| GREVER, verbe trans. A. − DR. et usuel 1. Grever qqc.1 a) Qqn1grève qqc1. (de qqn2) par/de qqc2.Faire que (quelque chose) supporte la charge, le poids de (quelque chose) de (quelque chose2). Il peut être défendu aux prodigues (...) de grever leurs biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un conseil qui leur est nommé par le tribunal (Code civil,1804, art. 513, p. 94).On avait grevé d'impôts les revenus des particuliers (Say, Écon. pol.,1832, p. 9).Je ne veux pas grever les journaux où j'écris de quatre ou cinq cents francs par jour de timbre (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 520).Elle [la commission] n'ose pas grever d'une telle somme le budget de l'État (Goncourt, Journal,1876, p. 1106).Sept ans, enfin, que vous grevez de quatre mille francs le budget du chapitre 1er(Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., 1, p. 131). − [Qqc2. non exprimé] L'État peut obtenir des travaux plus nombreux sans grever le budget (Vivien, Ét. admin., t. 1, 1859, p. 55).Ceux qui grèvent et immobilisent la propriété rurale seront éliminés par le rachat (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 45).Chez nous, on ne grève pas l'argent, on grève l'établissement (Barrès, Cahiers, t. 6, 1908, p. 329). − [Qqn1non exprimé] Pour soutenir la betterave, il faut grever la canne (Proudhon, Propriété,1840, p. 295). − [Au passif] Une tonne de houille vendue 30 francs est grevée par le fisc du tiers environ de sa valeur commerciale, soit 10 francs (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 2, 1846, p. 52). b) Qqc2. grève qqc1.Alourdir (d'une charge financière, d'une servitude). Vous pouvez vous servir de cet argent pour payer les hypothèques qui grèvent votre maison (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 327).Nos pertes de lundi vont grever notre budget (About, Roi mont.,1857, p. 195).L'instruction des trois gamins greva terriblement le budget de la maison Rougon (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 60).Ces patrimoines seraient transmis aux établissements communaux avec les charges qui les grèvent (Barrès, Cahiers, t. 6, 1908, p. 108).Tel qui pouvait, avant la guerre, s'offrir une 11 CV ou une 14 CV rêve simplement d'acquérir un petit véhicule qui ne grèvera pas trop son budget (Tinard, Automob.,1951, p. 367).Les engrais constituaient une matière première qui leur coûtait beaucoup trop cher et grevait terriblement leur prix de revient (Debatisse, Révol. silenc.,1963, p. 248). − [Au passif] Lorsque des immeubles d'une succession sont grevés de rentes par hypothèque spéciale (Code civil,1804, art. 872, p. 158).Ses terres étaient grevées d'arbres fruitiers, qui se louaient tous les ans au profit du seigneur ou de l'abbaye (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 11).Cette vie assez large, grevée par les recherches de toilette, par les dîners offerts à d'utiles parasites, nécessitait des appels réitérés aux capitaux de Rachel (Vogüé, Morts,1899, p. 49).Cette somme se trouvait grevée de beaucoup de frais notables (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 232).Le commerce des bois tropicaux est lourdement grevé par les frais de transport (Forêt fr.,1955, p. 6) : 1. La petite maison de Crevel, car il en était propriétaire, avait un appendice à toiture vitrée, bâti sur le terrain voisin, et grevé de l'interdiction d'élever cette construction, entièrement cachée à la vue par la loge et par l'encorbellement de l'escalier.
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 185. − [Qqc2. non exprimé] Tous les biens du gueux sont grevés au-delà de leur valeur (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 232). 2. Grever qqn2 a) Qqn1grève qqn2de qqc2.Faire supporter (à quelqu'un2) une lourde charge financière, une servitude. Anton. dégrever.L'impôt dont nous grèvent les auteurs (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 238).Il ne voulut jamais consentir à grever ses sujets de nouveaux impôts (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. xxxv). − [Qqc2. non exprimé] Il les exhorta (...) à bien se garder de trop grever leurs sujets (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 2, 1824, p. 335).On ne pourrait pas établir les retraites sans grever le paysan (Renard, Journal,1907, p. 1125). ♦ DR. Être grevé de substitution (Ac.) Emploi subst. Un grevé (de substitution). ,,Premier donataire chargé de restituer`` (Barr. 1974) : 2. Les dispositions permises par les deux articles précédens, ne seront valables qu'autant que la charge de restitution sera au profit de tous les enfans nés et à naître du grevé, sans exception ni préférence d'âge ou de sexe.
Code civil,1804, art. 1050, p. 191. − [Emploi réfl. : qqn1= qqn2] Il tenait état des sommes qui lui étaient prêtées jusqu'aux plus minimes fractions, car il ne voulait pas se grever au-delà d'un certain chiffre (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 29). b) Qqc2. grève qqn2.Constituer une lourde charge financière. Tous les impôts qui grevaient le pauvre peuple (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 3, 1821-24, p. 123). − [Au passif] À votre défaut, vos héritiers seront grevés de la même obligation (Gobineau, Pléiades,1874, p. 202).Les parents grevés de cette charge (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 202). B. − Au fig. 1. Grever qqc1.Porter atteinte à la valeur, à l'efficacité (de qqc.). Synon. hypothéquer. a) Qqn1grève qqc1. par/de/en qqc.2L'écrivain (...) se borne à grever légèrement l'avenir par des engagements outrés (Maurras, Avenir Intellig.,1905, p. 68).La régence, en cherchant, pour les raisons que nous avons vues, les bonnes grâces de l'opinion, greva le règne de Louis XV (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 275). − [Qqn1non exprimé équivaut à un impers.] Comment donc subvenir aux nécessités du présent sans (...) grever trop lourdement l'avenir? (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 278). − [Au passif; qqc.2non exprimé] Une existence individuelle grevée par mes ancêtres (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 408). b) Qqc.2grève qqc.1La protection accordée aux princes protestants et à la Prusse, ont grevé l'avenir de notre pays (Maritain, Primauté spirit.,1927, p. 115).Proust (...) a étudié le monde sans aucune des préoccupations qui grèvent si dangereusement l'œuvre de Bourget (Mauriac, Journal 2,1937, p. 152). − [Au passif] ♦ Grevé de. Il m'importe que ma mémoire ne soit pas grevée de mon silence (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 15).Le socialisme procède d'une conception de l'homme, du travail et de la société grevée d'erreurs et de déficiences (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 97) : 3. La semaine suivante, M. Beaussier, avec une satisfaction visible, proclama mon abaissement. L'incorrection de mon thème, les solécismes et les barbarismes dont il était grevé me replongeaient soudain dans le dernier tiers de la classe...
A. France, Vie fleur,1922, p. 365. ♦ Grevé par. Le maintien de son indépendance [du pays] grevée par une occupation militaire permanente (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 376). 2. Grever qqn2.Accabler (quelqu'un) d'une charge, la lui imposer sans son accord. a) Qqn1grève qqn2de qqc.2[Le suj. désigne un inanimé] Il me faut de ce bâton-là faire une idole, l'imposer aux hommes, et les contraindre à des offrandes qui les grèveront de sacrifices (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 674). b) Qqc2. grève qqn2.[Au passif] Cette femme, grevée de la vie, semblait être venue chercher l'autre femme abattue qu'elle devait emporter (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 36) : 4. Les femmes qui se voilaient la face en criant le plus au scandale, à la perversité, étaient précisément Amélie, Zéphirine, Fifine, Lolotte, qui toutes étaient plus ou moins grevées de bonheurs illicites.
Balzac, Illus. perdues,1837, p. 142. Prononc. et Orth. : [gʀ
əve], (il) grève [gʀ
ε:v]. Ds Ac. dep. 1694. Conjug. : devant syll. muette change [ə] en [ε]. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « accabler, affliger » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 184); 2. 1636 « accabler de charges » (Monet). Empr. au lat.gravare « alourdir » dér. de gravis, grave* avec infl. de grèvis, v. grief (FEW t. 4, p. 262). Fréq. abs. littér. : 181. |