hautes fonctions judiciaires une souplesse modérée, interrompue çà et là brusquement par les raideurs d'une dignité professionnelle que rien ne faisait fléchir. On disait que, devenu l'homme de l'Impératrice et des ultramontains, le jansénisme des grands avocats, ses ancêtres, guindait parfois son âme. France, Orme,1897, p. 165.
b) Sévérité, rigorisme en matière d'art, de style. Ce jansénisme de nouvelle date, cette diminution de moyens, cette privation volontaire, ne peuvent pas ajouter à sa gloire (Baudel., Salon,1846, p. 181).Ce temps (...) est aussi dans le jansénisme, dans le besoin de pureté, de méditation et d'étude que l'histoire a trop effacé derrière le faste du grand siècle (Ménard, Hist. B.-A.,1882, p. 325):
4. ... le parti pris de ne pas dépasser l'objet et de l'exprimer tel qu'il est postule chez eux [les techniciens du nouveau roman] un vocabulaire rigoureux, un style sans bavure : ce jansénisme de l'expression qui faisait dire à leur chef de file (...) : « Colette écrit mal ». Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 222.
REM. 1.
Jansénisant, -ante, adj.,rare. Qui a des tendances jansénistes. L'obsession jansénisante, ou obsession de la grâce conçue comme un divin plaisir, comme une délectation victorieuse (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 565).Les oratoriens jansénistes ou jansénisants ont aussi beaucoup et bien travaillé à maintenir la tradition bérullienne (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 220).Emploi subst. Je lui demande comment le catholicisme des « jansénisants » s'accommode de la condamnation de Port-Royal par Rome (Green, Journal,1948, p. 225).
2.
Jansénisation, subst. fém.,hapax. Fait de devenir janséniste, d'avoir des tendances jansénistes. Si nous réduisions, au gré de nos préférences personnelles, la jansénisation première de Pascal (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 413).
3.
Janséniser, verbe trans.,hapax. Amener au jansénisme. Arnauld (...) par l'intermédiaire de l'esprit de secte (...) modifiera insensiblement (...) jansénisera, lui si peu janséniste, si peu tourmenté par la pensée d'un Dieu terrible, la vie intime d'un grand nombre (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920p. 296).Au part. passé à valeur adj. Imprégné de jansénisme. Dans son autobiographie [de la Mère Angélique] (...) quelque peu jansénisée (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920p. 183).
Prononc. et Orth. : [ʒ ɑ ̃senism]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1680 « doctrine sur la grâce professée par Jansénius » (Rich.); 2. 1794, févr. « austérité, rigueur morale » (Desmoulins ds Vx Cord., p. 202 : le jansénisme de républicain [en parlant de Caton]). Dér. du nom de Corneille Jansen, v. jansénien; suff. -isme*. Fréq. abs. littér. : 345. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 453, b) 690; xxes. : a) 141, b) 625.