| ININTELLIGENT, -ENTE, adj. Qui est dépourvu ou qui manque d'intelligence. Anton. intelligent.A. − [En parlant d'un être inanimé ou d'un animal] 1. [Correspond à intelligent A et à intelligence I; en parlant d'un être inanimé p. oppos. aux êtres animés] Qui est dépourvu de la fonction mentale d'organisation du réel; qui est dépourvu de la faculté d'intelligence. Elle aussi [la plante] ne s'inquiète pas de sa destinée, parce qu'elle est inintelligente (Jouffroy, Mél. philos.,1833, p. 302). 2. [Correspond à intelligent B et à intelligence I A; en parlant d'un animal p. oppos. à l'être hum.] Qui est dépourvu de la fonction mentale d'organisation du réel en pensées. Bruto, qui veut dire bête brute, veut dire surtout inintelligente. Si l'on cherche le principe de différentiation dans l'intelligence apte à s'exprimer, il est certain qu'il n'y a rien à voir du côté des bêtes (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921, p. 162). B. − [Chez l'être hum.] 1. [Correspond à intelligent B 2, intelligence I A 2 et inintelligence A 1] a) [Correspond à intelligent B 2 a; en parlant de la personne] Dont les facultés intellectuelles, l'aptitude à la connaissance sont insuffisamment développées; qui n'est pas ou qui est peu intelligent. C'étaient (...) des bellâtres inintelligents et asservis, de victorieux cancres qui avaient lassé la patience de leurs professeurs (Huysmans, À rebours,1884, p. 7).Vous avez des diplômes? − Oh non, monsieur Chambernac. Mais je sais lire, écrire et compter et ne suis pas tout à fait inintelligent (Queneau, Enf. du limon,1938, p. 31). − Emploi subst. Personne inintelligente. Qu'apportera le faible, le malade, le paresseux, l'inintelligent dans la communauté restée grevée de leur inaptitude? (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 590). b) [Correspond à intelligent B 2 b; p. méton. en parlant de qqc.] − [Détermine un subst. relatif à l'aspect extérieur de la pers.] Qui exprime un manque d'intelligence. Visage inintelligent; physionomie inintelligente; yeux inintelligents. L'artiste doit avoir tout vu et tout oublier. Il est capable de tout comprendre, mais il a l'air plutôt inintelligent (Renard, Journal,1896, p. 342). − [Détermine un subst. désignant une manifestation, un produit du travail de l'esprit] Qui révèle un manque d'intelligence, de réflexion, de jugement. Dire d'une religion qu'elle est fausse ou d'une société qu'elle est mauvaise, serait une formule très inintelligente et très dangereuse (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 59).Sa santé me réconforte, et ses jugements un peu frustes mais jamais inintelligents (Gide, Journal,1907, p. 230): 1. Le simple a des côtés inintelligents, des vues troubles et indécises, où il flotte, cherche, suit plusieurs routes à la fois, et sort du caractère de simple.
Michelet, Peuple,1846, p. 247. ♦ En partic. [Le déterminé est relatif à la sphère affective ou instinctive] Dans lequel l'intelligence n'a aucune part : 2. Il est bien possible qu'en elle-même elle [la vengeance] consiste dans une réaction mécanique et sans but, dans un mouvement passionnel et inintelligent, dans un besoin irraisonné de détruire...
Durkheim, Division trav.,1893, p. 54. 2. [Correspond à intelligent B 3, intelligence I A 3 et inintelligence A 2; en parlant de l'être hum.; suivi d'un compl. désignant l'objet de la connaissance] Inintelligent de qqc.Incapable d'appréhender quelque chose par l'intelligence, de le comprendre avec aisance, d'en avoir une connaissance approfondie. [P. méton.] La critique de ces premiers réformateurs fut (...) inintelligente du spontané, trop orgueilleuse des faciles découvertes de la raison réfléchie (Renan, Avenir sc.,1890, p. 26). 3. [Correspond à intelligent C 1, intelligence I B 1 et inintelligence B; en parlant de l'être hum. ou de certains animaux] Qui est dépourvu ou qui manque d'intelligence pratique. a) [En parlant d'un animal] Qui est dépourvu de la fonction mentale d'organisation du réel en actes : 3. L'animal inintelligent, qui n'a qu'un petit nombre de réponses natives ou habituelles à sa disposition pour faire face à la situation qui l'embarrasse, les essaie en vain (...) à moins que, tout à coup, les conditions deviennent brusquement favorables...
G. Viaud, L'Intelligence, Paris, P.U.F., 1969, p. 14. b) [En parlant de l'être hum.] Qui n'adapte pas ou adapte difficilement son comportement et son activité aux circonstances. Elle ne prierait pas Dieu sottement comme une dévote inintelligente. Elle lui sourirait, lui ferait bon visage (Renard, Journal,1895, p. 271).L'individu est devenu étroit, spécialisé, immoral, inintelligent, incapable de se diriger lui-même, et de diriger ses institutions (Carrel, L'Homme,1935, p. 330): 4. fourchambault : (...) Blanche n'épousera pas (...) Rastiboulois. J'ai dit (...) (Il sort). madame fourchambault, seule : Et voilà nos maîtres! (...) Ah! pauvres femmes que nous sommes! Épuisons-nous donc à édifier la grandeur de notre famille, pour qu'un caprice de ce despote inintelligent vienne tout renverser!
Augier, Fourchambault,1878, p. 34. − [P. méton. Le subst. déterminé évoque la manière d'être ou d'agir d'une pers.] Qui témoigne d'un manque d'intelligence pratique. Ses gendarmes, accomplissant tranquillement l'inintelligente tâche qui leur est confiée (Huysmans, Art mod.,1883, p. 148).Nous devions être vaincus (...), c'était le choc de la bravoure inintelligente contre le grand nombre et la froide méthode (Zola, Débâcle,1892, p. 66): 5. Il y a des temps où l'élévation de l'âme (...) passe pour une espèce de borne d'esprit, pour un préjugé, une habitude inintelligente d'éducation, une lubie, un travers qui vous empêche de juger les choses; imbécillité honorable peut-êre, dit-on, mais ilotisme stupide.
Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 135. Prononc. et Orth. : [inε
̃tεliʒ
ɑ
̃] et [-teli-], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1770 « (d'une personne) dépourvu d'intelligence » agens inintelligens qui agissent au hazard (Holbach, Syst. nat. t. 1, p. 71 ds IGLF); 1835 « qui témoigne d'un manque d'intelligence » le luxe inintelligent du parvenu (Balzac, Goriot, p. 95). Dér. de intelligent*; préf. in-1*. Fréq. abs. littér. : 134. Bbg. Gohin 1903, p. 284. |