| INCENDIE, subst. masc. Grand feu qui s'étend rapidement et occasionne des dégâts généralement importants. Synon. conflagration (littér., vieilli), embrasement.Violent incendie; incendie d'une maison; allumer un incendie. Des tourbillons de fumée enveloppaient la foule. Une flammèche, de temps à autre, passait sur le ciel noir. Bouvard contemplait l'incendie en pleurant doucement (Flaub., Bouvard,1880, p. 38).Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours (Morand, New-York,1930, p. 214):1. Quel affreux et magnifique spectacle! la foudre met le feu dans les bois; l'incendie s'étend comme une chevelure de flammes; des colonnes d'étincelles et de fumées assiègent les nues, qui dégorgent leurs foudres dans le vaste embrâsement.
Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 216. SYNT. Incendie d'un bâtiment, d'une ville, de forêt; immense incendie; incendie criminel; pompe à incendie; assurance, lutte, protection contre l'incendie; l'incendie de Londres, de Moscou, de Rome; l'incendie couve, se déclare, éclate, fait rage; provoquer un incendie; circonscrire, combattre, maîtriser un incendie. − P. métaph. Un magnifique double pavot rouge (...) déployant les flammèches de son incendie au-dessus des jasmins étoilés et dominant la pluie incessante du pollen (Balzac, Lys,1836, p. 121). A. − P. anal. 1. [Avec les vives lueurs du feu] Lumière intense qui se développe sur une grande étendue. Reflets d'incendie du soleil. La posada, un paon sur son toit, allumait ses vitres à l'incendie lointain du soleil couchant (Bertrand, Gaspard,1841, p. 174).La lumière elle-même semblait venir d'ailleurs que du ciel où le crépuscule jetait des couleurs d'incendie (Green, Moïra,1950, p. 171): 2. Bientôt tout le ciel, de l'est au nord, fut sous-tendu par une bande phosphorique d'un éclat intense. Cet incendie gagna peu à peu l'horizon entier, enflammant les nuages comme un amas de matières combustibles, et, bientôt reflété par les eaux miroitantes, il forma une immense sphère de feu...
Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 241. 2. [Avec les brûlures provoquées par le feu; en parlant d'un aliment trop épicé] Sensation d'irritation, de brûlure. La sauce était un peu trop salée, il fallut quatre litres pour noyer cette bougresse de blanquette, qui s'avalait comme une crème et qui vous mettait un incendie dans le ventre (Zola, Assommoir,1877, p. 574). B. − Au fig. 1. Effervescence, explosion de passions, de sentiments violents. Il savait sans doute à quelles faiblesses j'étais sujet, et quel incendie pouvait allumer dans mon âme une excitation imprudente (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 162).Sauf dans le bref incendie d'une passion amoureuse, deux individus ne sauraient constituer un monde qui protège chacun d'entre eux contre le monde (Beauvoir, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 254): 3. Certes il arrive que la passion qui le brûle arrache à l'homme d'admirables cris; mais comment la connaîtrait-il, la subissant? Comment pourrions-nous embrasser du regard cet incendie, lui assigner sa vraie place, si nous nous débattons au milieu des flammes, si nous étouffons sous les décombres?
Mauriac, Gds hommes,1949, p. 204. 2. Bouleversement social violent, susceptible de troubler l'ordre établi. Cette impératrice voyait avec plaisir se former un orage dans le Midi de l'Europe; elle attisait volontiers un incendie qui pouvait lui devenir très favorable, sans qu'il lui en coûtât rien (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 945).Dans cette attente d'un envahissement des barbares (...) reparaissait sa foi absolue à une révolution prochaine, la vraie, celle des travailleurs, dont l'incendie embraserait la fin du siècle (Zola, Germinal,1885, p. 1589): 4. « En juin 14, un jour d'été, brusquement, un incendie a éclaté au centre de l'Europe. Le foyer était en Autriche. Le bûcher avait été préparé avec soin à Vienne... » − « ...Mais », interrompit Studler, « l'étincelle était partie de Serbie! poussée par un violent, par un traîtreux vent du nord-est, qui venait tout droit de Pétersbourg! »
Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 521. Prononc. et Orth. : [ε
̃sɑ
̃di]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1605 « grand feu qui se propage en causant des dégâts » (Le Loyer, Histoire des Spectres, VI, 15 ds Hug.); 2. 1671 « troubles excités par des factions; bouleversements importants qui affectent un ordre établi » (Fléchier, La Vie du Cardinal J.-F. Commendon, livre 2, chap. 19 ds Rich. 1680); 3. 1762 « lumière rougeoyante éclairant une grande étendue » (Rousseau, Émile, p. 431). Empr. au lat. class.incendium « embrasement, feu; ardeur (des sentiments, des passions) ». On trouve aussi en domaine occitan les subst. encendi « grand feu » (mil. xies., Chanson de Sainte Foy, éd. E. Hoepffner, t. 1, p. 308, 362) et encende (1560, J. Poldo d'Albenas, Antiquités de Nismes, p. 107, 108 ds Delb., Notes mss), ainsi que encendy (1570, Arch. Gir., 31, 167 ds R. Ling. rom. t. 20, p. 81) en a. gasc. Ces formes, qui ont maintenu l'accentuation lat., apparaissent à côté de incendy, attesté en a. gasc. (1570, Arch. Gir., 31, 167 ds R. Ling. rom. t. 20, p. 82), incendie (1575, Arch. Gir., 18, 519, loc. cit.), calque du lat. incendium. Fréq. abs. littér. : 1 587. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 923, b) 2 270; xxes. : a) 2 544, b) 2 361. |