| INGÉRER, verbe trans. A. − Emploi trans. dir., PHYSIOL. Introduire par voie buccale (dans le tube digestif). Ingérer des aliments; ingérer des remèdes sous forme de pilules; ingérer qqc. à certaines doses; être embryonnaire qui ingère des matières nutritives. On devrait pouvoir essayer de communiquer le choléra à des condamnés à mort en leur faisant ingérer des cultures de bacille (Pasteur, Corresp.,1884, p. 439).Leur sottise (...) dépendait de la qualité de l'alcool qu'ils venaient d'ingérer (Céline, Voyage,1932, p. 184).Quand le cheval se lèche, les œufs ouvrent leur clapet et les larves s'agrippent à la muqueuse des lèvres. Elles sont ingérées avec les aliments et tombent soit dans l'estomac, soit dans l'intestin (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 79): 1. On en peut dire autant de toutes les merveilleuses substances qui mettent fin à nos souffrances et à nos maladies passagères, dont on ne connaît que l'action immédiate et que l'on ingère pourtant sans hésitation sur l'avis des thérapeutes.
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 193. − Emploi pronom. réfl. indir. Voyez ce malade que la Faculté contraint à s'ingérer un énorme verre d'une médecine noire, telle qu'on les buvait sous le règne de Louis XIV (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 45). B. − Emploi pronom. S'introduire indûment ou indiscrètement (dans l'activité d'autrui). S'ingérer dans la direction des opérations, dans les affaires de famille. Cet homme s'ingère toujours dans vos affaires. S'ingérer dans une négociation (Ac.). Elle n'entend point que les citoyens s'ingèrent d'une manière quelconque dans l'examen de leurs propres affaires (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 136).C'est un crime parmi nous de s'ingérer dans les affaires de famille, ou de se mêler de mariages et de procès (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 189): 2. Condorcet, Mirabeau, Robespierre offrent le premier exemple de théoriciens s'ingérant dans la direction des choses et cherchant à gouverner l'humanité d'une façon raisonnable et scientifique.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 25. − S'ingérer de + subst.Se mêler de quelque chose. Il s'ingère de tout (Ac.). Sachez qu'encore qu'on appelle l'Université la fille du roi, ce n'est pas à elle à s'ingérer du gouvernement du royaume (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 386): 3. Il me faudrait montrer toujours la femme, quand une fois la manie d'égalité et d'émancipation s'est emparée de son esprit (...) si elle s'ingère de philosophie, incapable d'embrasser fortement un sujet, de le creuser, de le déduire, d'en faire une synthèse...
Proudhon, Pornocratie,1865, p. 93. − S'ingérer de, à + inf.Se permettre de faire quelque chose sans en avoir l'autorisation. Il s'ingère de donner des avis (Ac.). Figurez-vous que j'ai depuis trois ans au moins sur les bras une miss irlandaise, nommée Patrickson, qui s'est ingéré de traduire mes œuvres et de les propager en Angleterre (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1850, p. 444).Il cogna plus fort, avec ses poings d'abord, avec ses pieds ensuite; et, comme nul bruit de pas, de voix, ne se produisait, il s'ingéra d'écouter et de regarder par le trou de la serrure (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 350).Je ne me suis ingéré à rien faire de moi-même (Renan, Souv. enf.,1883, p. 316). ♦ Absol. Cet intérêt de la foule, en déterminant des concours pécuniaires, en contraignant l'état à s'ingérer, mettent la science en possession de l'outillage dont elle a besoin (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 191). REM. Ingérable, adj.Qui peut être ingéré, absorbé par voie buccale. (Dict. xxes.). Un médicament qui n'est pas ingérable (Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth. : [ε
̃
ʒeʀe], (il) ingère [ε
̃
ʒ
ε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. : change é du rad. en è devant syll. muette sauf au fut. et au cond. ingérerai(s). Étymol. et Hist. 1. 1362 s'ingérer de qqc. « s'introduire indûment, sans en être requis ou en avoir le droit (dans quelque chose) » (Ordonnances des rois de France, t. 3, p. 587, art. 39); début du xves. s'ingérer à + inf. (E. Deschamps, La Fiction du lyon, 1381 ds
Œuvres compl., éd. G. Raynaud, t. 8, p. 289); 1530 s'ingérer en + subst. (Palsgr., p. 672b); 2. 1370-72 absol. (N. Oresme, Ethiques, IX, 15, éd. A. D. Menut, p. 493); 3. 1825 trans. « introduire (un aliment, etc.) par la bouche » (Brillat-Sav., Physiol. goût, p. 45). Empr. au lat.ingerere « porter dans, jeter sur », « verser », également « introduire (un liquide, un aliment) par la bouche » et « imposer quelque chose à l'attention de quelqu'un »; « s'imposer (aux regards de quelqu'un) ». Fréq. abs. littér. : 36. Bbg. Quem. DDL t. 8. |