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INSUPPORTABLE, adj.
A. − [En parlant d'une chose] Qu'il est presque impossible ou très difficile de supporter, d'endurer, au physique ou au moral. Synon. atroce, cruel, intenable, intolérable; anton. agréable, supportable, tolérable.Cette chemise de bure, insupportable dans les chaleurs de l'été, produisait des fièvres et des spasmes nerveux (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 578).Étienne, qui avait refusé de manger sa part, au coron, éprouvait dans la poitrine une sensation insupportable d'arrachement (Zola, Germinal,1885, p. 1417).Une croisière en Baltique. Elle y subit, solitaire, une insupportable torture morale (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 244):
1. Le renard (...) choisit son gîte et... s'oublie abondamment. La puanteur est insupportable. Le blaireau revient, l'odeur nauséabonde le saisit, il recule et il fuit. Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 92.
SYNT. Chaleur, démangeaison, douleur, odeur insupportable; bruit, fardeau, malaise, poids insupportable; éclat insupportable; élancements, maux insupportables; peine, souffrance, tension insupportable; joug, supplice, tourment insupportable.
Insupportable à + subst. déterminé.Dans la réverbération du gaz (...) on distinguait un feu sans relief, insupportable aux yeux : le soleil à midi (Hamp, Champagne,1909, p. 98).
B. − P. ext. Qui est extrêmement désagréable, qu'on ne peut souffrir. Synon. exaspérant, imbuvable (fam.), insoutenable, infernal.
1. [En parlant de choses] Spectacle insupportable; absence, attente insupportable; incertitude, doute insupportable; trouver la vie insupportable (synon. détestable, haïssable, odieuse); ennui, insupportable; d'une lenteur, d'une longueur insupportable. Rien d'insupportable comme un public qui arrive au milieu du concert (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 569).Geneviève se tait. La pendule fait un tic tac insupportable (Saint-Exup., Courr. Sud,1928, p. 30):
2. ... la compagnie du seul Cabillaud le soumettait à un supplice de silence insupportable. Aucune conversation n'était possible avec ce niais. Il n'était même pas décent de parler tout seul devant lui. Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 77.
Insupportable à + inf.Le système de conventions dont je parlais tout à l'heure se fait comique, sinistre, insupportable à considérer, presque incroyable! (Valéry, Variété II,1929, p. 66).
(Être, paraître, devenir) insupportable à (qqn).[Le compl. est gén. un pron. pers., très souvent de la 1repers. du sing.] Cette idée m'est insupportable; la vie m'est (devenue) insupportable. Les lenteurs du café et du pousse-café si douces aux campagnards m'étaient insupportables (France, Vie fleur,1922, p. 406).Tout à coup, l'atmosphère de la maison lui était devenue insupportable. « Je vais aller faire un tour dehors... » (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 180):
3. Le christianisme sans la croix n'est qu'une rêverie de philosophe, mais personne ne veut de la croix. Même la représentation du Christ en croix est insupportable à certains. Beaucoup d'orthodoxes et de protestants n'en veulent pas. Green, Journal,1948, p. 177.
Insupportable de + subst. non déterminé (indiquant la nature du désagrément).Ma vie est insupportable de douleurs et d'ennuis; partant ni vers, ni verve (Lamart., Corresp.,1836, p. 227).À la Chambre des Députés, (...) des discours secrètement insupportables de convention et d'artifice (Barrès, Greco,1911, p. 122).
En tournure impers.
C'est insupportable! Et ne dis pas toujours : « Oui, papa!... » C'est insupportable (Dumas fils, Ami femmes,1864, II, 2, p. 109).Mon Dieu! mademoiselle, vous faites un bruit avec vos chaussures! répétait souvent MmeAurélie, d'un air agacé. C'est insupportable... (Zola, Bonh. dames,1883, p. 518).− Demain, tu auras l'argent. (...) − Tu me dis ça tous les jours. C'est insupportable; je n'en peux plus (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 94).
Il m'est insupportable de + inf. Je lui mis ma main sur la bouche. Il m'eût été insupportable de l'entendre charger sa mère (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 228).Il m'était insupportable de voir l'ennemi du lendemain se doter des moyens de vaincre, tandis que la France en restait privée (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 12):
4. Quand il soupait après le théâtre, il lui était insupportable de penser que le cocher restait, dehors, à la pluie, au froid, à minuit et plus. Ça lui gâtait tout. Alors, il lui faisait porter un grog et dire de rentrer, que, lui, prendrait un fiacre. Renard, Journal,1905, p. 949.
Il m'est insupportable que + subj. (plus rare). Il lui était insupportable qu'on pût mêler à l'idée de son amour un soupçon d'intérêt (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1125).Je trouve insupportable que, sous prétexte qu'elles sont bien pensantes, qu'elles n'achètent rien aux marchands juifs (...), une quantité de dames Durand ou Dubois, que nous n'aurions jamais connues, nous soient imposées par Marie-Aymard ou par Victurnienne (Proust, Guermantes,1920, p. 238).
2. [En parlant d'une pers.] Qui est de caractère difficile; que son comportement habituel ou occasionnel rend extrêmement désagréable à son entourage. Synon. agaçant, désagréable, ennuyeux, difficile, épouvantable, exécrable, exaspérant, turbulent; anton. agréable, aimable, gentil, charmant.Individu insupportable; se rendre, se montrer insupportable. J'eus la surprise de causer avec des hommes et des femmes jadis insupportables, et qui avaient perdu à peu près tous leurs défauts (Proust, Temps retr.,1922, p. 936).− Il est insupportable, gronda Philippe. Il parle, il parle et il n'y a plus moyen de l'arrêter (Duhamel, Suzanne,1941, p. 53):
5. La conduite aux cabinets, d'une heure à une heure un quart, a eu lieu sous une averse torrentielle et, tout l'après-midi, les enfants ont été insupportables. On ne se doute pas combien la discipline scolaire est influencée par les variations du baromètre. Frapié, Maternelle,1904, p. 58.
Rem. On rencontre souvent un compl. de phrase introduit par avec, indiquant la nature du désagrément. Il se rendait insupportable en société, avec ses éclats de voix et ses bêtises (Zola, Nana, 1880, p. 1173). Tu es insupportable avec ta distraction. Je parle de la fête que je donne dans quelques jours (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 108).
(Être) insupportable à qqn.Insupportable aux autres, à tout le monde, à soi-même. Les hommes de talent s'attaquent entre eux : chacun cherche à se rendre insupportable à ses confrères (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1190).En ne s'acceptant pas soi-même tel qu'on est, on se rend insupportable à autrui; on est chagrin, vétilleux, irascible (Green, Journal,1955-58, p. 221):
6. Il était si ennuyé d'Yonville et des Yonvillais, que la vue de certaines gens, de certaines maisons l'irritait à n'y pouvoir tenir; et le pharmacien, tout bonhomme qu'il était, lui devenait insupportable. Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 134.
(Être) insupportable avec qqn.Vous me fuyez? Vous avez raison! (...) J'ai été insupportable avec vous (Gobineau, Pléiades,1874, p. 55).Cet enfant si désobéissant, si insupportable avec ses parents, est ici la sagesse même (Gide, Journal,1914, p. 432).
[P. méton., en parlant du comportement, d'un aspect de la pers.] Caractère insupportable; être d'une humeur insupportable (synon. mauvaise, massacrante); défauts, manières insupportables. Tu te crois une bonne tête, tu es rempli d'un orgueil insupportable à cause de tes succès dans les écoles mathématiques (Stendhal, Souv. égotisme,1832, p. 128).Pascal, si gai, si bon, devint alors d'une humeur noire et d'une dureté insupportable. Il se fâchait au moindre mot, bousculait Martine étonnée (Zola, Dr Pascal,1893, p. 129).
Prononc. : [ε ̃sypɔ ʀtabl̥]. Étymol. et Hist. 1312 (Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 3, p. 27). Empr. au b. lat.insupportabilis de même sens, dér. de supportare, v. supporter. Fréq. abs. littér. : 1 764. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 948, b) 2 627; xxes. : a) 2 919, b) 2 675.
DÉR. 1.
Insupportabilité, subst. fém.,rare. Caractère d'une chose ou d'une personne insupportable. C'est pour ne pas vous ennuyer de mes plaintes que je vous écris maintenant si rarement, car personne plus que moi n'a conscience de mon insupportabilité (Flaub., Corresp.,1875, p. 235).[ε ̃sypɔ ʀtabilite]. 1reattest. 1511 (J. Lemaire de Belges, Traicté de la difference des schismes et des conciles de leglise, éd. J. Stecher, t. 3, p. 300); de insupportable, suff. -(i)té*.
2.
Insupportablement, adv.D'une manière insupportable. Insupportablement bavard, prétentieux. Cet ouvrage est insupportablement long (Ac.1835-1935).Les femmes s'entendent à se meurtrir entre elles, et la jalousie les rend insupportablement méchantes (Amiel, Journal,1866, p. 368).MlleSergent nous contient à peine; nous bavardons insupportablement (Colette, Cl. école,1900, p. 212).Le vent, du fond du bled saharien, soufflait par bouffées lentes, insupportablement chaudes (Mille, Barnavaux,1908, p. 132).[ε ̃sypɔ ʀtabləmɑ ̃]. 1reattest. 1441 insuportablement (Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 9, p. 107); de insupportable, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 27.