| INERTE, adj. A. − Domaine sc. et techn. 1. MÉCAN. et PHYS. Qui ne peut par soi-même changer l'état de repos ou de mouvement dans lequel il se trouve. Nous sommes encore plongés dans le monde que les sciences de la matière inerte ont construit sans respect pour les lois de notre nature (Carrel, L'Homme,1935, p. 392). 2. AGRON. Sol inerte. Partie du sol située sous la terre arable et dans laquelle pénètrent les racines des plants cultivés afin d'y puiser une partie de la sève (d'apr. Fén. 1970; Dict. xixeet xxes.). 3. ART MILIT. [En parlant de munitions destinées à l'instruction] Qui ne contiennent pas d'explosifs. Cartouche, grenade, obus inerte. (Dict. xxes.). 4. CHIM. [En parlant d'un liquide, d'un gaz, d'une substance] Qui ne réagit pas au contact d'une autre substance. La mue a lieu, même si on les retire [les larves] de l'intestin et qu'on les place en milieu inerte, comme l'eau physiologique (Joyeuxds Nouv. Traité Méd., fasc. 5, 1, 1924, p. 264). ♦ Gaz inerte. Synon. gaz rare.Il existe trois gaz radioactifs qui ont reçu le nom d'émanations (...). Les émanations sont considérées comme des gaz inertes, car on n'a pu les faire entrer en combinaison chimique (Curie, Isotopie,1924, p. 15). 5. PAPET. Papier, carton inerte. Papier, carton qui résiste à l'humidité et reste bien plat. (Ds Lar. Lang. fr. et Logos). B. − Usuel. [En parlant d'un être vivant, de son corps ou d'une partie de son corps] 1. Qui est dépourvu de mouvement, qui ne donne pas signe de vie. Synon. immobile, inanimé; anton. remuant, vivant.Andrea lui prit la main et la souleva; la main retomba inerte sur la courtine blanche du lit (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 71).Édouard souleva du doigt les paupières qui retombèrent sur un regard sans vie. Pourtant le cœur battait. (...) il coucha le corps inerte sur le divan (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1179): Par cette opération, la grenouille est insensibilisée à la douleur puisque la destruction du cerveau lui a fait perdre toute sensibilité consciente. Abandonnée à elle-même, elle demeure inerte, incapable de tout mouvement volontaire.
Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 254. − Littér. et p. ext. Sans vie, sans mouvement, sans âme. Ce tas inerte de carton et de paperasse (Arnoux, Chiffre,1926, p. 173).Les manteaux de maman, de Valérie, le pardessus de papa, pendaient là (...) inertes et vides de leurs corps (Vialar, Tournez,1956, p. 7). 2. [En parlant du visage, du regard] Qui demeure figé, sans expression. Synon. éteint; anton. expressif.Lépine, avec sa cohorte de sbires de toute sorte, Aussitôt est accouru, Suivi de Monsieur Homolle, Œil inerte et jambe molle (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 234).Antoine ne quittait pas son père de l'œil; il semblait peser de tout son regard sur cette face inerte pour en faire jaillir une lueur d'acquiescement. M. Thibault, ramassé sur lui-même, gardait une immobilité massive (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 723). 3. Au fig. Qui est dépourvu d'énergie physique ou morale, qui demeure sans réaction. Synon. abattu, apathique, atone, prostré; anton. actif, alerte, diligent, énergique, entreprenant.Demeurer inerte devant la mort. Je végétais, inerte, au fond de mon cachot; je perdais conscience de la fuite du temps, insensible à tout (Morand, Dern. jour Inquis.,1947, p. 217). − PSYCHOPATHOL., emploi subst. Malade dont l'état est caractérisé par une absence d'activité et d'initiative générale. Ils étaient des abouliques et des inertes (Janet, Obsess. et Psychasth.,1903, p. 74). REM. 1. Inertance, subst. fém.,acoust. ,,Pour un milieu acoustique, coefficient qui (...) donne la partie imaginaire de l'impédance acoustique résultant de l'inertie ou masse effective du milieu`` (Pir. 1964). 2. Inertement, adv.,rare et littér. De manière inerte. Les singes noirs, du haut des sassafras, (...) Laissent inertement aller leurs maigres bras (Leconte de Lisle, Poèm. trag.,1886, p. 146). Prononc. et Orth. : [inε
ʀt]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1505 inerte « inactif » (D. Christol, Platine en francoys, 69 voa d'apr. R. Arveiller ds Mél. Séguy (J.), pp. 68-69) seulement au xvies. (v. Gdf. Compl. et Hug.); 2. 1759 « sans réaction, sans mouvement » (Diderot, Lettres à Sophie Volland, 15 oct., p. 69 : Quoi! la particule a placée à gauche de la particule b n'avoit point la conscience de son existence, ne sentoit point, étoit inerte et morte). Empr. au lat.iners, -ertis « inactif, sans énergie », proprement « sans capacité », dér. de ars, artis (art*). Fréq. abs. littér. : 1 109. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 707, b) 1 167; xxes. : a) 2 353, b) 1 803. Bbg. Gohin 1903, p. 315. |