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HIÉRARCHIE, subst. fém.
Organisation fondée sur un ordre de priorité entre les éléments d'un ensemble ou sur des rapports de subordination entre les membres d'un groupe.
A. − RELIG. CHRÉT.
1. Ordre et subordination des neuf chœurs des anges, selon la Bible et la liturgie. Synon. ordre.La hiérarchie céleste; les trois hiérarchies d'anges. Les divines hiérarchies (...) tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs, de dominations, d'anges et d'archanges (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 31).Cet ange [de la Vierge aux rochers], à coup sûr, occupe un haut grade dans la hiérarchie du ciel; ce doit être un trône, une domination, une principauté tout au moins (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 65) :
1. ... trois hiérarchies, dont chacune se subdivise en trois ordres. À chaque hiérarchie est attribuée la contemplation spéciale de l'une des trois personnes de la sainte Trinité (...). À ces attributions contemplatives correspond un ministère actif. Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 191.
SYNT. La première hiérarchie d'anges (séraphins, chérubins, trônes); la seconde hiérarchie (dominations, puissances, principautés); la troisième hiérarchie (vertus, archanges, anges).
2. Ordre et subordination des différents degrés de l'état ecclésiastique. Hiérarchies de l'Église catholique; hiérarchie ecclésiastique; hiérarchie d'ordre (évêques, prêtres, ministres, diacres, etc.); hiérarchie de juridiction (pape, évêques, curés); hiérarchie de droit divin. C'est un point de doctrine catholique, que la hiérarchie, en remontant des ordres inférieurs, par les évêques, jusqu'au souverain pontife, est d'institution divine, et par conséquent immuable (Lamennaisds L'Avenir,1831, p. 346).C'est donc avec crainte et tremblement que tu dois monter jusqu'à ce haut degré de la hiérarchie sainte [la prêtrise] (Billy, Introïbo,1939, p. 142).
Emploi abs. La hiérarchie (p. ell. de hiérarchie ecclésiastique). Membres de la hiérarchie. Ce prêtre, digne d'être élevé aux plus hauts degrés de la hiérarchie (A. France, Orme,1897, p. 84) :
2. Le Christ est avec nous. Il ne cesse pas d'être présent à son Église, comme docteur par le pape et la hiérarchie, comme médecin par le sacrement de pénitence, comme nourriture par l'Eucharistie. Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 197.
B. − Usuel. Organisation sociale établissant des rapports de subordination et des degrés gradués de pouvoirs, de situation et de responsabilités. Synon. ordre, subordination, échelle, filière.Hiérarchie politique; degrés, échelons de la hiérarchie. La base de la société chinoise est la famille. Une hiérarchie rigoureuse en relie les membres, unis par le culte commun des ancêtres (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 204).Au sommet de cette hiérarchie domestique se tenait mon père. Et puis venaient son régisseur, présent partout, et dans chaque centre un maître-valet (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 166) :
3. ... son service de renseignements (...) était en effet remarquable, bien qu'il eût l'étrange défaut d'être composé d'agents trop haut placés dans la hiérarchie sociale car, si l'on voulait avoir quelques détails sur la vie d'un caporal, Tante Cora ne pouvait les demander qu'au Ministre de la Guerre ou, sur un médecin de quartier de Limoges, qu'à un chirurgien des hôpitaux de Paris. Maurois, Climats,1928, p. 40.
SYNT. La hiérarchie d'un parti, d'une société; hiérarchie de groupes, de classes, de milieux, de personnes; hiérarchie d'emplois, de fonctions; hiérarchie professionnelle; du haut en bas de la hiérarchie; établir une hiérarchie; être inférieur, supérieur à qqn dans une hiérarchie; occuper tel rang dans une hiérarchie; s'élever dans la hiérarchie; passer par tous les degrés de la hiérarchie.
Hiérarchie militaire (subdivisée en grades selon le rang et le commandement). Instances supérieures, membres de la hiérarchie militaire. La hiérarchie militaire anglaise ne permettant de citer dans un rapport aucun héros au-dessous du grade d'officier (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 419).L'homme le plus haut placé dans la hiérarchie militaire, le ministre qui a la garde des secrets de l'armée (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 71).
Emploi abs. La hiérarchie. Avoir le sens, le sentiment, le respect de la hiérarchie; gravir les échelons les plus élevés de la hiérarchie. Le commandant, en dépit de la hiérarchie, mit le jeune Napoléon à la tête du polygone, de préférence à d'autres d'un rang supérieur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,1823, p. 86).D'un bout à l'autre de la hiérarchie, écrit-il [de Lattre], particulièrement chez les officiers, l'impression générale est que la nation les ignore et les abandonne (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 140) :
4. Ce que je voulais dire de l'organisation militaire, c'est qu'elle a dû avoir sa raison d'être aux temps héroïques de l'Empire (...). Mais maintenant qu'en haut il n'y a plus que des bureaux et des députés, la hiérarchie devient risible. Cette immense pyramide de gens qui observent minutieusement leurs distances, c'est pour supporter un monsieur, qui écrit dans un fauteuil vert et qui ne voit pas plus loin que ceux qui sont en bas. Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 151.
Hiérarchie administrative (subdivisée en échelons selon le rang et la fonction); hiérarchie universitaire. Avoir telle place dans la hiérarchie; s'élever dans la hiérarchie; le respect de la hiérarchie. Où classer dans la hiérarchie administrative la fonction de secrétaire général qui a des attributions si nombreuses et si diverses? (Baradat, Organ. préfect.,1907, p. 181).« Ces Messieurs » représentaient la partie des hiérarchies administratives françaises qui constituait au-dessus de Monsieur Boudet une sorte de cylindre fait de rondelles successives et superposées (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 319).
C. − Au fig. Classification, de gradation croissante ou décroissante selon une échelle de valeur, de grandeur ou d'importance. Synon. classement, classification, éventail, gamme, échelle, série, succession.Ceux qui ont su établir entre leurs passions une hiérarchie intelligente, et qui ont préféré la gloire politique aux affaires les plus fructueuses (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 93).Traversant le bourdonnement des mouches et les crissements des cigales, plus hauts qu'eux sur la hiérarchie des bruits, des meuglements de bestiaux (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 219) :
5. On sait la hiérarchie admise par la science dans l'évolution du langage : au degré le plus bas le langage actif, au-dessus le langage émotif, au sommet le langage intellectuel. Benda, Fr. byz.,1945, p. 54.
SYNT. Hiérarchie des salaires, des revenus, des catégories, des genres, des espèces, des sciences, des normes; hiérarchie de valeurs, de devoirs; hiérarchie savante, établie, déterminée, fonctionnelle, intellectuelle, morale, organique, positive, spirituelle, théorique, traditionnelle, verticale.
Prononc. et Orth. : [jeʀaʀ ʃi] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Ac. 1694 : ,,Quelques'uns prononcent comme s'ils écrivaient gérarchie``. Étymol. et Hist. 1. a) Début xives. gerarchie théol. « ordre et subordination des différents chœurs des anges » (Vie de Saint Denis, Ms Londres Brit. Mus. add. 15606, fo133c ds Gdf. Compl.); 1521 ierarchiez celestes (G. Briçonnet, Corresp. G. Briçonnet - M. d'Angoulême, éd. C. Martineau et M. Veissière, p. 118); 1545 Hiérarchie céleste (Calvin, Instit. de la relig. chrét., IV, 6, 10, éd. J. D. Benoit, t. 4, p. 115); b) ca 1389 gerarchie « ordre et subordination des divers degrés de l'état ecclésiastique » (Ph. de Mézières, Songe du vieil pelerin, éd. G.W. Coopland, chap. 83); 1545 Hiérarchie (Calvin, op. cit., IV, 4, 4, t. 4, p. 76); 2. ca 1389 gerarchie p. ext. « ordre et subordination des rangs, des pouvoirs, etc., dans une société » (Ph. de Mézières, loc. cit.); 3. 1784 hiérarchie « organisation d'un ensemble selon la valeur de ses éléments » (Rivarol, Universalité de la langue fr., p. 33 ds Rob.). Empr. au lat. médiév. eccl.hierarchia (ixes., 1006, s. réf. ds Latham; 1161-62 ds Mittellat. W. II, 28, 59, s.v. caelestis), lui-même du gr. eccl. ι ̔ ε ρ α ρ χ ι ́ α, aux sens 1 a et b (fin ves.-début vies., Pseudo-Denys, π ε ρ ι ̀ τ η ̃ ς ο υ ̓ ρ α ν ι ́ α ς ι ̔ ε ρ α ρ χ ι ́ α ς et π ε ρ ι ̀ τ η ̃ ς ε ̓ κ κ λ η σ ι α σ τ ι κ η ̃ ς ι ̔ ε ρ α ρ χ ι ́ α ς [textes trad. en lat. au mil. du ixes. par Jean Scot Erigène], v. Théol. cath. I, 1192, s.v. ange, IV, 429-430, s.v. Denys l'Aréopagite; Encyclop. brit. VII, 465, s.v. Dionysius the Areopagite). Cf. aussi gr. de basse époque ι ̔ ε ρ α ρ χ ι ́ α « dignité de hiérarque, dans les provinces grecques de l'Empire romain » (Liddell-Scott Suppl.), dér. de ι ̔ ε ρ α ́ ρ χ η ς « (hiérarque*); suff. -ι ́ α (-ie*). Fréq. abs. littér. : 755. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 672, b) 817; xxes. : a) 1 088, b) 1 544. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 315. - Richard (W.) 1959, pp. 90-91. - Vardar (B.). Struct. fondamentale du vocab soc. et pol. en France, de 1815 à 1830. Istambul, 1973, p. 245.