| HABIT, subst. masc. A. − 1. Au sing., vieilli ou littér. Manière d'être habillé, et, p. méton., ensemble des vêtements de dessus. Synon. costume, habillement, tenue.Un pèlerin de Palestine emporte sur son habit les coquillages de la rive (Quinet, Ahasvérus,1833, 4ejournée, p. 350).Je ne vous retrouve pas en moinillon, les mains dans les manches et la tête dans le capuchon (...). C'est un habit commode (Claudel, Otage,1911, II, 1, p. 250).V. costume ex. 4. − [Avec un déterm.] Manière d'être habillé, et, p. méton., ensemble des vêtements de dessus propres à une personne, à un groupe social ou à une activité, une circonstance. Des soldats, vêtus de l'habit sarrazin, entourent le prince (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 282).Cet habit de plongeur (...) avec ses gros yeux et son visage de morse (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 31) : 1. Leur conversion [des barbares] au christianisme, qu'était-ce, sinon leur affiliation à Rome, par les évêques, continuateurs directs de l'habit, de la langue et des mœurs romaines?
Renan, Avenir sc.,1890, p. 392. SYNT. Habit ecclésiastique, européen, laïque, monastique, religieux; habit d'amazone, d'arlequin, de novice, de pénitent, de polichinelle, de religieux/-euse; habit d'apparat, de bal, de cérémonie, de chasse, de cheval, de cour, de deuil, de fête, de gala, de ville, de voyage; endosser, mettre, ôter, porter, revêtir un habit; changer d'habit. 2. Au plur., cour. Ensemble des vêtements de dessus. Beaux, riches, vieux habits; brosse à habits; marchand d'habits (synon. chiffonnier, fripier). Comme il marchait vite dans ses habits trop larges, les pans de sa jaquette se soulevaient derrière lui (Ramuz, A. Pache,1911, p. 15).Il déshabilla précipitamment l'officier, pris (...) de rage parce que les habits ne se dégageaient pas assez vite du corps (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 386) : 2. Fix fut renversé et se releva, les habits déchirés (...). Son paletot de voyage s'était séparé en deux parties inégales, et son pantalon ressemblait à ces culottes dont certains Indiens (...) ne se vêtent qu'après en avoir préalablement enlevé le fond.
Verne, Tour monde,1873, p. 147. − [Avec un déterm.] Ensemble des vêtements de dessus propres à une personne, à un groupe social ou à une activité, à une circonstance. Habits pontificaux, royaux, sacerdotaux; habits de deuil, du dimanche. Le saltimbanque Nicolo, encore vêtu de ses habits de tréteaux (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 534).Ce matin, elle est allée à la messe, mais avec les habits de son rang et non plus déguisée en paysanne (Camus, Chev. Olmedo,1957, 1rejournée, 2, p. 722) : 3. Bien qu'elle aimât à lire, elle ne l'aurait jamais osé un jour de semaine, la lecture étant (...) trop noble (...) pour s'y adonner en habits de travail. Mais le dimanche après-midi, revêtue de sa bonne robe sur laquelle elle passait un tablier blanc, (...) là elle pouvait sortir ses livres.
Guèvremont, Survenant,1945, p. 57. B. − En partic. 1. Vêtement de dessus des religieux, des religieuses. Christophe Colomb, qui vécut et mourut comme un saint et porta l'habit du bon saint François (A. France, Jard. Épicure,1895, p. 284) : 4. ... ce siècle [le xixe] qui, à son aurore, avait applaudi et tressailli de joie à la restauration du culte, en était revenu à la haine du prêtre; l'insulte s'attachait à l'habit.
Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 422. ♦ ,,Habit long. La soutane. Habit court. L'habit noir que portent les ecclésiastiques quand ils ne sont pas en soutane`` (Ac.1932).V. clergyman B. − Locutions ♦ Prendre, recevoir/quitter l'habit. Entrer en religion/se défroquer. Une lettre du roi (...) avec ordre de faire à l'instant quitter l'habit à ces novices et de les renvoyer (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 25) : 5. Dans l'autobus (...) un groupe de six à huit converses est monté, accompagné de deux religieuses; elles avaient pris l'habit aujourd'hui même...
Larbaud, Journal,1932, p. 257. ♦ Prise d'habit. Entrée en religion. Synon. (pour les religieuses) prise de voile, vêture.La liturgie de la prise d'habit et de la profession (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 203). − Loc. proverbiale. L'habit ne fait pas le moine. Il ne faut pas se fier aux apparences (souvent trompeuses). Cela changea toutes mes idées sur les riches commerçants; je reconnus alors que l'habit ne fait pas le moine, et depuis je ne me suis plus trompé sur ce chapitre (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 332). 2. Vêtement masculin de dessus, couvrant le haut du corps, à longue(s) basque(s) échancrée(s) par devant. a) [Porté autrefois par les aristocrates, les bourgeois, le personnel de service en grande tenue] Habit, veste et culotte de même étoffe (Ac.1835, 1878).Les huissiers en habit et en culotte bleu clair, avec l'épée et le tricorne (Zola, E. Rougon,1876, p. 162).Les uns étaient vêtus de la veste, de l'habit et de la culotte, comme en l'ancien temps (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 148) : 6. ... le jeune d'Israëli (...) s'habilla avec une recherche extravagante, habit de velours noir, manchettes de dentelle, bas de soie noirs à rubans rouges...
Maurois, Disraëli,1927, p. 29. SYNT. Habit bleu, brun, écarlate, gris, marron, noir, rouge; habit de drap, de nankin, de satin, de soie, de toile; basques, boutons, col, collet, manches, pans, poches, revers d'un habit. ♦ Habit français (vx), à la française. Habit aux basques pleines et non échancrées par devant. On m'avait dit que l'habit français réussissait à la cour : je voulus avoir un habit français (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 224).M. Levrault (...) avait commandé un magnifique habit à la française. Il était bien décidé à ne se montrer au roi qu'en culotte courte, avec l'épée à poignée d'acier (Sandeau, Sacs,1851, p. 43). ♦ Habit habillé (vx). Habit qui était porté pour les cérémonies. Synon. habit à la française.Un monsieur qu'à ses bas de soie et son habit habillé (à onze heures du matin) je reconnus pour un candidat au corps-législatif (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 32).Bonaparte avait voulu que les hommes de la Révolution ne parussent à sa cour qu'en habit habillé, l'épée au côté (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 50). ♦ Habit(-)veste. Habit à basques courtes. Poinsot était presque toujours en habit veste, chapeau rond, quelquefois enfoncé dans de grandes bottes (Michelet, Mémorial,1822, p. 192) : 7. Suivant leur position sociale différente, ils avaient des habits, des redingotes, des vestes, des habits-vestes (...) très courts, ayant dans le dos deux boutons rapprochés comme une paire d'yeux, et dont les pans semblaient avoir été coupés à même un seul bloc, par la hache du charpentier.
Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 29. b) [Porté autrefois par les militaires, à l'exclusion des hussards] Habit de dragon, de garde national; habit rouge des soldats anglais. Vieux royaliste de province (...) il avait fort tardé à changer l'habit blanc des troupes de Sa Majesté contre l'habit bleu des soldats de l'an II (A. France, Étui nacre, Mém. volont., 1892, p. 241). ♦ Habit (d')uniforme*. L'habit d'uniforme, les armes, le chapeau, etc., tout ce qui fait un garde d'honneur (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 100). − P. méton. Les habits rouges. Les soldats anglais. Waterloo. − Vilaine date ! ah ! les habits rouges nous ont décousus, une fois pour toutes (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 241).À Bordeaux, le bourgeois était pour le roi. Ils auraient voulu voir débarquer les habits rouges (Pourrat, Gaspard,1925, p. 178). c) [À l'époque contemp., de couleur gén. noire, porté pour les cérémonies; le plus souvent sans déterm.] Habit à queue d'aronde, de morue, de pie (synon. frac, jaquette). Un académicien en habit brodé de palmes vertes, armé de son glaive inoffensif et portant sous son bras ses œuvres complètes en plusieurs tomes (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 158).Deux clients très élégants, en habit et cravate blanche sous leurs pardessus (Proust, Temps retr.,1922, p. 822).L'indication de tenue de mondaine et d'habit du soir (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 141).V. basque1ex. 4 : 8. ... lorsque Sylvain Itkine (...) me dit qu'il jouerait le chœur en habit de soirée, j'approuvai son idée, qui manifestait que les paroles du chœur valent pour aujourd'hui comme pour il y a six mille ans.
Montherl., Pasiphaé,1936, p. 107. − En partic. Habit vert, académique, d'académicien. Habit noir à broderies vertes, tenue officielle des membres de l'Institut. Broderies de l'habit académique (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 47) : 9. ... il allait inaugurer devant les cinq académies réunies en assemblée solennelle son habit d'académicien, tout luisant du drap neuf et de la broderie soyeuse couleur d'espérance.
A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 227. ♦ P. méton. Académicien. Que le diable emporte l'Académie et ses habits verts! (Balzac, Corresp.,1845, p. 781).Nordomus Évayren (...) va toujours frétiller chez les habits verts (Vogüé, Morts,1899, p. 46).Dignité d'académicien. Briguer l'habit vert. B. académicien arrivé par les dîners (...). Enfin, il a son habit vert, il est content, il peut prêcher à autrui, officiellement, la morale (Taine, Notes Paris,1867, p.131) : 10. La bêtise, la nullité de certains généraux célèbres, ou maréchaux de France (hors de leur spécialité), fait la stupéfaction des intellectuels qui ont eu l'occasion de les approcher; et il faut garder cet étouffant secret, sans quoi, pas d'habit vert...
Montherl., Lépreuses,1939, p. 1396. C. − P. métaph. ou au fig. 1. Ce qui recouvre, orne. Puisses-tu [un livre] (...) grâce à (...) ton bel habit de maroquin, entrer dans la vitrine de quelque agent de change bibliomane (A. France, Bonnard,1881, p. 503).Panturle a pris sa vraie figure d'hiver. Le poil de ses joues s'est allongé, s'est emmêlé comme l'habit des moutons (Giono, Regain,1930, p. 51) : 11. Toute la nature met
Son habit fleuri de mai
L'habit est là préparé
Mais elle est nue à moitié
Claudel, Poés. div.,1952, p. 867. 2. Apparence. La révolte éternelle et invincible de l'instinct (...) éclatant volontiers au moment le plus imprévu, sous l'habit le plus respectable (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 288).Notre peau superficielle, notre habit familial et social, notre convention bien établie étouffent les tempêtes, les maintiennent en vase clos (Arnoux, Double chance,1958, p. 24) : 12. Cette simplicité qu'on exalte (...) tient souvent, pour la littérature, à des tournures de langage plus incultes dans les poésies primitives : en un mot elle est plus dans l'habit de la pensée que dans la pensée elle-même.
Delacroix, Journal,1857, p. 77. Prononc. et Orth. : [abi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 abit « vêtement de religieux » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 6489); ca 1350 prendre l'habit de religion (G. Le Muisis, Poésies, t. 1, p. 142 ds T.-L.); 2. a) sing. 1er quart xiiies. habit « habillement » (Cortois d'Arras, éd. E. Faral, 592); b) surtout au plur. av. 1288 fig. en simple abis (A. de La Halle, Chansons, éd. J. H. Marshall, XXVIII, 26); 3. 1670 habit « veston de cérémonie ajusté à la taille, et à longues basques » (Molière, Bourgeois gentilhomme, 11, 5). Empr. au lat.habitus « mise, tenue », v. habitus. Fréq. abs. littér. : 4 818. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 827, b) 11 622; xxes. : a) 5 060, b) 2 833. Bbg. Quem. DDL t. 10, 16. |