| IRRÉDUCTIBLE, adj. A. − CHIR. Qu'on ne peut réduire, remettre en place. Fracture, luxation irréductible. Lorsque cette véritable hernie hémorroïdaire est irréductible elle constitue un étranglement hémorroïdaire (QuilletMéd.1965, p. 171). B. − 1. [En parlant de deux ou plusieurs choses mises en relation] Qu'on ne peut ramener, assimiler l'une à l'autre ou les unes aux autres. Chose irréductible à une autre chose; choses irréductibles les unes aux autres, mutuellement irréductibles; données, catégories, faits irréductibles. Si d'aventure il y avait deux ou plusieurs emplois [d'un mot] prépondérants et irréductibles, c'est qu'on aurait affaire à deux mots différents (Vendryes, Langage,1921, p. 233).Ce composé [de l'âme et du corps], du fait même que la matière qui en est partie substantielle est incommunicable à titre d'étendue, est par définition un exemplaire unique en soi, donc original et irréductible à tout autre (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 205): 1. ... distinguer nettement la notion de la probabilité philosophique d'avec celle de la probabilité mathématique, telle que les géomètres l'entendent ou doivent l'entendre; faire voir ce que ces notions ont de commun et en quoi elles diffèrent, au point d'être essentiellement irréductibles l'une à l'autre.
Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 125. − [Qualifiant un subst. au sing. et employé absol.] Qu'on ne peut assimiler à quoi que ce soit d'autre; qui a sa nature propre, spécifique, foncièrement originale. L'intérêt diffère du bien, car le bien est de soi-même irréductible (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 168).Dans les sciences expérimentales (...) la quantité n'y est de mise que pour faire ressortir ce que la qualité a toujours de propre et d'irréductible (Blondel, Action,1893, p. 75): 2. ... si nous avions le bonheur d'aborder aux époques lointaines, ce serait justement grâce à tout ce qui est dans notre œuvre irréductible, à ce qui nous appartient en propre, et jusqu'aux défauts qui nous limitent et nous empêchent d'arriver à la cheville de nos prédécesseurs.
Mauriac, Journal 2,1937, p. 155. 2. [En parlant d'une chose] a) Que l'on ne peut ramener à un état plus simple; qui ne peut être décomposé, divisé, analysé. Propositions, propriétés irréductibles. Prenez le mot je ou moi. Ce mot, au moins dans toutes les langues qui me sont connues, est irréductible, indécomposable, primitif (Cousin, Hist. philos. xviiies., t. 2, 1829, p. 300): 3. Cette analyse (c'est l'anatomie) a amené les biologistes à reconnaître que les êtres vivants sont, comme les corps bruts, constitués par des éléments, c'est-à-dire par des parties irréductibles, fixes dans leurs caractères que l'on ne peut plus décomposer.
Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 291. − Emploi subst. Il serait intéressant de pouvoir noter ce qu'il [Corot] n'indique pas dans ses paysages aussi bien que ce qu'il y indique, car son choix est réduit à l'irréductible (Green, Journal,1931, p. 35).Quel que soit le mode de production dont ils sont la résultante, la saveur d'un fruit, le bouquet d'un vin, le parfum d'une rose sont des irréductibles; et cette odeur de fumée et d'herbes rôties (...), elle est elle aussi une spécificité indivisible et un indéfinissable (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 43). − Spécialement ♦ CHIM. Qui ne peut être décomposé, ramené à ses éléments. Oxyde métallique irréductible. L'oxyde d'antimoine (...) est irréductible par la chaleur (Bouillet1859). ♦ MATH. Qu'on ne peut ramener à une expression plus simple. Équation, polynome irréductible. Ayant constaté que les nombres algébriques irrationnels ne sont approchés qu'assez grossièrement par des fractions irréductibles dont le dénominateur ne dépasse pas une certaine limite, il [Liouville] put construire des nombres qui, approchés de beaucoup plus près, sont nécessairement transcendants (Gds cour. pensée math.,1948, p. 111). b) Qu'on ne peut diminuer, restreindre, qu'on ne peut ramener à une quantité plus faible. Si je rentre en servitude, n'est-ce-pas pour arriver plus tôt à une pleine et irréductible liberté? (M. de Guérin, Corresp.,1836, p. 252).On peut imaginer des êtres plus étranges encore, et la partie commune entre les deux systèmes d'énoncés se rétrécira de plus en plus. Se rétrécira-t-elle ainsi en tendant vers zéro, ou bien restera-t-il un résidu irréductible qui serait alors l'invariant universel cherché? (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 244). − FIN. Rente irréductible. Rente dont on ne peut diminuer le taux d'intérêt. (Ds DG; dict. xxes.). Souscription (à titre) irréductible. Souscription des actionnaires anciens dont les demandes sont intégralement satisfaites lors d'une augmentation de capital. Les souscriptions à titre irréductible pour la récente augmentation de capital ont atteint 29 650 actions sur les 30 000 offertes (Le Monde,19 janv. 1952, p. 11, col. 2). C. − Dont on ne peut venir à bout. 1. [Appliqué à une chose] Qu'on ne peut résoudre, surmonter, faire disparaître. Synon. insoluble, insurmontable, invincible.Antinomie irréductible; différences, oppositions, conflits, contradictions irréductibles; difficulté, obstacle irréductible; haine irréductible. Mais tout à coup je me le rappelai [un vers], les irréductibles aspérités d'un monde inhumain s'anéantirent magiquement (Proust, Guermantes 1,1920, p. 38).Il se pourrait en effet que les philosophes s'abstinssent d'aborder les sujets dangereux en les jugeant irréductibles, réfractaires au maniement par la pensée (Nizan, Chiens garde,1932, p. 112): 4. D'autres, au contraire, pensent qu'il y a un antagonisme irréductible entre l'instinct de vérité d'où émane la science et l'instinct de beauté, source première de la poésie.
Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 99. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Quelle proposition de toutes les énigmes à la fois! L'irréductible est là (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 303). 2. [Appliqué à une pers. ou à une faculté de la pers.] Que l'on ne peut soumettre, vaincre ou convaincre. Synon. indomptable, inflexible, intraitable.Adversaire, opposant irréductible; caractère, volonté irréductible. L'inflexible, l'irréductible Arnauld en revenait toujours à son point et à sa ligne mathématique de vérité (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 64).Ainsi donc me vint ce litige dominant d'admirer pour moi l'homme soumis et l'homme irréductible qui montre ce qu'il est (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 601). − Emploi subst. Nous restions une poignée d'irréductibles au milieu d'une bande de malins décidés à tirer jusqu'au bout sur la ficelle (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 289): 5. Mais dans nos grandes villes elles-mêmes manque-t-il aussi de sauvages, c'est-à-dire d'irréductibles, engagés dans la protestation, − est-elle complètement illégitime? − de l'individu contre la règle?
Claudel, Échange,1954, p. 727. Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)edyktibl̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. a) 1672 [3eéd.] chim. mercure irréductible en corps métallique (Glaser, Traité de chymie, Paris, J. Dhoury, p. 70); b) 1690 math. (Journ. des sav., 578 d'apr. FEW t. 10, p. 183a); c) 1820 méd. (Nysten Suppl.); d) 1829 « qu'on ne peut ramener à une forme plus simple » mot ... irréductible (Cousin, loc. cit. ); 1851 irréductible à (Cournot, Fond. connaiss., p. 125); 2. a) 1851 « qu'on ne peut résoudre, faire cesser » contradictions irréductibles (Id., op. cit., p. 600); b) 1859 « qui n'admet pas de compromis, qu'on ne peut faire fléchir » (Sainte-Beuve, loc. cit.). Dér. de réductible*; préf. in-1*. Fréq. abs. littér. : 461. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9, b) 357; xxes. : a) 692, b) 1 344. DÉR. Irréductiblement, adv.a) D'une manière irréductible. Du moment que le corps est donné à la conscience de deux façons irréductiblement différentes, une réduction de la réalité du corps à un ensemble purement spatial (mécanique) doit être regardée comme ne présentant qu'un caractère phénoménal (G. Marcel, Journal,1914, p. 20).Unies pour revendiquer la liberté, l'aristocratie et la bourgeoisie se trouvaient irréductiblement en conflit sur l'égalité des droits (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 82).b) D'une manière inévitable; immanquablement, invariablement. Ayant admis que le virus était une molécule vivante, il sied cependant de lui décerner certains caractères qui l'accompagnent irréductiblement (P. Morand, Confins vie,1955, p. 160).− [iʀ(ʀ)edyktibləmɑ
̃]. − 1reattest. 1914 (G. Marcel, loc. cit. ); de irréductible, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 20. |