| * Dans l'article "GRIFFER,, verbe trans." GRIFFER, verbe trans. A. − 1. [Le suj. désigne un animal] Donner des coups de griffes contre, sur (quelque chose). Les pattes folles, le chat moribond griffe l'air, se recroqueville en boule, ou se détend et ne crie pas (Renard, Poil Carotte,1894, p. 179) : 1. Rentrait-il avant onze heures du soir, elle [une chatte] l'attendait dans le vestibule, à la porte, griffait le bois, miaulait avant même qu'il n'eût pénétré dans la pièce; puis elle roulait de langoureuses prunelles d'or vert, se frottait contre ses culottes, sautait sur les meubles...
Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 118. − En partic. Égratigner (quelqu'un) d'un ou plusieurs coups de griffes. Petite Alice a eu aujourd'hui trois petits malheurs : le chat lui a griffé le bras, elle s'est pincé la main à un tiroir et s'est mordu un doigt en mangeant (Amiel, Journal,1866, p. 166).L'une [des bêtes] lui griffe la main d'une longue estafilade (Lorrain, Contes chandelle,1897, p. 67). ♦ Emploi abs. Elle [une chatte] ronronnait ravie et prête à mordre, car elle aime griffer autant qu'être flattée (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Chats, 1886, p. 1059). ♦ Emploi pronom. réciproque. Des dragons se griffent dans un champ de pivoines roses [dans une peinture] (Goncourt, Journal,1875, p. 1086). 2. [Le suj. désigne une pers.] a) Égratigner (quelqu'un, quelque chose) avec ses ongles. Si tu cessais de m'aimer, je te sauterais après, je te grifferais, je te grafignerais, je te jetterais de l'eau, je te ferais arrêter (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 169) : 2. Je tremblais de colère. Je fis le tour de la table, je saisis le petit Corse par le cou et je le soulevai, tout gigotant : je l'aurais bien cassé sur la table. Il était devenu bleu et se débattait, cherchait à me griffer; mais ses bras courts n'atteignaient pas mon visage. Je ne disais mot mais je voulais lui taper sur le nez et le défigurer. Il le comprit, il leva le coude pour protéger sa face...
Sartre, Nausée,1938, p. 210. ♦ Emploi abs. Se défendre, attaquer en égratignant avec les ongles. Elle, pas trop bonne non plus, mordait et griffait (Zola, Assommoir,1877, p. 751).Je n'en peux plus, et, tout d'un coup, j'ai des envies de griffer, de m'étirer violemment et d'écraser les mains de quelqu'un (Colette, Cl. à l'école,1900, p. 165). ♦ Emploi pronom. réciproque. Des tout petits se griffent, des fillettes interviennent, justicières (Frapié, Maternelle,1904, p. 54). − Emploi pronom. réfl. [Avec ou sans compl. d'obj. désignant une partie du corps] (Qqn) se griffe (qqc.) à (qqc.).S'égratigner à (quelque chose). Cinq jours (...) dans les bois, à me griffer les bras et les jambes aux ronces (Colette, Cl. à l'école,1900p. 245). ♦ [Sans compl. prép. à] Elle s'était griffé les mains en se creusant un trou dans une haie (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1327).L'épine du rosier ne griffe point, mais c'est l'imprudent qui se griffe par une manière violente de fuir (Alain, Propos,1926, p. 689). − Se faire griffer.Étrangler un chat sans se faire griffer, reconnais que c'est un tour de force (Duhamel, Maîtres,1937, p. 105).Il est peu probable (...) que le capitaine et Mademoiselle Clarisse aillent jusqu'au fond du Mexique se faire griffer par les ronces et piquer par les moustiques (Audiberti, Quoat,1946, 2etabl., p. 57). b) P. ext. Frotter la pointe de l'ongle ou des ongles sur (quelque chose). Synon. gratter.Il griffait doucement de ses ongles le velours de l'accoudoir (Bernanos, Imposture,1927, p. 414).Ses ongles roses griffaient lentement la nappe (Hamp, Marée,1908, p. 72). 3. [Le suj. désigne une plante, une chose] a) Égratigner, érafler. Une épine plus résistante accroche une jupe ou griffe un bas de jambe (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 166).Ses plumes pointues griffaient le papier, elle faisait grand bruit en écrivant (Colette, Naiss. jour,1928, p. 70). ♦ Emploi abs. V. supra 2 a ex. d'Alain. − P. anal. Être marqué comme par une marque de griffe sur (quelque chose). De minces rides griffaient ses paupières (Genevoix, Avent. en nous,1952, p. 175).Le marchand sortit, vit les phares de l'auto, griffés par les barbelés (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 342). b) Au fig. [Le suj. désigne une sensation, gén. auditive] Provoquer une sensation douloureuse ou très pénible. Un dernier son parvient à mon oreille, un son déjà entendu, l'autre jour, sous les cyprès, et qui soudain, maintenant comme alors, me serre la gorge et me griffe le cœur (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 310).Elles [les balles] se croisent alentour, avec (...) des piaulements hargneux qui nous griffent les oreilles (Genevoix, Nuits de guerre,1917, p. 294). B. − Au fig., vieilli. Toucher, blesser par des critiques méchantes ou sournoises. Synon. donner des coups de griffes à qqn.Hetzel que j'ai fort griffé, m'écrit une lettre désolée, pleine d'adoration pour Paul Meurice (...) priez Meurice de ma part de l'amnistier (Hugo, Corresp.,1859, p. 315).Villemain s'amusait à persifler et à griffer Viennet, qui avait parlé à l'Académie dans un autre sens que lui (Sainte-Beuve, Cahiers,1869, p. 28). ♦ Emploi abs. Ces femmes-là tiennent de l'anguille et du cent d'épingles. Ça ne fait que griffer, bavarder, papoter sur une table (Goncourt, Journal,1862, p. 1167). C. − COMM., CONFECTION. Apposer la marque d'un créateur ou d'un diffuseur. C'est la première fois qu'Y. dessine lui-même et « griffe » des chaussures (Femmes d'aujourd'hui,28 janv. 1970ds Gilb. 1971). Rem. 1. On relève qq. attest. de griffer au sens de « graver ». Une de ces eaux-fortes que mon frère griffait en deux heures (Goncourt, Journal, 1894, p. 685). 2. Les dict. d'arg. attestent un emploi au sens de « saisir, dérober » : Popaul avait griffé, vite fait, le bifton de dix sacs qui dépassait du tiroir (Le Breton, Argot, 1975) et un emploi pronom. réfl. au sens de « se masturber ». Le vieux sagouin se griffait en douce en frimant les jeunes filles sur la balançoire (Le Breton, Argot, 1975). REM. 1. Dégriffer, verbe trans.[En parlant de vêtements, d'articles de luxe] Ôter la marque d'un créateur ou d'un diffuseur. Les fabricants de bonnes marques ne tiennent pas à ce que celles-ci apparaissent trop fréquemment dans les boutiques de soldes : leurs articles sont donc dégriffés (Le Point,20 janv. 1975, p. 52, col. 2).Emploi subst. Le spécialiste du dégriffé (Elle,13 janv. 1975). 2. Griffant, -ante, part. prés. en emploi adj.Une petite bête vicieuse qui n'est peut-être pas sans charme, griffante et miaulante (Colette, Cl. à l'école,1900, p. 174).Il ne sentait pas la morsure des ronces, enroulant leurs tiges griffantes autour de ses jambes (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 155). Prononc. et Orth. : [gʀife], (il) griffe [gʀif]. Ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. Ca 1340 abs. « égratigner d'un coup de griffe ou d'ongle » (J. de La Mote, La Voie de l'Enfer et du Paradis, 4212 ds T.-L.); 2. 1386 grifer trans. (A.N. JJ 129, pièce 163 ds Gdf. Compl.). Soit de l'a. h. all. grifan « prendre, saisir » qui remonte, par suite de la mutation consonantique, à l'a. b. frq. *gripan (v. gripper); soit dér. d'un anc. subst. grif (v. griffe1); dés. -er. Fréq. abs. littér. : 185. DÉR. 1. Griffage, subst. masc.Opération consistant à marquer (quelque chose) au moyen d'une griffe. Les brins à recéper sont alors désignés par un griffage et concédés gratuitement à des riverains qui les exploitent et les façonnent pour leur chauffage (Cochet, Bois,1963, p. 64).− [gʀifa:ʒ]. − 1reattest. 1827 terme de forestier « action de griffer des baliveaux dans une coupe de bois » (Ordonnance royale du 1eraoût ds Littré Add.); de griffer, suff. -age*. 2. Griffeur, -euse, adj.Qui griffe. Un vent griffeur souffle dans la cour (Frapié, Maternelle,1904, p. 125).− [gʀifœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. a) 1901 « écrivain » (Bruant, p. 177); b) 1904 « qui griffe » (Frapié, loc. cit.); du rad. de griffer, suff. -eur2*. BBG. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 173. |