| HÉROS, HÉROÏNE1, subst. I. − Héros, subst. masc. A. − MYTH. Être fabuleux, la plupart du temps d'origine mi-divine, mi-humaine, divinisé après sa mort. Synon. demi-dieu.Des hymnes, des traditions sacrées (...) rappelaient à tous les Grecs les hauts faits du héros de Tirynthe, du fameux fils de Jupiter et d'Alcmène, (...) le grand Hercule, le héros des douze travaux, celui-là même à qui les Grecs attribuaient tant d'actions merveilleuses, et qu'ils honoraient sous les formes d'un héros, vêtu de la peau du lion et armé de la massue (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 121).Mes guides m'entraînent vers les sculptures du temple de Thésée (...). Si le héros divinisé, plane du haut de l'Olympe immobile, les autres personnages − simples mortels − ont les mouvements les plus animés (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 181) : 1. Puis, les monstres sortirent avec tumulte de son sein [de la terre], et un peu plus tard les héros. Nul n'ignore que le dernier de ces races évanouies, instruit sur le penchant des collines de Thessalie, naquit de Thétis blanchissante. Ce demi-dieu n'oubliait pas de venir implorer dans les difficultés la déesse dont il avait hérité le courage...
Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 204. B. − Personnage légendaire auquel la tradition attribue des exploits prodigieux. Les étudiants de Gœttingue qui étaient là, pensaient aux héros des Niebelungen, aux personnages des légendes du Rhin (Péladan, Vice supr.,1884, p. 155).Les légendes irlandaises aiment à opposer Ossian, chantant les héros, les guerres, les chasses magnifiques, etc., à saint Patrice et à son troupeau psalmodiant (Renan, Avenir sc.,1890, p. 520).La longue épopée des héros d'autrefois, contée en d'innombrables chansons de geste (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 114). II. − Héros, héroïne1, subst. A. − 1. Homme, femme qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d'âme et d'élévation morale. Il admirait de loin l'ascète ou le héros, tous ceux dont la grandeur ou le sublime éveillait en lui une sourde résonance vaguement douloureuse (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 139).Non, dit-il, des pacifistes, ce sont des héros. Ce sont des gens qui sacrifient leurs intérêts à une idée qu'ils ont dans la tête (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 56) : 2. Chez cette silencieuse, si frêle, déjà l'héroïne se réveillait. Elle ne craignait rien, elle avait une âme ferme, invincible. Dans sa douleur, elle ne songeait plus qu'à ravoir le corps de son mari, pour l'ensevelir.
Zola, Débâcle,1892, p. 367. − En partic. ♦ Homme, femme qui fait preuve, dans certaines circonstances, d'une grande abnégation : 3. Les héros de la science sont ceux qui, capables des vues les plus élevées, ont pu se défendre toute pensée philosophique anticipée, et se résigner à n'être que d'humbles monographes, quand tous les instincts de leur nature les eussent portés à voler aux hauts sommets.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 235. ♦ Combattant(e) remarquable par sa bravoure et son sens du sacrifice. Glorieux, vaillant héros; héros de la Grande Armée, de la Révolution; héroïnes de la Résistance; mourir, se comporter en héros. J'eus l'idée d'une très originale thèse de doctorat. Il s'agissait d'établir un parallèle entre l'héroïne berbère du viiesiècle, qui lutta contre l'envahisseur arabe, la Kahena, et l'héroïne française qui lutta contre l'envahisseur anglais, Jeanne d'Arc (Benoit, Atlant.,1919, p. 141).Resté seul avec une poignée de fidèles, il se défendit en héros (Grousset, Croisades,1939, p. 4).Je ne mets en scène ni les maquisards ni les saboteurs des usines (entre autres exemples), qui furent parmi les plus purs et les plus désintéressés héros de la Résistance (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 5). − P. appos. À la vigueur rapide dont ils étaient servis, à la mobilité parfaite dont les bataillons les facilitaient en s'ouvrant et se refermant, on eût pu reconnaître non seulement le peuple héros, mais le peuple militaire (Michelet, Hist. de la Révol. fr., Paris, Gallimard, t. 2, 1952 [1853], p. 608). − Loc. [Avec le subst. masc.] ♦ Loc. proverbiale. Il n'y a point de héros pour son valet de chambre. Les proches des grands hommes, sont souvent témoins de leurs faiblesses et de leurs défauts. (Ds Littré, DG, Rob.). ♦ Être le héros de qqn (fam.). Incarner toutes les vertus aux yeux de quelqu'un; être l'objet d'une admiration excessive de la part de quelqu'un. Vous êtes son héros. C'est son héros, il ne cesse de le vanter (Ac. 1835-1935). 2. P. ext. a) Homme, femme qui porte un trait de caractère à son plus haut degré. Synon. champion (fam.), modèle, parangon de (qqc.).C'est un héros de sagesse, de désintéressement, de constance (Ac. 1835-1935). Ayant à écrire sur Napoléon, je voudrais pouvoir montrer parfaitement cette misère des contemporains du plus grand des hommes, qui eussent dû, à défaut de compréhension supérieure, être des héros de dévouement et d'obéissance, des héros d'admiration (Bloy, Journal,1903, p. 180). b) [Avec une intention plais.] Homme, femme qui se distingue dans une activité particulière. On m'accabla de félicitations. Je devins le héros de l'enquête, le champion du travail national (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 239).Elle était, au su de l'univers, une héroïne de l'épargne (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 113). − En partic. ♦ Héros de la fête. Celui en l'honneur de qui la fête est donnée; celui qui y brille. Le suisse et le bedeau se trouvèrent à leur poste, et furent moins étonnés de la magnificence du pourboire en apprenant que le héros de la fête était un marchand de vin (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 288). ♦ Héros du jour. Celui qui se trouve sous les feux de l'actualité, qui fait momentanément l'objet de l'attention, de la considération générales. Tout a été dit sur le travail long, inspiré du véritable héros du jour, ce peintre (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 735). B. − 1. Principal personnage masculin ou féminin d'une œuvre artistique. Héros, héroïne d'un conte, d'un film, d'une pièce de théâtre. Les rêves de modistes parfumées au musc s'attachant à tous les héros des romans d'aventures (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Soir, 1889, p. 1141).Dans Adrienne Mesurat, l'héroïne fait tomber son père dans l'escalier, où elle passe ensuite une partie de la nuit (Green, Journal,1933, p. 137) : 4. Les trois héros [de Volupté, Mademoiselle de Maupin, Le Rouge et le Noir] en sont presque surhumains : le premier, Amaury, par son inépuisable effusion mystique; le second, d'Albert, par son infatigable élan vers le Beau; le troisième, Julien, par l'intarissable jet de sa volonté.
Bourget, Essais psychol.,1883, p. 104. ♦ Au fig., fam. Héros, héroïne de roman. Homme, femme auxquels arrivent des aventures extraordinaires qui semblent sorties de l'imagination d'un romancier. − Christian (...) : Il me faudrait de l'éloquence! − Cyrano (...) : Je t'en prête! Toi, du charme physique et vainqueur, prête-m'en : Et faisons à nous deux un héros de roman! (Rostand, Cyrano, 1898, II, 10, p. 102). − En partic. [Suivi d'un déterm.] Personnage masculin ou féminin propre à un auteur, p. ext., à un genre, à une époque. Héros cornélien; héroïnes balzaciennes, le héros romantique. Tous les héros de Dostoïevsky s'interrogent sur le sens de la vie. C'est en cela qu'ils sont modernes (Camus, Sisyphe,1942, p. 142).V. brave ex. 12. 2. Homme, femme, qui joue le rôle principal (dans un événement). Héros, héroïne de l'aventure; héros, héroïne d'un fait divers. Vous souvenez-vous d'un fait divers qu'on a lu dans les journaux (...), l'histoire du club des suicidées? (...) Je pourrais vous réciter les noms des héroïnes de cette anecdote (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 320).Ces collégiens ignorent tout du père Ébé en dehors de sa classe, de son trajet quotidien entre son domicile et le lycée (...). Ils en font le héros de toutes les aventures possibles (Thibaudet, Réfl. litt.,1936, p. 169).Toute une société desséchée par l'intelligence, avait besoin de recommencer à croire à l'amour, et (...) cet homme déjà vieillissant et qu'on n'avait jamais aimé (...) devint le héros de ce retour à la fidélité et à l'amour (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 71). Prononc. : [eʀo] init. asp., [eʀ
ɔin] init. non asp. Homon. héraut, héroïne (méd.). Au masc., aspiration non étymol. pour empêcher la liaison et éviter le calembour : les héros/les zéros. L'aspiration remonte à l'apparition du mot zéro dans la lang. (xves.). Elle n'a pas lieu d'exister dans les autres mots de la famille. Étymol. et Hist. I. 1. 1372-74 mythol. heroes (Oresme, Politiques, éd. A. D. Menut, p. 372a); 2. 1555 herôs « homme de grande valeur, digne d'estime » (Ronsard, Hymnes, Prière à la Fortune, éd. P. Laumonier, t. 8, p. 109, 157); 3. 1651 « personnage principal dans une œuvre littéraire » (Scarron, Roman Comique, éd. E. Magne, p. 12). II. 1. 1554 « femme qui est le principal personnage dans une œuvre littéraire » (Ronsard, Bocage, t. 6, p. 28, 23); 2. 1578 « femme qui s'est distinguée par une action d'éclat (ici cont. mythol.) » (Id., Sonnets pour Hélène, 47, t. 17, p. 237, 23). I empr. au lat. heros « demi-dieu » et « homme de grande valeur », du gr. η
́
ρ
ω
ς « demi-dieu », « tout homme élevé au rang de demi-dieu ». II empr. au lat. heroinē, heroina « demi-déesse, héroïne », du gr. η
̔
ρ
ω
ι
́
ν
η
« id. ». STAT. − Fréq. abs. littér. Héros : 4 657. Héroïne : 495. Fréq. rel. littér. Héros : xixes. : a) 8 730, b) 5 818; xxes. : a) 5 505, b) 5 926. Héroïne : xixes. : a) 662, b) 563; xxes. : a) 728, b) 799. BBG. − Bonnaud-Lamotte (D.). Contribution des programmes informat. de dép. et d'analyse à la lexicol. de la crit. littér. marxiste. Trav. Lexicom. Lexicol. pol. 1977, no2, p. 37. - Delb. Matér. 1880, p. 164. - Hamon (P.). Analyse du récit. Fr. mod. 1974, t. 42, p. 144. |