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IMPERSONNEL, -ELLE, adj.
A. − GRAMM. Qui exprime une action sans relation avec un sujet déterminé. Tour impersonnel, construction impersonnelle. Des formes impersonnelles comme il m'ennuie de, il me fâche de, etc. se disent encore de nos jours, mais leur emploi est vieilli (Grev.1961, § 606).
1. Mode impersonnel. Mode du verbe (infinitif, participe, gérondif) qui ne comporte pas de flexion indiquant la personne. On appelle quelquefois modes impersonnels (...) les systèmes des formes nominales de la conjugaison, du fait que ces formes sont impropres à exprimer l'idée de la personne : infinitif, gérondif, participe (Mar. Lex.1951, p. 116).
2. Verbe impersonnel et, p. ell., un impersonnel. Verbe qui ne s'emploie qu'à l'infinitif et à la troisième personne du singulier précédé du pronom neutre il, lequel n'a pas de contenu sémantique. Quoi de plus doux à prononcer que notre verbe [sic] impersonnel il y a (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 153).Les verbes impersonnels (...) sont ceux qui ne peuvent être employés qu'à la 3epersonne (...) du fait qu'ils ne comportent pas de sujet concevable : il pleut (Mar. Lex.1951, p. 116).
B. − PHILOS. Qui ne constitue pas une personne, qui n'existe pas en tant que personne :
1. Un dieu inconscient est nécessairement un dieu impersonnel. Pas plus que la conscience, la personnalité ne désigne une perfection absolue. Si Dieu est inconscient, s'il est impersonnel, c'est qu'il exclut ou dépasse toute limite. Théol. cath.t. 4, 1920, p. 1275.
C. − [En parlant d'une chose] Qui n'appartient pas ou ne s'applique pas à une personne en particulier. Autorité, force, loi impersonnelle. Un principe impersonnel, infaillible et absolu (Proudhon, Créat. ordre,1843, p. 98) :
2. En comparaison de ce chant magnifique [le chant grégorien], créé par le génie de l'Église, impersonnel, anonyme comme l'orgue même dont l'inventeur est inconnu, toute musique religieuse lui paraissait profane. Huysmans, À rebours,1884, p. 269.
PHILOS. Théorie de la raison impersonnelle. ,, Théorie d'après laquelle la raison de chaque homme ne lui appartient pas en propre, mais n'est que le reflet d'une Raison universelle à laquelle il participe`` (Lal. 1968).
D. − P. ext.
1. Qui ne prend en compte aucune impression individuelle, qui s'attache à rester objectif. Le grand art est scientifique et impersonnel (Flaub., Corresp.,1866, p. 257) :
3. Tu comprends en même temps combien cette conception implique un art impersonnel, détaché de l'artiste, qui ne fait qu'ordonner, combiner et condenser des motifs. Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1908, p. 343.
Point de vue impersonnel. En me plaçant au point de vue historique, (...) au célèbre point de vue impersonnel, (...) au point de vue objectif (Péguy, Argent,1913, p. 1246).
2. Qui ne reflète aucun caractère individuel; anonyme, banal. Écriture, voix impersonnelle. Un bureau impersonnel d'ingénieur départemental (Vogüé, Morts,1899, p. 124).Les mots qui servent à les exprimer [les concepts] donnent à la pensée un tour imprécis et impersonnel (Hist. sc.,1957, p. 1661) :
4. J'écrivis un jour que si Mistinguett (...) entrait en scène avec les girls pour se comporter en girl impersonnelle, nous sentirions que Mistinguett vient d'entrer en scène. Colette, Jumelle,1938, p. 168.
Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Vous vous rappelez ce que Bergson a écrit sur l'impersonnel, le socialisé, le tout fait (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 8).
REM. 1.
Impersonnalisme, subst. masc.,hapax. Système de pensée recherchant l'objectivité impersonnelle. C'est ce que nous nommons l'impersonnalisme objectiviste, ou, plus familièrement, l'objectivisme impersonnaliste (Péguy, Œuvres en prose, Compte rendu de mandat, Paris, Gallimard, 1959 [1901], p. 368).
2.
Impersonnaliste, adj. et subst.a) Adj. Qui relève de l'impersonnalisme (supra). b) Subst. masc. Personne qui est adepte de l'impersonnalisme. Ces grands impersonnalistes s'occupèrent beaucoup de ma personnalité. Je dus à leur sollicitude quatre mois de maladie (Péguy, Œuvres en prose, Personnalités,, 1959 [1902], p. 457Id., ibid., Personnalités, [1902], p. 457).
Prononc. et Orth. : [ε ̃pε ʀsɔnεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. a) 1174-76 gramm. (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2259 : verbe impersonal); 1606 subst. (J. Masset, Exact et très-facile acheminement à la langue françoise, p. 30 : Des impersonels); b) 1765 mode impersonnel (Encyclop. t. 8, p. 594a). B. 1. 1829 « qui n'appartient pas à une personne en propre » (Cousin, Hist. philos. xviiies., p. 479 : la raison est impersonnelle); 2. a) 1830 « exempt de tout caractère personnel (en partic., d'une œuvre artistique ou littér.) » (Michelet, Journal, p. 73 : [la musique] est aussi personnelle que l'architecture impersonnelle); b) 1838 « qui fait abstraction de ses idées personnelles » (Barb. d'Aurev., Memor. 1, p. 194); c) 1884 péj. « sans originalité, banal » (Adeline, Lex. termes art : Se dit d'un talent sans originalité); 3. 1833 « qui ne constitue pas une personne » (Michelet, Hist. de France, IV, V ds Rob.). Empr. au b. lat.impersonalis, aux sens A a et b. V. personnel. Fréq. abs. littér. : 380. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 89, b) 388; xxes. : a) 706, b) 906.
DÉR. 1.
Impersonnaliser, verbe trans.Rendre impersonnel. Le propre de la pensée est de nous impersonnaliser (Amiel, Journal,1866, p. 116).Emploi pronom. Toute la question est que l'artiste soit assez maître du sentiment, pour que celui-ci s'impersonnalise (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 137).[ε ̃pε ʀsɔnalize], (il) impersonnalise [ε ̃pε ʀsɔnali:z]. 1resattest. a) 1638 gramm. « rendre impersonnel » (Maupas, Gramm. fr., p. 246 ds Brunot t. 3, p. 214 : les tierces personnes singulieres des verbes impersonnalisez), b) 1866 pronom. « abdiquer sa personnalité » (Amiel, op. cit., p. 69); de impersonnel, suff. -iser*.
2.
Impersonnellement, adv.a) D'une manière impersonnelle, indépendante de la personne. Comme vous savez bien vous écouter impersonnellement dans celui qui vous lit! (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1861, p. 46).b) Gramm. Employé à la forme impersonnelle. Verbes transitifs conjugués impersonnellement (DG). [ε ̃pε ʀsɔnεlmɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. 1resattest. a) xves. « sans désignation de personne » (Chron. et hist. saintes et profanes, Ars. 3515, fo29c ds Gdf. Compl.), b) 1606 gramm. (Crespin), c) 1861 « d'une façon impersonnelle » (Villiers de L'I.-A., loc. cit.); de impersonnel, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 10.
BBG.Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois, 1905, t. 36, p. 441.