| INTERFÉRER, verbe I. A. − PHYS. Emploi intrans. Produire un phénomène d'interférence. Vibrations qui interfèrent; faire interférer deux rayons. Si deux rayons lumineux s'éteignent par places, ou si deux sons continus deviennent muets par moments, c'est grâce aux vitesses des deux séries d'ondes propagées qui, par places ou par moments, interfèrent et s'annulent (Taine, Intell.,1870, p. 424).À l'aide de (...) divers dispositifs [excitateurs et résonateurs sensibles] on a pu (...) avec les oscillations électriques (...) montrer que ces ondes sont susceptibles d'interférer, de présenter le phénomène de la double réfraction, etc. (Turpain, Applic. prat. ondes électr.,1902, p. 34). − Interférer avec.L'écoute de l'onde diffractée se trouve sérieusement gênée et réduite, l'onde réfléchie interférant avec elle à partir d'une certaine distance de l'émetteur (Matras, Radiodiff. et télév.,1958, p. 67). B. − Au fig. [En parlant de deux ou de plusieurs choses, et plus rarement, de deux ou de plusieurs pers.] Se rencontrer, se combiner, agir conjointement, souvent d'une manière propre à se modifier, se renforcer ou se contrarier. 1. Emploi intrans. Le nombre maximum d'événements qui peuvent surgir d'un nombre déterminé de personnages interférant au maximum entre eux (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 784).Interférant entre eux, les résultats se neutraliseront ou se renforceront mutuellement; il y aura vérification et correction réciproques (Bergson, Deux sources,1932, p. 292): Le passé, le présent et l'avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s'opposant, parfois s'excitant l'un l'autre.
Bachelard, Poét. espace,1957, p. 26. − Interférer avec.Pour le disciple des économistes classiques, le respect de l'idée de nation en politique générale n'interférait en rien avec la conception d'une harmonie supérieure obtenue dans la poursuite des seuls intérêts privés (Univers écon. et soc.,1960, p. 34-05).Aux Pays-Bas, les divisions religieuses ont interféré avec les oppositions politiques (Traité sociol.,1968, p. 39). 2. Emploi pronom. réciproque. Ses deux courants intellectuels [de Paul Bourget] du dedans au dehors, du dehors au dedans, se complètent et ne s'interfèrent point (L. Daudet, Entre-deux-guerres,1915, p. 253).Nos désirs vont s'interférant et, dans la confusion de l'existence, il est rare qu'un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l'avait réclamé (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 489). Rem. Cet emploi est critiqué par les grammairiens (cf. Colin 1971). 3. Rare, emploi trans. dir. Amener en contact, superposer, combiner. Notre vie étant si peu chronologique, interférant tant d'anachronismes dans la suite des jours (Proust, J. filles en fleurs,1918p. 642). − Part. passé en emploi adj., hapax. Je la voyais aux différentes années de ma vie, occupant par rapport à moi des positions différentes qui me faisaient sentir la beauté des espaces interférés (Proust, Prisonn.,1922, p. 69). II. − Emploi intrans. Interférer dans.Intervenir, s'immiscer dans, se mêler de. Il a resserré nos limites, attenté à notre intérieur, interféré dans nos plus petits détails domestiques (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 425).Le Gouvernement de Sa Majesté britannique a jugé pouvoir intervenir dans cette matière. Vous avez bien voulu me faire connaître que ce Gouvernement, tout en ne voulant pas interférer dans la composition du Comité national français, entendait voir maintenir l'amiral Muselier au poste de commandant en chef des forces navales françaises libres (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 657). − [Sans compl.] Encore serait-ce au prince régent à s'en apercevoir, à interférer, sous peine d'être noté de fainéant ou de protéger une vulgaire méchanceté (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 490). Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀfeʀe], (il) interfère [ε
̃tε
ʀfε:ʀ]. Conjug. : devant syll. muette change é [e] en è [ε]. Étymol. et Hist. 1. 1819 phys. (Arago et Fresnel, v. interférence); 2. 1823 « intervenir » (Las Cases, op. cit., p. 490). Empr. à l'angl.to interfere « se frapper l'un l'autre, s'entrechoquer » d'où « s'entremêler, conjuguer ses effets » (d'où, plus spéc. comme terme de phys. chez Th. Young, 1801 ds NED) puis « s'immiscer, s'ingérer » et plus gén. « intervenir » (dep. le xviieet xviiies. ds NED), empr. à l'a. fr. s'entreferir « se frapper l'un l'autre, s'entrechoquer » (dep. ca 1165, Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 24345), composé de entre-* et de férir*. Fréq. abs. littér. : 29. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. de Philol. fr. 1917-18, t. 30, p. 149. - Quem. DDL t. 20. |