| INTÉRESSER, verbe trans. I. − [Correspond au sens vx de intérêt « dommage »] Atteindre, endommager (un organe) : 1. La baïonnette avait traversé le bras, près de l'épaule droite; et le pis était qu'elle avait pénétré ensuite entre deux côtes, intéressant sans doute le poumon. Pourtant, le blessé respirait sans trop de difficulté.
Zola, Débâcle,1892, p. 609. II. − [Correspond à intérêt I] A. − Qqc. intéresse qqn (individu, groupe ou institution).Être important, avoir de l'intérêt, des conséquences pour quelqu'un. Synon. concerner, toucher, avoir rapport à.Dans aucune science les progrès n'intéressent autant l'humanité que les progrès de la médecine (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 258).Il lui en coûtait beaucoup, à la pauvre petite, de garder un secret; mais elle ne le livrait à personne, parce que ce secret intéressait de la façon la plus intime la marquise (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 167).Je révélais donc que des raisons importantes et secrètes m'appelaient à Dijon, qui intéressaient la France et peut-être l'humanité (Sartre, Mots,1964, p. 90): 2. ... ma mère me sourit avec cette légère émotion dont, depuis qu'elle avait perdu sa mère, se revêtait pour elle tout événement, si mince qu'il fût, qui intéressait des créatures humaines capables de douleur, de souvenir, et ayant elles aussi leurs morts.
Proust, Fugit.,1922, p. 657. − P. anal. Intéresser la santé, les besoins de qqn; questions, documents qui intéressent la Sûreté de l'État. Toutes les occasions qui intéressent l'honnêteté (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 52).Les critiques de mon correspondant intéressent tout le système de pensée dont ce livre est le signe visible (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 13).− Ce que vous venez de me dire n'intéresse pas directement l'affaire et ne figurera pas au dossier (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 156). ♦ En partic. [Le compl. désigne un organe] L'odorat intéresse plus directement les viscères de respiration et de nutrition auxquels il est lié par la continuité des tissus (Alain, Propos,1921, p. 270). B. − Qqn (ou qqc.) intéresse qqn à qqc., dans qqc. 1. Faire que quelqu'un soit concerné par quelque chose, qu'il y ait intérêt; l'impliquer dans quelque chose, le mêler à quelque chose (généralement pour qu'il agisse, intervienne). Il avait horreur des momeries et il ne pouvait tolérer qu'on intéressât Dieu à des bagatelles (France, Étui nacre, Mém. vol., 1892, p. 186).Impossible d'emménager, parce que (...) le locataire actuel refuse de « vider les lieux ». Le gérant refuse d'agir. Il va falloir que j'intéresse la justice à cette sotte histoire et je me sens tout à fait ridicule (Green, Journal,1939, p. 216): 3. ... nous avions fait le nécessaire pour intéresser directement les Américains à la sécurité de l'Afrique française libre. Le 5 juin, je remettais au Ministre des États-Unis au Caire un mémorandum faisant ressortir que l'Afrique devrait être un jour une base de départ américaine pour la libération de l'Europe...
De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 158. ♦ Emploi pronom. réfl. S'intéresser à qqc.Se mêler (d'une affaire), intervenir (dans une affaire). Ce n'était que le prétexte. Sa visite avait un post-scriptum. Il est amoureux (...) et il me prie de m'intéresser à son mariage (Augier, Effrontés,1861, p. 338).S'intéresser pour qqn (vieilli).Intervenir en sa faveur. Le stoïque Brutus, ayant quelqu'affaire commune avec ce concussionnaire, s'intéresse pour lui auprès de Cicéron, qui ne peut s'empêcher d'en être indigné (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 583).S'intéresser pour + inf. (vieilli).Intervenir dans un certain but. J'ai pensé que lorsque le ciel aura disposé de moi, vous pourriez vous intéresser pour faire entrer mon enfant auprès de quelque personne honnête et charitable (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1663).S'étonnera-t-on maintenant de la réponse du Cardinal de Richelieu à M. le Prince, qui s'intéressait près de lui pour procurer la liberté de M. de Saint-Cyran (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1848, p. 24). − P. anal. Intéresser qqc. à, dans qqc.Faire participer, associer. Le vieil hébreu, qui tournait en même temps sur tous les points de l'auditoire un œil aussi brillant que mes escarboucles, (...) mais en évitant soigneusement d'intéresser la partie inférieure de son corps dans cette inspection circulaire (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 131). ♦ Emploi pronom. Plus l'effort de tension des cordes vocales est considérable dans la voix de poitrine, plus grande est la surface du corps qui s'y intéresse chez le chanteur inexpérimenté (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 46).De plus en plus le train se précipite (...) ça défile de chaque côté à toute vitesse (...). Mais, le plus apparent de la nuit : le large ciel, ne s'intéresse pas à cette vitesse; et quand il lève la tête, le chauffeur se sent désagréablement immobile (Giono, Poids du ciel,1938, p. 120). 2. Associer quelqu'un (à une affaire, une entreprise), lui donner une part (dans une affaire), le faire participer (aux bénéfices). Ce garçon (...) sortait d'une maison de parfumerie où l'on avait refusé de l'intéresser dans les bénéfices (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 56).Mais pour qu'elle épousât Gamelin, il aurait fallu que M. Blaise fît un sort à ce gendre pauvre, l'intéressât dans la maison (France, Dieux ont soif,1912, p. 36).Il voyait même là-dedans des traces de philanthropie car oui certes il intéresserait le vieux dans la nouvelle combinaison (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 104): 4. ... Métivier obtiendrait des traités avec les principaux journaux de Paris, dont la consommation s'élevait alors à deux cents rames par jour. Cointet intéressa naturellement Métivier, dans une proportion déterminée, à ces fournitures, afin d'avoir un représentant habile sur la place de Paris...
Balzac, Illus. perdues,1843, p. 745. − Emploi pronom. réfl. À Paris tout employé (...) joint les fruits d'une industrie aux produits de sa place afin de pouvoir exister. Il fait comme monsieur Saillard, il s'intéresse à un commerce en baillant des fonds (Balzac, Employés,1837, p. 71). ♦ En partic., vieilli. Payer sa part (d'une charge). L'invitation (...) leur a été faite en son nom, de s'intéresser dans la contribution patriotique (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 503). III. − [Correspond à intérêt II] A. − Qqc. intéresse qqn.Avoir une importance subjective pour quelqu'un, lui tenir à cœur. Mes affaires devaient intéresser Sara comme moi-même (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 90).Vous avez raison, quand vous me trouvez heureux de l'exercice d'un art qui m'amuse et m'intéresse réellement (Delacroix, Journal,1851, p. 440): 5. La pêche m'intéresse pas, je te dis! C'est la chasse, je vas te dire, c'est le lapin qui m'intéresse.
Genevoix, Raboliot,1925, p. 197. − Tournure impers. Il ne nous intéresse pas de vaincre, mais de comprendre. Nous préférons nous instruire que persuader (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 254).J'ai rencontré votre père la semaine dernière. Est-ce que ça vous intéresse encore d'avoir de ses nouvelles? (Sartre, Mains sales,1948, 4etabl., 4, p. 145). B. − Retenir l'attention de quelqu'un en répondant à ses penchants, sa curiosité, ses désirs. Synon. amuser, captiver, passionner; anton. ennuyer, laisser indifférent. 1. Qqc., qqn intéresse qqn.[Le suj. désigne la source de l'intérêt] La logique m'intéressa beaucoup, surtout sur les questions de certitude. Mais ce fut la métaphysique qui m'enleva (Dupanloup, Journal,1876, p. 34).Je sens que je n'intéresse plus mon temps, que l'heure est passée où j'occupais l'attention du public (Goncourt, Journal,1894, p. 681).Les questions qui intéressent les chroniqueurs et passionnent les romanciers sont celles qu'il [l'historien] laisse le plus volontiers de côté (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 63): 6. ... le plus impassible des écrivains (Leconte de Lisle ou Gustave Flaubert) peut intéresser [it. ds le texte] violemment ceux qui savent lire. Mais M. Coppée nous retient encore par d'autres raisons secrètes.
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 93. ♦ Par antiphrase, fam. Continue, tu m'intéresses (expression marquant le peu d'intérêt qu'on accorde aux propos de quelqu'un). − Continue, tu nous intéresses, dit Petit-Pouce qui, plus âgé que les deux autres, employait parfois des expressions démodées (Queneau, Pierrot,1942, p. 130). ♦ Expr. Ce qui intéresse (qqn) dans qqc., chez qqn, c'est... Ce qui nous intéresse chez Malraux, c'est l'attitude intérieure (Mauriac, Journal 2,1937, p. 148).Stendhal (...) est un romancier de l'ambition bien plus que de l'amour. Ce qui l'intéresse dans l'amour, c'est la conquête (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 108). − [Avec effacement du compl. d'obj.] Un sujet intéressant ne peut parvenir à intéresser quand il est traité par une main malhabile : ce qui semble au contraire le moins fait pour intéresser intéresse et captive sous une main savante et grâce au souffle de l'inspiration (Delacroix, Journal,1857, p. 47).V. article ex. 5. − Intéresser + compl. second. indiquant la caractéristique qui attire l'attention sur qqc. ou qqn.Il compare Walter Scott, qui intéresse par les conversations et les descriptions, à Scarron qui met tout en action (Goncourt, Journal,1860, p. 694).Je suivais Justine dans ses travaux quotidiens avec une curiosité qui ne se lassait jamais. (...) Justine m'intéressait par ses façons guerrières et parce que toutes ses entreprises domestiques prenaient le caractère d'une lutte incertaine et terrible (France, Pt Pierre,1918, p. 213). − [P. méton., le compl. d'obj. désigne une faculté, un sentiment, un attribut de la pers.] Faire impression (sur cette faculté) et provoquer une réaction d'intérêt. Intéresser la curiosité, la pensée, les regards. Mille bibelots précieux, statuettes de métal et d'ivoire, assiettes peintes, pendules en forme de temples ou de lyres, intéressent les yeux (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 104): 7. Tout cela crée, en face de l'intellectuel sensible, un univers tout en profondeurs que sa jalousie voudrait sonder et qui ne sont pas sans intéresser son intelligence.
Proust, Fugit.,1922, p. 616. 2. [Le suj. désigne une pers. dont l'action, les œuvres retiennent l'attention de qqn] a) Qqn intéresse qqn.Le philosophe intéresse le peuple, lorsque toutefois il réussit à s'en faire comprendre, le poète le touche et l'enchante (Proudhon, Guerre et Paix,1861, p. 58). − Intéresser + compl. second. indiquant le moyen (le compl. d'obj. peut être effacé).Il intéresse avec des chiffres (...). Les questions financières sont par elles-mêmes aussi intéressantes que toutes les autres grandes questions (France, Vie littér.,1888, p. 19). ♦ [P. méton., le compl. d'obj. désigne une faculté] L'auteur (...) a entrepris d'intéresser vigoureusement l'attention avec un sujet en apparence aussi monotone que la description d'une ivresse (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 391). b) Qqn intéresse qqn à qqc.[Le compl. second. précise l'objet de l'intérêt] Amener quelqu'un à prendre intérêt, goût à quelque chose. Intéresser qqn à ses découvertes, à des études, à une lecture, à un livre, à un auteur, à une activité, à un sport. Elle imaginait des moyens de me distraire, de m'étourdir, de m'intéresser à des occupations sérieuses et de m'y fixer (Fromentin, Dominique,1863, p. 198).Il essayait d'intéresser les officiers à ses doléances politiques. Il constatait chez eux une parfaite indifférence pour tout ce qui le passionnait (Vogüé, Morts,1899, p. 264).Ne pouvant l'intéresser à mes travaux, de toutes mes forces je m'intéresse aux siens (Renard, Journal,1901, p. 687): 8. Pour intéresser un Français à un match de boxe, il faut lui dire que son honneur national y est engagé; pour intéresser un Anglais à une guerre, rien de tel que de lui suggérer qu'elle ressemble à un match de boxe.
Maurois, Silences Bramble,1918, p. 10. − [Avec effacement du compl. d'obj.] Une œuvre est faite par une multitude « d'esprits » et d'événements (...). Il faut ruser ici; et là, passer; il faut retarder, éconduire, supplier de venir, intéresser à l'ouvrage (Valéry, Litt.,1930, p. 109). − [P. méton., le compl. d'obj. désigne une faculté de la pers.] Je me tâte, je me pince, je cherche à exciter ma pensée, à l'intéresser à quelque chose (Maine de Biran, Journal,1816, p. 139). ♦ Intéresser + compl. second. indiquant le moyen.D'où lui viennent [à l'homme] tous ces soins d'orner ses habitations, et d'y intéresser sa vue par mille objets d'agrément et de surprise? (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 153). c) Emploi pronom. réfl. − S'intéresser à qqc.S'intéresser à une discussion, à un jeu, à une lecture, à un objet, à la politique, à son travail, à tout, aux progrès de la science. Aucun plaisir ne me trouve indifférent : je m'intéresse à mon allée de pommiers, à mes plants de framboises, à mes carrés de légumes. Un rien m'occupe, un rien me charme (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 451).Malheureusement, je n'ai jamais pu m'intéresser à la métaphysique (France, Pt Pierre,1918, p. 9).Brichot ne soupçonnait pas qu'on pût s'intéresser à une robe et à un jardin comme à une œuvre d'art (Proust, Sodome,1922, p. 1056): 9. − ... Il ne sera répondu à aucune demande si elle n'est pas exprimée dans la langue de Disraëli (...). Telle est la meilleure méthode pour contraindre les enfants à s'intéresser aux langues étrangères.
H. Bazin, Vipère,1948, p. 48. ♦ [Avec une prop. rel.] Brusquement elle sembla commencer à comprendre et à s'intéresser à ce que je m'efforçais de lui enseigner depuis tant de jours (Gide, Symph. pastor.,1919, p. 889).Je ne m'intéresse pas à ce que sont les gens, je m'intéresse à ce qu'ils font (Malraux, Espoir,1937, p. 573). − S'intéresser + prép. + inf. ♦ S'intéresser à.Je m'intéresse à voir en vous l'image de la jeunesse (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1843, p. 43).Charles d'Este s'intéressa à les considérer [les masques] longuement (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 195). ♦ S'intéresser de (vieilli).À peine débarquée de Russie, elle [la princesse Marina] ne s'intéressait que de connaître les adresses des fournisseurs élégants (Barrès, Enn. Lois,1893, p. 45). − Absol. Impossible de demeurer assis devant un papier ou un livre, je ne comprends plus, je ne m'intéresse plus, impossible d'écrire (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1894, p. 207).Mon intelligence pourrait s'intéresser ailleurs qu'en Lorraine, mais mon cœur y demeure tout (Barrès, Cahiers, t. 3, 1904, p. 268). C. − Éveiller chez quelqu'un un sentiment de bienveillance, de sympathie, de pitié ou, en particulier, un sentiment tendre proche de l'amour. 1. Qqn, qqc. intéresse qqn.[Le suj. désigne la pers., la chose qui est l'objet de l'intérêt] Synon. émouvoir, toucher; anton. laisser froid, indifférent.Un procès qui intéresse toutes les âmes sensibles et toutes les familles doit aussi fixer leur attention (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 341).Émigration, mendicité, abattement moral, dégradation (...). Le mari et la femme demandant ensemble, tirant parti de leurs jolis enfants pour intéresser le voyageur (Michelet, Journal,1834, p. 123).Restez donc, jeune homme (...). Vous en serez quitte pour écouter cette pauvre femme et elle vous saura gré d'un petit moment de complaisance; elle se doute bien que ses malheurs n'intéressent personne (Becque, Corbeaux,1882, III, 5, p. 178): 10. Je ne sais si votre altesse s'est aperçue à quel point cette dame ici présente est éprise de nous. Une complaisance du cœur. Un tendre sentiment (...). On intéresse facilement ces dames un peu fortes qui commencent à prendre de l'âge.
Claudel, Soulier,1944, 2epart., 5, p. 1062. − [Avec effacement du compl. d'obj.] Je suis toujours dans le même état (...). Assez atteint toutefois pour intéresser (Verlaine, Corresp.,1887, p. 217). − Intéresser + compl. second. indiquant la particularité qui suscite l'intérêt.Celle-ci vous intéressera par ses malheurs, elle paraîtra la plus douce et la moins exigeante des femmes (...). Celle-là tentera de vous intéresser par sa soumission (Balzac, Lys,1836, p. 168).Beaucoup de visages intéressent d'abord par des signes, offrant au premier regard une bonté, une finesse, une gravité, une attention de politesse (Alain, Beaux-arts,1920, p. 231). − [P. méton., le compl. désigne le siège de l'affectivité, un sentiment] Toucher. Si j'avais paru armée de mon luxe, couverte de bijoux et d'émaux, debout sur mon char d'or, suivie de mes nombreux esclaves, j'aurais peut-être intéressé sa vanité, sinon son cœur (Gautier, Rom. momie,1858, p. 289).À la Chambre, la droite catholique ne prétend plus qu'à la morale, la gauche socialiste prétend connaître l'univers, etc., la science : deux chants qui peuvent intéresser ma sensibilité, deux âmes qui croient (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 119).Je veux qu'en dépit de sa bassesse vous le preniez en pitié; je veux qu'il intéresse votre cœur (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 11). 2. [Le suj. désigne un fait, une particularité qui fait naître l'intérêt] a) Qqc. intéresse qqn.Ces plaintes, quoique égoïstes en apparence, intéressaient Armance; les yeux d'Octave exprimaient tant de possibilité d'aimer (Stendhal, Armance,1827, p. 40).Ma figure, ma jeunesse, mon enthousiasme, mon isolement au milieu d'un pays inconnu, avaient intéressé un de mes compagnons de voyage (Lamart., Confid., Graziella, 1849, p. 137). − Absol. Sa tristesse arrangée, mais réelle, intéressait (France, Vie fleur,1922, p. 513). b) Qqc. intéresse qqn + compl. second. désignant l'objet de l'intérêt : une pers. ou ce qui la touche. − Intéresser pour (vieilli).Seigneur don Juan, poursuivit-elle en rougissant, je dois vous avouer que votre bravoure m'a intéressée pour vous au dernier point (Mérimée, Âmes Purg.,1837, p. 333). − Intéresser en faveur de.Il est bien étonnant, Monsieur, que vous vous permettiez de maltraiter chez moi un homme à qui j'accorde ma protection : cette conduite révoltante m'intéresse autant en sa faveur qu'elle m'indispose contre vous (Guilbert de Pixér., Coelina,1801, I, 17, p. 23).Je résolus de profiter des moments pour tenter une dernière ressource; c'était de me présenter devant ces dames, et de m'efforcer, en leur laissant voir toute l'ardeur et la sincérité de mes sentiments, de les intéresser en ma faveur (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 247). − Intéresser à.Toujours il conserve dans les affaires publiques les qualités qui ont rendu sa vie militaire si brillante. Ces belles et dangereuses qualités intéressent à sa destinée; on ressent pour lui des craintes que son âme intrépide ne sauroit jamais éprouver (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 33).Seule son infâme ingéniosité m'intéressait à elle, et je la lui reprochais (Barrès, Homme libre,1889, p. 206). 3. a) Qqn intéresse qqn à + compl. second.[Le suj. désigne une pers. agissant de manière à amener quelqu'un à prendre de l'intérêt pour qqn, le compl. second. désigne l'objet de l'intérêt] On me fait lire deux dépêches d'une femme, scandaleusement riche, qu'on avait essayé d'intéresser à mon sort (Bloy, Journal,1894, p. 114).Il dit qu'il est allé à Paris et qu'il est parvenu à intéresser à votre cas quelqu'un de très bien placé (Aymé, Uranus,1948, p. 158): 11. Lorsque sa voix si douce en des sons si touchans
S'écrie : Heureux vieillard, tu conserves tes champs!
Combien il [Virgile] m'intéresse à ce vieillard champêtre!
Ce verger qu'il planta, ce toit qui le vit naître,
J'y crois être avec lui...
Delille, Homme des champs,1800, p. 144. − [P. méton., le compl. d'obj. désigne le siège de l'affectivité] Je viens solliciter votre charité pour une de vos compatriotes, une pauvre artiste russe échouée à Paris, où elle se trouve dans le dernier dénuement (...). Je suis venue, sûre d'intéresser votre cœur à cette infortune (Vogüé, Morts,1899, p. 328). b) Emploi pronom. réfl. S'intéresser à qqn, à ce qui le concerne.S'intéresser à la détresse, à la peine, au sort, aux chagrins, aux souffrances de qqn. Jeune homme, je m'intéresse à vous; je veux faire votre bonheur. Je vous prendrai pour compagnon (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 334).Jean, sans les avoir jamais vus, finissait par s'intéresser à certains blessés. Il demandait de leurs nouvelles (Zola, Débâcle,1892, p. 502).Puisque vous voulez bien vous intéresser à cet enfant, lui dit-elle, grondez-le. Il vous écoutera mieux que moi. Faites-lui comprendre le tort qu'il se fait en négligeant ses études (France, Vie fleur,1922, p. 337): 12. Ne compte nullement qu'on s'intéresse à toi, à tes soucis, à tes inquiétudes, à tes besoins; oublie-toi, mais prouve que tu t'intéresses au bonheur du prochain.
Amiel, Journal,1866, p. 309. D. − Qqn intéresse qqc. − Intéresser sa vie (rare). Donner de l'attrait à sa vie, la rendre intéressante : 13. ... madame de Rias (...) avide d'intéresser et de passionner sa vie, était moins disposée que toute autre à goûter les simples douceurs d'une mutuelle sympathie.
Feuillet, Mar. monde,1875, p. 20. − JEUX. Intéresser une partie. Lui donner un enjeu. Ils jouaient aux cartes, aux dés, aux dominos, gagnaient et perdaient de petits objets pour intéresser leur partie (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1077).La perspective de gagner les pièces blanches destinées à intéresser la partie faisait trembler le cornet dans sa main lors des coups décisifs (Bourget, Disciple,1889, p. 140). Prononc. et Orth. : [ε
̃teʀ
εse], (il) intéresse [ε
̃teʀ
εs] ou p. harmonis. vocalique à l'inf. [ε
̃teʀese]. Noter que devant s double l'e protonique a plus de chance de conserver le timbre ouvert (cf. Buben 1935, § 49, 50). [e] est donné ds Pt Rob. et ds Warn. 1968 en ce qui concerne le lang. cour. Pour les dict. anc. ds Fér. Crit. t. 2 1787 et Gattel 1841. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1356, 3 mars « faire tort à, compromettre » dr. les parties interessées « compromises, lésées » (Ordonnance ds Isambert, Recueil gén. anc. lois fr., t. 4, p. 859); b) av. 1590 méd. « atteindre, léser un organe » (Paré, I, 29 ds Littré); 2. a) 1588 « retenir l'attention, captiver l'esprit, le cœur de qqn » (Montaigne, Essais, III, IX, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 975); 1718 interessant (Ac.); b) 1636 s'intéresser pour (qqn) « porter intérêt à quelqu'un, lui être favorable » (Corneille, Cid, II, 2); 3. a) 1595 « engager envers quelqu'un; obliger, lier vis-à-vis de quelqu'un » (Montaigne, Essais, I, XXI, éd. citée, p. 95); b) 1634 comm. intéressé « associé » (Déclar. nov. ds Rec. gén. anc. lois fr. t. 16, p. 415 ds Kuhn, p. 162); 1675 « faire entrer qqn ds une affaire de sorte qu'il ait part au profit » (J. Savary, Le Parfait négociant, p. 395); c) 1666 « inspirer de l'intérêt, de la bienveillance » (Molière, Misanthrope, II, 1); 4. 1636 intéressé « qui a un intérêt (moral), qui est concerné » (Corneille, Cid, II, 3); 1748 « être de quelque importance pour, concerner » (Montesquieu, Esprit des lois, XXVI, XIII ds
Œuvres, éd. R. Caillois, t. 2, p. 762); 5. av. 1648 [prob. 1636] intéressé « trop exclusivement attaché à ses intérêts » (Voiture ds
Œuvres, éd. 1713 t. 1, p. 170). Dér. de intérêt* d'apr. le lat. interesse, v. intérêt. Fréq. abs. littér. : 5 651. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 641, b) 5 683; xxes. : a) 8 651, b) 10 971. |