| INDÉLICATESSE, subst. fém. A. − [Suivi éventuellement d'un compl. déterminatif prép. de] Manque de délicatesse (v. ce mot II B). 1. Rare. [Le compl. désigne un sens ou une fonction sensitive] Manque d'aptitude à discerner les nuances les plus ténues : 1. Nous avons discuté la question une grande heure ensemble, de Régnier et moi, hier, et nous avons décidé que l'e muet était la spéciale, la plus essentielle musique du vers français. On ne la supprime que par indélicatesse d'oreille.
Gide, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 96. 2. [Le compl. désigne une pers. ou son comportement social] Caractère d'une personne qui ne manifeste pas des qualités de réserve, de discrétion et de prévenance envers autrui. Nos pédants n'ont garde de nous parler de la grossièreté, de la rudesse, de l'indélicatesse des anciens qui passent toute croyance; mais il faut voir les originaux (Stendhal, Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 104).Il avait, étant jeune, étudié pour être prêtre et (...) on l'avait chassé du séminaire à cause de son indélicatesse et de son immoralité (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 324).Je voudrais pouvoir rompre, sans indélicatesse, avec beaucoup de ces gens dont l'amitié m'honore pourtant grandement (Bernanos, Imposture,1927, p. 340): 2. Je reçois ta lettre; tant pis : je t'envoie celle-là telle quelle, et ci-joint l'argent. Je sens trop l'indélicatesse que j'aurais à insister, mais je regrette d'autant plus de ne pas t'avoir écrit plus tôt.
Gide, Corresp. [avec Valéry]1898, p. 340. 3. [Le compl. désigne une pers. ou son comportement affectif] Caractère, trait d'une personne qui ne manifeste pas une grande sensibilité et une rare élévation de sentiments. Tout ce qui peut sembler un manque de respect, une indélicatesse de sentiment, fait une meurtrissure ou une blessure aux âmes, qui tiennent à nos égards, et qui sont jalouses de notre estime (Amiel, Journal,1866, p. 183). B. − 1. [En parlant d'une pers.] Malhonnêteté. Je ne souhaite pas le bien d'autrui, je suis assez riche du mien; si j'ai une part dans l'œuvre de M. Graindorge, je l'abandonne. Loin de moi la pensée d'imiter l'indélicatesse de son procédé (Taine, Notes Paris,1867, p. 343). 2. [En parlant d'une action] Action malhonnête, escroquerie. Commettre une, des indélicatesse(s). Endetté (...) tombé entre les mains pires de filles voraces, Séguin avait fini par commettre, aux courses, une de ces indélicatesses qu'on appelle des vols, dans le monde des honnêtes gens (Zola, Fécondité,1899, p. 516).Nous avons déjà signalé l'intérêt que présentent les activités conjointement exercées, dans un même circuit, par trois personnes indépendantes les unes des autres, à l'effet de supprimer les erreurs ou les indélicatesses (Villemer, Organ. industr.,1947, p. 117).Il faut cependant ajouter que les indélicatesses, fraudes ou malhonnêtetés dans les courses de chevaux, peuvent être punies par le cumul de la sanction professionnelle et d'une sanction pénale (Jeux et sports,1967, p. 491): 3. Il donnait tout à ses pauvres. Mais, pour pouvoir tout donner, il ne pensait plus qu'à l'argent. Il était radin comme personne. Il aurait fait des bassesses, des indélicatesses pour donner plus à ses pauvres. D'ailleurs, il en a fait, des indélicatesses. Il a même failli être coffré.
Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 15. − Rare. [Suivi d'un compl. déterminatif prép. de] Une passion pour une femme, morte depuis, l'aurait-elle entraîné à quelque indélicatesse d'argent? (Bourget, Cosmopolis,1893, p. 3). Prononc. et Orth. : [ε
̃delikatεs]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1794 (Pougens, Vocab. de nouveaux privatifs fr., s.v. délicatesse); 1808 (Boiste : Indélicatesse. Manque de délicatesse. Stael); 2. 1842 « action indélicate » (Reybaud, J. Paturot, p. 70) plus spéc. 1847 « acte répréhensible » (Balzac, Cous. Pons. p. 214). Dér. de indélicat* d'apr. délicatesse*. Fréq. abs. littér. : 71. |