| INTERPELLER, verbe trans. A. − 1. Qqn interpelle qqn.Appeler quelqu'un; lui adresser la parole (d'une manière brusque) pour attirer son attention, lui demander quelque chose ou l'insulter. On s'excusait près des morts de ne pouvoir les honorer comme le prescrivaient les rites (...); on les interpellait, on leur demandait ce qu'ils désiraient (Flaub., Salammbô, t. 2, 1863, p. 57).La conversation étant tombée sur la mode, M. de Plouguern, par malice, interpella Clorinde au sujet de la nouvelle forme des chapeaux (Zola, E. Rougon,1876, p. 164): 1. Je trouvai, à la sortie, une espèce de cocher à face rubiconde et bourrue, qui m'interpella :
− C'est-y vous qu'êtes la nouvelle femme de chambre de M. Rabour?
− Oui, c'est moi.
Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 15. ♦ Emploi pronom. réciproque. Les combattants se connaissaient tous par leurs noms. Ils s'interpellaient de loin à la façon des héros d'Homère (About, Roi mont.,1857, p. 266).Ils [les domestiques, mécontents] flânaient, s'interpellaient l'un l'autre et s'excitaient à quitter le travail (R. Bazin, Blé,1907, p. 303). − P. métaph. Par-dessus la petite ville, le clocher avec ses trois cloches interpelle le cimetière : Ô morts, nous pensons à vous (Barrès, Cahiers, t. 9, 1912, p. 418). 2. P. anal. a) Qqn interpelle qqc./qqn (littér.).Adresser un message à. Synon. interroger.Homme (...), Quelle manie, atome en proie aux purgatoires, As-tu d'interpeller les cieux? (Hugo, Religions et religion,1880, p. 207): 2. Au temps des Grecs, (...) la fatalité régnait sur les hauteurs. Mais elle était inaccessible et nul n'osait l'interroger. Aujourd'hui, c'est elle qu'on interpelle (...). On ne s'arrête plus aux effets du malheur, mais au malheur lui-même, et l'on veut savoir son essence et ses lois.
Maeterl., Trésor humbles,1896, p. 188. − [P. méton. du suj.] Mais à qui n'est-il pas arrivé (...) d'être soudainement interpellé par la voix d'un souvenir qui se dresse souvent trop tard (Balzac, Contrat mar.,1835, p. 284). b) Qqn, qqc. interpelle qqn.Provoquer l'attention de; exiger une réponse, une prise de position de. La détresse morale des personnes âgées nous interpelle à tout instant (Lar. Lang. fr.). − [P. méton de l'obj.] Assurant les grévistes de la faim de son soutien fraternel, il ajoute : « Geste spectaculaire et vain, dira-t-on peut-être. Non, s'ils réussissent à interpeller nos consciences (...) » (L'Express,27 juill. 1970, p. 39, col. 3). B. − Spécialement 1. DR. PÉNAL. Poser (à un individu) une ou des questions précises au cours d'une enquête, d'un contrôle de police et éventuellement mettre en état d'arrestation. Le 30 mai 1979, une opération de grande envergure avait eu lieu au parc départemental de Nanterre : la police avait interpellé, à titre préventif, une cinquantaine de jeunes, dont certains n'avaient pas treize ans (Le Monde,31 mai 1980, p. 41). 2. DR. CIVIL. Interpeller de + inf.Mettre (quelqu'un) en demeure de. M. Dubois de Crancé est interpellé d'administrer la preuve de ce fait (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 359). 3. DR. CONSTIT. Interpeller (sur qqc.).Sommer (le gouvernement, un ministre) de s'expliquer (sur une action, une conduite politiques). Dans quelle bataille je vis! Pendant que Millerand interpelle le ministre Bourgeois à propos de l'interdiction de La Fille Élisa, moi, je travaille à ma préface à l'encontre de Renan (Goncourt, Journal,1891, p. 23).En 1867, le droit d'interpeller les ministres remplaça celui de voter une adresse (Lidderdale, Parlement fr.,1954, p. 29). Rem. V. interpellation rem. Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀpəle], [-pε-], ou [-pe-], (il) interpelle [-pεl]. Fér. Crit. t. 2 1787, Gattel 1841, Nod. 1844, Besch. 1845 [-pεlle]. Att. ds Ac. dep. 1694 (1798-1878 : ,,on prononce les deux l``). Étymol. et Hist. 1. 1364-73 interpeller aide « invoquer » (Bersuire, T.-Liv., ms. Ste-Gen., fo84b ds Gdf.), attest. isolée; 2. 1534 « couper la parole à quelqu'un, interrompre » (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saunier, IX bis, p. 64, 218); 3. fin xvies. « sommer quelqu'un, le mettre en demeure de s'expliquer sur les faits » (Visions advenues au sultan Amurat ds Variétés histor. et litt., éd. E. Fournier, III, 209); plus gén. 1780 « poser une question » interpellé du fait (Mirabeau, Lettres, t. 4, p. 222); 4. 1790 pol. (MmeRoland, Let., t. II, p. 363 ds Brunot t. 9, p. 778, note 1). Empr. au lat. class.interpellare « interrompre quelqu'un, déranger, troubler », l'emploi jur. s'est développé à partir de l'époque impériale (v. TLL s.v. 2242, 32 sqq.). Fréq. abs. littér. : 518. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 247, b) 650; xxes. : a) 1 023, b) 1 024. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 326. - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1917-18, t. 30, pp. 149-150. - Quem. DDL t. 17. - Raymondis (L.M.), Le Guern (M.). Le Lang. de la just. pénale. Paris, 1976, p. 86. |