| * Dans l'article "GUEULE,, subst. fém." GUEULE, subst. fém. A. − [Concernant certains animaux] Bouche des animaux carnassiers, des reptiles, des poissons, des batraciens. Le crapaud blanc accroupi ne ferma pas sa gueule humide (Schwob, Monelle,1894, p. 89).C'était là qu'il retournait à chaque voyage, une noisette ou une faîne dans sa petite gueule mi-fermée où saillaient les lames jumelles de ses grandes incisives (Pergaud, De Goupil,1910, p. 127) : 1. Lorsqu'un loup ravissant rôde autour d'une bergerie, son œil s'enflamme à l'aspect du troupeau nombreux nourri dans un gras pâturage; la vue de la brebis excite sa faim, et sa langue, sortant de sa gueule béante, semble déjà teinte du sang dont il brûle de s'abreuver...
Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 169. − P. anal. On me conseilla de m'adresser à M. Laffitte et M. Laffitte m'avança dix mille francs que je jetai dans la gueule des créanciers les plus affamés (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 103). − VÉN. Chien qui chasse de gueule. Chien qui aboie en suivant les traces (cf. Baudr. Chasses 1834). − Loc. proverbiale. Se jeter, se précipiter, se fourrer dans la gueule du loup. Aller au-devant d'un danger certain. La maintenance de cette direction me surprenait. Elle nous menait en pleine gueule du loup, à Gênes (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 215). − Par allégorie. [Concernant des représentations fabuleuses] Gueule de dragon, de démon; gueule de l'enfer : 2. Ce bas-ventre en délire porte, absorbe et émet toute la puissance lumineuse de la composition. Jamais le désir effréné ne fut si brutalement peint, avec un sens plus intense de la force d'espèce ignoble qui presse une chair de s'offrir comme s'offre une gueule de monstre.
Valéry, Variété V,1944, p. 190. B. − [Concernant l'homme] Pop. et fam. 1. Bouche. a) [En tant qu'orifice initial du tube digestif] S'en mettre plein la gueule; plaisirs de la gueule. ♦ Les choses de la gueule. La nourriture et la boisson. V. gueulard ex. 2. − Expressions ♦ Être porté sur la gueule. Chercher les plaisirs de la table. ♦ Être une fine gueule. Être gourmet. Adrien Hébrard, une des plus fines gueules que j'ai connues, Paul Gaulot (...) et moi menions le chœur de la renaissance stomacale (L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 185). ♦ Emporter la gueule. [En parlant de mets épicés, d'alcool] Enflammer le palais. Et après ce fromage blanc (...) le tord-boyaux tout pur de la demoiselle. Le heurt est violent, et comme l'on dit dans la langue du lieu : Ça emporte la gueule (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 151). ♦ Avoir la gueule de bois. Avoir la bouche sèche et pâteuse à la suite d'un excès de boisson. Son cœur battait, il avait la gueule de bois, comme s'il s'était saoulé la veille (Sartre, Morts ds âme,1949, p. 9).Au fig. L'infinité de Dieu, de sa colère et de son indifférence, lui donnait la gueule de bois (Aymé, Vouivre,1943, p. 157). − Proverbe. La gueule fait périr plus de gens que le glaive. Les excès de table sont plus meurtriers que la guerre. b) [En tant qu'elle contribue à l'émission de la voix articulée] ♦ Vulg. Fermer, boucler sa gueule. Se taire. Vas-tu la fermer ta gueule, tout de même (Aymé, Rue sans nom,1930, p. 68).P. ell. Ta gueule! Tais-toi. Ta gueule, fais pas le gentilhomme. Dis-moi plutôt pourquoi tu étais chez Chauvieux cet après-midi (Aymé, Travelingue,1941, p. 242). ♦ Donner de la gueule, (pousser) un coup de gueule. Crier, gronder, chanter fort. C'était le coup de gueule de trois heures moins le quart [à la Bourse], la bataille des derniers cours, l'enragement à savoir qui s'en irait les mains pleines (Zola, Argent,1891, p. 45). ♦ Fort en gueule, grande gueule. Bavard et grossier. La grande qualité d'un ministre, la seule, Grâce à l'ordre nouveau, c'est d'être fort en gueule (Pommier, Colères,1844, p. 118). ♦ Crever la gueule ouverte. Mourir sans aucune assistance, privé de secours : 3. Moi j'en ai vu qui avaient de la barbaque, les premiers jours, ils te la bouffaient sous le nez, ils t'auraient laissé crever la gueule ouverte.
Sartre, Mort ds âme,1949, p. 259. c) [En tant qu'elle exprime un sentiment d'hilarité] Se fendre la gueule. V. fendre A 2 b. 2. Visage, figure. a) [En tant que réalité physique] Il est mort comme un mec vivant dans la charge (...) une balle dans la gueule (Carco, Innoc.,1916, p. 155).J'aurais dû me douter. Il a une sale gueule (Aymé, Tête autres,1952, p. 162) : 4. − Est-ce que c'est plus important d'avoir une jolie gueule, ou d'être bien faite? − Ça dépend. − De quoi? − De l'ensemble, et aussi des goûts.
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 54. ♦ Gueule d'empeigne*. Gueule de raie*. ♦ Coller, mettre la/sa main sur la gueule de qqn. V. coller ex. 8.Sur le coin de la gueule. V. gnon ex. de Queneau. ♦ Casser la gueule à qqn. Le frapper violemment au visage : 5. Alors, avec cette facilité des foules à changer de passion, les soldats acclamèrent le caporal, qui répétait son serment de casser la gueule au premier de son escouade qui parlerait de ne pas se battre.
Zola, Débâcle,1892, p. 49. Se casser la gueule. Faire une chute. Mais figurez-vous qu'un matin on l'a trouvé étendu, tout de son long, au bas du mur, dans la rue. Il s'était cassé la gueule en repartant (Queneau, Pierrot,1942, p. 42).Au fig. Subir un échec. J'ai tourné « L'écume des jours » d'après Boris Vian; le film s'est cassé la gueule (L'Express,9 mars 1970ds Gilb. 1971).Aller se faire casser la gueule. Aller au-devant de la mort, au-devant de sa perte; aller à la guerre. C'est vexant tout de même d'être là, à se faire casser la gueule pour les autres, quand les autres sont quelque part, à fumer tranquillement leur pipe (Zola, Débâcle,1892p. 359).Gueule cassée. Visage blessé. Il s'est battu avec nous dans les Flandres, et a reçu là-bas une terrible blessure au visage, qui lui vaut parmi les Bédouins le surnom de l'Homme à la gueule cassée (Tharaud, Alerte en Syrie!1937, p. 125).− P. méton., arg. ♦ Gueule cassée (arg. milit.). Blessé de la face. [À la Loterie nationale] Tirage des « Gueules cassées ». ♦ Gueule noire (arg. des mines). Mineur : 6. Celui qui les a fréquentées quelque peu tire respectueusement son chapeau devant les attachantes et glorieuses « gueules noires ». C'est avec le souci perpétuel de la sécurité que doivent travailler les artisans de la mine.
E. Schneider, Charbon,1945, p. 228. b) [En tant qu'elle exprime un sentiment, une émotion, un état d'âme, un comportement] Faire une sale gueule, une drôle de gueule; avoir une bonne gueule. En faire une gueule! : 7. Il s'aperçoit pour la première fois que ses camarades le regardent d'une façon anormale. Il constate : − Vous en faites des gueules! Il essaie de sourire, mais il ne rencontre que des visages fermés, figés, et son sourire tombe.
Sartre, Jeux sont faits,1947, p. 153. ♦ Faire la gueule (à qqn). Bouder. Dis donc, Marie-bon-bec, ne fais pas ta gueule, cria Coupeau. Tu sais, à Chaillot les rabat-joie! (Zola, Assommoir,1877, p. 704). ♦ Arriver, avoir, venir la gueule enfarinée. Arriver, paraître, venir sans méfiance ou avec une feinte naïveté : 8. − Tu l'avais ta gueule enfarinée, hein, grand saligaud? qu'on l'asticotait nous Robinson, histoire de le faire grimper et de le mettre en boîte. Tu croyais que t'allais te l'envoyer hein? le gueuleton pépère avec les vieux?
Céline, Voyage,1932, p. 137. ♦ Se payer la gueule de qqn. Se moquer de. Il a cru qu'on se payait sa gueule (Cocteau, Machine infern.,1934, I, p. 38). 3. [En parlant d'une pers. ou d'une chose] Aspect, apparence. De jour, le château a une gueule invraisemblable (Giono, Gds chemins,1951, p. 216). ♦ Avoir de la gueule. Avoir quelque chose qui retient l'attention; être bien fait; avoir du chic. Quant aux Invalides, indiscutablement, « ç'a de la gueule » (H. Bazin, Vipère,1948, p. 219). ♦ Avoir une sale gueule. Offrir une triste apparence. Il ne fait pas froid du tout, mais le pays a vraiment une sale gueule (Giono, Gds chemins,1951p. 196). ♦ Avoir la gueule de l'emploi. Convenir pour l'emploi, le rôle, la fonction proposé(e). Enlève donc tes lunettes, dit Tortose à Pierrot, enlève donc tes lunettes, si tu veux avoir la gueule de l'emploi (Queneau, Pierrot,1942, p. 7). C. − [Dans le règne végét.] Fleur en gueule. ,,Se dit d'une corolle gamopétale divisée en deux lèvres, la supérieure ordinairement bifide, l'inférieure le plus souvent trilobée et présentant une bosselure saillante en dedans au palais qui ferme l'entrée de la gorge de la corolle`` (Littré-Robin 1858). D. − [Concernant certains objets] Ouverture béante. Gueule d'un four, d'une cruche, d'une gouttière, d'un canon. Chargés jusqu'à la gueule (...) les fours dévoraient des pelletées de charbon (A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 116) : 9. Et, depuis de longues minutes, il battait les pentes, lorsqu'il aperçut devant lui l'ouverture ronde, la gueule noire du tunnel. Un train montant s'y engouffrait, hurlant et sifflant, laissant, disparu, bu par la terre, une longue secousse dont le sol tremblait.
Zola, Bête hum.,1890, p. 43. ♦ Charger un canon jusqu'à la gueule. Bourrer l'âme du canon de poudre et de mitraille. Une fois réduits à quatre pouces de longueur, on charge ces petits canons jusqu'à la gueule (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 158). REM. 1. Gueugueule, subst. fém.[Souvent précédé de l'adj. petite et s'appliquant aussi bien à une pers. qu'à un jeune ou petit animal] Petite gueule. Le petit chien est mort. Quel dommage! (...) Sa gueugueule Et son nénez, roses tous deux semblaient la seule Chose vivante en lui (Verlaine, Dédic., Paris, éd. de Cluny, 1940 [1890], p. 178).Ah! Ah! grognassa Sylvestre Piboulet, on lui sert son petit déjeuner au lit, à Mistenflûte. Ces dames se dérangent pour sa petite gueugueule, ces dames le chouchoutent (Arnoux, Zulma,1960, p. 285). 2. Gueulette, subst. fém.[Dimin. plus affectif que gueugueule] Enfin la porte s'ouvre et une charmante gueulette de boniche apparaît dans le cadre, un sourire plein la bouche (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 260). 3. Gulaire, adj.,zool. Qui fait partie ou est autour de la gueule. Un fort repli gulaire transverse (E. Perrier, Zool., t. 4, 1928-32, p. 3094).Emploi subst. Plaque cornée autour de la gueule de certains animaux. La face ventrale [chez les tortues] est aussi protégée par des plaques cornées; ce sont une paire de gutturales ou gulaires (E. Perrier, Zool., t. 4, 1928-32p. 2978). Prononc. et Orth. : [gœl]. Att. ds Ac. 1694-1932, Homon. gueules. Étymol. et Hist. [Fin xes. gola « gosier, gorge » (Passion, éd. d'Arco S. Avalle, 102)] 1. a) ca 1135 os de la gole « os de la gorge, os du cou, au sens de vertèbres cervicales (v. J. Frappier ds Mélanges J. Boutière, pp. 238-239) » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 132); b) 1174-77 « bouche (en tant qu'organe servant à crier) » (Renart, éd. E. Martin, II, 384 : Harou! s'escrie a plaine goule); c) 1176-81 d'un animal (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 3363); d) fin xvie-début xviies. p. ext. « visage (ici fig.) » (Béroalde de Verville, Moyen de parvenir ds Jaub. : la goule enfarinée); 2. xiiies. « gloutonnerie, gourmandise » (Isopet de Lyon, 450 ds T.-L.); 3. 1176 gueule « ouverture béante » (Chr. de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 1942). Du lat. gula « gosier, gorge », « palais, bouche », p. ext. « gourmandise ». Fréq. abs. littér. : 1 578. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 046, b) 2 183; xxes. : a) 2 926, b) 2 888. Bbg. « Bottleneck » : goulot ou goulet d'étranglement? Actual. terminol. 1972, t. 5, no8, p. 3 - Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 310, 650. - Quem. DDL t. 2, 6, 7, 15; t. 9 (s.v. gueulette). |