| INSISTANCE, subst. fém. I. A. − [Correspond à insister I A] Action, fait d'attacher et de donner une importance particulière à quelque chose. La troisième note caractéristique d'une nouvelle chrétienté concevable serait, avec cette insistance sur l'autonomie de l'ordre temporel, une insistance conjointe sur l'exterritorialité de la personne à l'égard des moyens temporels et politiques (Maritain, Hum. intégr.,1936, p. 191). − En partic. 1. Action, fait de mettre l'accent sur un élément de la chaîne parlée. Sa caressante insistance sur les diphtongues les emplissait de regrets, de doux reproches et de câlinerie (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 423). ♦ LING. Accent d'insistance. ,,Renforcement expressif de l'articulation de certains phonèmes ou groupes de phonèmes`` (Ling. 1972). 2. Vocab. de la crit. Action, fait de mettre en relief un élément pour lui donner de l'expression. Blessée de temps à autre, sa voix arborait ça et là une touche plus appuyée, une insistance de graveur sur sa planche (Colette, Fanal,1949, p. 74).Il faut la savante et discrète insistance des lignes de la composition sur leur groupe resserré [des personnages dans un tableau] pour qu'ils ne se fondent pas dans l'ensemble (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 288). ♦ [Avec une valeur dépréc.] Bourget me dit qu'il n'aime pas l'insistance, le chant du violon, la virtuosité, la complaisance du littérateur qui ajoute (Barrès, Cahiers, t. 9, 1911, p. 221).[Les types caricaturaux peints par Forain] sont chargés avec insistance, ils n'ont pas (...) la vraisemblance (...) discrète qui donne tant de saveur (...) aux études de Degas (Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, pp. 174-175). ♦ P. méton. L'exposition de blanc [dans Au Bonheur des dames de Zola] est d'une apothéose un peu facile, avec de lassantes insistances et redites dans les énumérations (Gide, Journal,1932, p. 1141). B. − [Correspond à insister I B] 1. Action, fait d'insister. a) Action, fait de donner de l'importance, une force particulière à une idée, un thème (en développant, en accentuant son expression). − [Constr. avec un compl. prép. sur] Mon insistance sur les idées religieuses ennuiera (...) beaucoup de personnes (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 306). − [Sans compl. introd. par sur] 1. Il est certain qu'auprès de cela la pureté de forme paraît maigreur, le ne quid nimis (...) pénurie; le choix, parcimonie, etc. − Excusez mon insistance qui vous est pénible; je souffre moi-même à vous écrire ceci, je souffre à le penser parce que ma sympathie pour vous est très vive.
Gide, Corresp. [avec Claudel], 1907, p. 75. Avec, sans insistance. Revenir avec insistance sur un point; répéter avec insistance. Il parlait un peu sec mais d'un ton franc et ce fut sans boniments, comme on ne disait pas encore, sans insistance qu'il fit l'éloge de son établissement (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 43).J'ai eu trois prix l'année dernière, répliqua-t-il avec insistance (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 16).− P. méton. Je finis en vous recommandant de nouveau, et avec toutes sortes d'insistances, le soin de votre santé (Lamennais, Lettres Cottu,1833, p. 250). b) Action, fait de s'imposer à un interlocuteur par un discours, une conversation, un comportement langagier. L'homme en haillons, avec l'insistance des gens ivres, commença de faire des excuses à cette femme (Bourget, Disciple,1889, p. 53).[Il] ne me quittait pas, persévérait dans son importunité, quoique je feignisse de ne pas connaître, de ne pas m'apercevoir de son insistance, de son intolérable indiscrétion (Arnoux, Roy. ombres,1954, p. 183). − En partic. Action, fait d'imposer à un interlocuteur un acte de langage. ♦ Action, fait de questionner bien que cela importune, embarrasse ou irrite. L'objet surpris [une femme], choqué, puis fatigué par mon insistance, m'avoua diverses circonstances où elle avait goûté violemment ces affreux entraînements (Barrès, Homme libre,1889, p. 204): 2. − De vous? − Oui. − De vous? − Oui, répéta le vieillard. − Vous comprenez bien ce que je vous demande, monsieur? Excusez mon insistance, car ma vie est dans votre réponse; notre salut nous viendra de vous? − Oui. − Vous en êtes sûr?
Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 206. P. méton. Où me conduisez-vous? − Chez de petites gens (...) des relations d'autrefois, − rectifia M. Baslèvre décidé à ne rien livrer de son secret. − Auxquelles vous tenez encore... naturellement? − Hé, mon cher, ne cherchez pas si loin : on voulait du secours, j'en apporte, cela suffit. Michon se mordit les lèvres : le ton de la réplique coupait court aux insistances (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 240).♦ Action, fait de demander à quelqu'un de faire quelque chose en faisant pression sur lui. Céder à l'insistance de qqn. Toute insistance pour l'amener à modifier sa vie ayant été vaine, les colons attendirent patiemment (Verne, Île myst.,1874, p. 370).Le lendemain, grâce à une insistance jugée déplacée, Rieux obtenait la convocation à la préfecture d'une commission sanitaire (Camus, Peste,1947, p. 1254).Sur l'insistance de qqn. Sur la demande pressante de quelqu'un. C'est sur votre insistance que j'ai consenti à cette entrevue, mais je suis convaincu qu'il n'en sortira rien de bon (Sartre, Mains sales,1948, 4etabl., 4, p. 148). − P. méton. [Ils] acceptèrent, après les refus et les insistances d'usage (Zola, Terre,1887, p. 188).Ils venaient réclamer une bonne, un domestique, un protégé (...). Leurs insistances auprès des autorités avaient tout de même quelque poids (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 230). c) Insistance (de qqn) à + inf.Action, fait de persévérer à (dire quelque chose). Il rentre dans l'orthodoxie par son insistance à proclamer, contre les faux mysticismes, que Jésus-Christ est la seule voie (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 411).Devant l'insistance d'un de nos hospitalisés (...) à déclarer s'appeler Olivier Meignerais, je suis obligé de vous demander (...) de le voir (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 239). 2. Caractère insistant d'(un comportement langagier). L'injustice de ses accusations, l'insistance de ses demandes, (...) me jettent hors de moi (Constant, Journaux,1803, p. 47).Éviter les mots délire, délice, ineffable, qui sont gênants pour le lecteur non averti et peuvent, par l'insistance de leur répétition, tromper sur le génie terriblement austère, sur la science surhumainement précise de Claudel (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1907, p. 56). 3. a) Action, fait d'exercer par son comportement une pression sur quelqu'un, de persévérer dans une action, un comportement qui peut importuner, embarrasser ou irriter. Mais M. Grane tirait avec insistance ma veste et réclamait la traduction (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 192).[Des] petits mendigots (...) les poursuivaient avec insistance (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 157): 3. « Non, dit-il, à personne... » Il n'y avait pas un souffle de vent : « Alors, murmura Pierre, je ne comprends pas ». Et il regarda son interlocuteur avec une insistance gênée. Est-ce qu'il allait le soupçonner?
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 136. − Insistance (de qqn) à + inf. (spécifiant l'action ou le comportement qui importune).C'est vrai, vous étiez insupportable, avec votre insistance à me dévisager (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1161).Étonnés de l'insistance de M. Baslèvre à les examiner, les vieilles gens allaient se lever quand même (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 301). b) Vieilli. Persévérance. Depuis qu'à force d'insistance, j'ai obtenu dans ma vie quelque liberté de plus, je me sens bien mieux pour elle (Constant, Journaux,1804, p. 150).Un peu d'insistance est nécessaire, et une fois la machine lancée, j'éprouve en écrivant autant de facilité qu'en peignant (Delacroix, Journal,1850, p. 393). II. − Fait qu'un élément revient à une place identique ou à une place déterminée par une loi de structure dans un déroulement temporel. − MUS. Les insistances thématiques par lesquelles Richard Wagner annonce les personnages ou les objets (Emmanuel, Pelléas,1929, p. 150). − PSYCHANAL. L'automatisme de répétition (...) prend son principe dans ce que nous avons appelé l'insistance de la chaîne signifiante. Cette notion elle-même, nous l'avons dégagée comme corrélative de l'ex-sistence (soit : de la place excentrique) où il nous faut situer le sujet de l'inconscient (J. Lacan, Écrits, Paris, éd. du Seuil, 1966, p. 11). Prononc. et Orth. : [ε
̃sistɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1556, 28 juin (Papiers d'Etat du Card. de Granvelle, éd. Ch. Weiss, t. 4, p. 615 : troys points dont j'avois faict insistance). Dér. du part. prés. de insister*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér. : 673. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 209, b) 730; xxes. : a) 1 074, b) 1 646. Bbg. Gohin 1903, p. 238. |