| INOUÏ, -ÏE, adj. A. − Vx ou littér. 1. Qu'on n'a jamais entendu auparavant. Bruit inouï : musique inouïe; accents, accords inouïs. Une modulation (...) certainement inouïe à cette époque (D'Indy, Compos. mus., t. 2, 1, 1897-1900, p. 227): 1. ... et devançant les beaux travaux de linguistique, nous nous frayons nos voies nouvelles jusqu'à ces locutions inouïes, où l'aspiration recule au-delà des voyelles...
Saint-John Perse, Exil,1942, p. 277. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. L'œil sourcille et l'oreille s'étonne; on ne peut ouïr l'inouï (Nerval, Sec. Faust,1840, p. 195). 2. Dont on n'a jamais entendu parler auparavant, qui est inconnu, sans précédent. On vit, chose inouïe jusque-là, une littérature moderne appliquer le goût le plus exquis à ses plus nobles chefs-d'œuvre (Sainte-Beuve, Poés.,1829, p. 170).L'important projet que je médite est inouï dans ma famille (Musset, Fantasio,1834, I, 3, p. 200): 2. Le curé de ceux-d'en-bas ose parler aux riches et les condamner. Du moins il s'en vante. Cela doit être inouï dans le diocèse.
Bloy, Journal,1900, p. 32. B. − Qui est extraordinaire, surprenant, hors du commun. L'orage éclatait avec une violence inouïe (Zola, M. Férat,1868, p. 17).Il eut la chance inouïe de ne tuer personne (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 132): 3. Et je vis, étonnée, aveuglée, éblouie,
Sachant bien que pourtant la détresse inouïe
A depuis mon enfance exalté tous mes jours,
Que je l'appelle ardeur, que je l'appelle amour...
Noailles, Éblouiss.,1907, p. 341. SYNT. Événement, bonheur, courage, drame, effort, luxe, prodige, scandale, spectable inouï; ardeur, audace, brutalité, circonstance, complexité, cruauté, délicatesse, douleur, force, insolence, joie, monstruosité, profondeur, puissance, rage, rapidité inouïe; épreuves, difficultés, paroles inouïes; malheurs, maux inouïs. − C'est inouï (ce que). C'est incroyable, ahurissant. C'est inouï ce qu'elle pouvait inventer pour rester dehors une heure de plus (Chardonne, Épithal.1921, p. 58). − [Le suj. désigne une pers.] Être inouï. Être extraordinaire, déroutant. Non, mais vous êtes inouïe, ma parole! De quoi vous mêlez-vous? (Mauriac, Asmodée,1938, II, 4, p. 71). − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le prince resta assis, hébété par l'inouï et l'inattendu de cette accusation (Péladan, Vice supr.,1884, p. 299). REM. Inouïsme, subst. masc.,rare. Caractère de ce qui est inouï; étrangeté. C'était avant le Romantisme, Aux poètes étincelants Dont les vers sont tous ruisselants De fantaisie et d'inouïsme (Marteau, Satires,1861, p. 265).Ça me paraît d'un inouïsme tout à fait renversant (Goncourt, Journal,1889, p. 918). Prononc. et Orth. : [inwi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Début xvies. inoye (Fossetier, Cron. Marg., ms. Bruxelles, 10509, fo236 rods Gdf. Compl.). Dér. de ouï, part. passé de ouïr*; préf. in-1*; cf. lat. inauditus (composé de in privatif et du supin de audire « entendre ») « qui n'a pas été entendu, sans exemple, inouï ». Fréq. abs. littér. : 1 326. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 749, b) 2 651; xxes. : a) 2 120, b) 1 450. Bbg. Quem. DDL t. 17 (s.v. inouïsme). |