| INTELLECTUALISER, verbe trans. Littér. Qqn. intellectualise qqc.Soumettre quelque chose aux opérations de l'intelligence, le réduire à des éléments intellectuels. Intellectualiser la littérature, la poésie. Locke, suivant ses expressions [de Kant], sensualisait les notions, et Leibnitz intellectualisait les sensations (Cousin, Hist. philos. mod., t. 1, 1847, p. 107).Vous voulez intellectualiser, rationaliser, mécaniser la vie (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 249).− Absol. Je raisonne, j'intellectualise, je suis un déraciné, plongé dans les mots, dans les idées, c'est-à-dire dans un pur néant (Barrès, Cahiers, t. 4, 1904, p. 15). − Plus rare. Qqc. intellectualise qqc.À un homme fort, du moment que le plaisir n'est pas intellectualisé par le sentiment ou l'imagination, on s'avilit à pure perte (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1836, p. 43).Ce que l'on a éprouvé (...) on ne sait pas ce que c'est tant qu'on ne l'a pas approché de l'intelligence. Alors seulement quand elle l'a éclairé, quand elle l'a intellectualisé, on distingue, et avec quelle peine, la figure de ce qu'on a senti (Proust, Temps retr.,1922, p. 896). − Emploi pronom. réfl. Qqc. s'intellectualise.Se réduire à des éléments intellectuels. Le concept d'âme s'y est en effet intellectualisé [dans la philosophie de Spinoza] au point de se définir comme l'idée du corps humain (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 51).L'image, au contraire, s'appauvrit quand elle essaie de s'intellectualiser (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 239): Ainsi, le même mouvement qui porte l'esprit à se déterminer en intelligence, c'est-à-dire en concepts distincts, amène la matière à se morceler en objets nettement extérieurs les uns aux autres. Plus la conscience s'intellectualise, plus la matière se spatialise.
Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 190. ♦ Plus rare. Qqn s'intellectualiseÉlever son niveau intellectuel, s'adonner à des activités intellectuelles. [Le suj. est un collectif] Il [Voltaire] constate que la France s'intellectualise et que l'intelligence, à force de devenir monnaie-courante, disperse un trésor jalousement gardé jadis par quelques-uns (Cocteau, Poésie crit.I, p. 332).Développer son aptitude pour les activités intellectuelles, devenir plus intellectuel (v. ce mot B 1 a). Sous l'influence de vos livres (...) je m'étais intellectualisé de plus en plus. Je croyais, comme je vous l'ai raconté tout à l'heure, avoir renoncé définitivement à cette morbide curiosité des passions (Bourget, Disciple,1889, p. 117). REM. Intellectualisant, -ante, adj.,péj. Qui intellectualise. Revue intellectualisante (Montherl., Demain,1949, II, 4, p. 731).Certaines galeries d'art poussaient leur activité jusqu'aux milieux de théâtre « intellectualisant », de music-hall « esthétisant » (Arts et litt.,1936, p. 76-4). Prononc. : [ε
̃tεl(l)εktɥalize], [-telεk-], (il) intellectualise [ε
̃tel(l)εktɥali:z], [-telεk-]. Cf. intellect. Étymol. et Hist. 1801 (Villers, Kant, p. 133 ds Littré); 1862 s'intellectualiser (Lélut, Phys. de la pensée, t. II, p. 28, ibid.). Dér. sav. de intellectuel*; suff. -iser*. Fréq. abs. littér. : 34. |