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GRÂCE, subst. fém.
I. − Don accordé sans qu'il soit dû.
A. −
1. Faveur, bénédiction accordée par Dieu. Grâce du ciel; louer le Seigneur de ses grâces; obtenir une grâce. C'est une grande grâce que Dieu m'a faite de ne pas aimer ce qui est défendu (Dupanloup, Journal,1876, p. 29).Mathieu, avant de franchir la porte, appela sur la maison les grâces divines (Queffélec, Recteur,1944, p. 36).Il y a quinze ans que Dieu m'a fait cette grâce particulière, de me rendre pauvre. Mais ce n'est rien; je veux être plus pauvre encore (Montherl., Maître de Sant.,1947, II, 1, p. 630).V. bénédiction ex. 1 :
1. Elle sentait que la grâce que Dieu lui avait accordée en l'unissant à celui qu'elle avait tant aimé ici bas, l'obligeait à une fidélité d'autant plus zélée, à une reconnaissance d'autant plus ardente envers son bienfaiteur céleste. Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 45.
Grâce d'état. Grâce accordée en raison des devoirs, des obligations difficiles attachés à un état ou à une fonction particulière. Ses malheurs lui communiquaient une sagesse supérieure. Il sentait descendre en lui des grâces d'état (A. France, Révolte anges,1914, p. 385).
P. ext. Ce qui permet de supporter une situation difficile, pénible. Pour être un véritable comédien, il faut avoir une grâce d'état, car le théâtre, plus qu'une profession, est une passion (Arts et litt.,1936, p. 64-10).
Expressions
An de grâce [À propos des années de l'ère chrétienne : an de la grâce de Dieu] V. an A 3 a ex. de Stendhal.Havre de grâce. V. hâvre B 1 ex. de Green.
C'est la grâce que je vous souhaite. C'est ce que je vous souhaite de mieux :
2. Je ne demande pas à Dieu qu'il vous pardonne les péchés de votre vie qui veulent une autre vie d'expiation; mais seulement ceux que vous avez commis pendant cette lecture. C'est la grâce que je vous souhaite. Péladan, Vice supr.,1884, p. 240.
Locutions
À la grâce de Dieu. [Indique qu'on s'en remet à Dieu] Comme il plaira à Dieu. Je suis un pauvre prêtre qui va à la grâce de Dieu comme les alouettes des champs, marchant dans mon sentier, sans bruit (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 335) :
3. Je m'étendais dans le canot, ne dormant que d'un œil car je me méfiais des lubies du pochard, et la barque, roulant mollement d'un bord sur l'autre, voguait à la grâce de Dieu... Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 179.
Par la grâce de Dieu
[Formule placée par les souverains devant leur titre] Selon la volonté de Dieu. Charles, par la grâce de Dieu roi des Français, à tous présens et à venir savoir faisons que nous avons vu des lettres de notre père (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-1824, p. 100).
[Par une faveur divine] Ainsi, nul n'est plus esclave, mais fils. S'il est fils, il est aussi héritier par la grâce de Dieu (Mounier, Traité caract.,1946, p. 712).
2. THÉOL. Don gratuit de Dieu qui assure l'homme d'une destinée surnaturelle (grâce habituelle* ou sanctifiante), secours divins qui aident l'homme à résister à la tentation de faire le mal (grâce actuelle*). Résister à la grâce, perdre la grâce. Ceux qui n'ont pas la Grâce sont dans la nécessité de pécher, quoiqu'ils ne soient pas nécessités à un péché particulier; ceux qui ont la grâce sont nécessairement inclinés au bien (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 105).Dieu ne refuse à personne dans l'ordre où nous sommes cette grâce surnaturelle qui est la condition de la connaissance de Dieu (Théol. cath.t. 4, 1, 1920, p. 864) :
4. Pour lui [Luther], tous les philosophes et théologiens médiévaux sont des païens, qui croient que le péché originel a laissé subsister la nature et qu'une fois restaurée par la grâce elle redevient capable d'agir, de progresser, de mériter. Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 222.
En partic. Grâce coopérante*, efficace*, prévenante*, suffisante*.
État de grâce. État de celui qui n'a commis aucun péché mortel ou qui en a été absous :
5. ... de deux choses l'une : ou elle est morte en état de grâce (comme s'exprime l'Église), et alors elle n'a nul besoin de nos prières; ou bien elle est décédée impénitente (c'est, je crois, l'expression ecclésiastique)... Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 186.
P. ext. État de paix intérieure, de bonheur, de bien-être. Aujourd'hui, et depuis même assez longtemps, je suis calme, paix de tête et de cœur, état de grâce dont je bénis Dieu (E. de Guérin, Journal,1836, p. 112).Il faut (...) mettre le visiteur en état de grâce, c'est-à-dire lui procurer un confort visuel sans lequel il ne saurait éprouver aucune jouissance esthétique (Musées Fr.,1950, p. 23).
B. −
1. [En parlant d'une pers.] Faveur qu'on accorde à quelqu'un pour lui être agréable. Grâce inespérée, particulière; accorder, faire, mériter, réclamer, solliciter une grâce; obtenir par grâce; être bénéficiaire d'une grâce; demander, prier, supplier en grâce. Aujourd'hui, c'est un jour de récréation; nous ôtons les chenilles des groseilliers; et par une grâce spéciale, on nous a permis de les ôter avec un petit morceau de bois (Goncourt, Journal,1863, p. 1261).Il y a quelques mois, reprit-elle, je t'ai demandé une grâce, en quittant l'auberge de Mantes, celle de me laisser mourir le jour où la vie de tortures que nous menons, deviendrait intolérable (Zola, M. Férat,1868, p. 288).Albertine, je vous demande en grâce une chose, c'est de ne jamais chercher à me revoir (Proust, Prisonn.,1922, p. 342).L'appel d'une foule qui réclame la flagellation comme une grâce et bénit chacun des coups de verge tombant sur les épaules (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 223).V. amour-propre ex. 87 :
6. ... ce ne sont pas des souhaits que nous ferons entendre, mais la réclamation des droits de l'homme et du citoyen; ce n'est point une grâce que la Nation implore, c'est justice qu'elle demande et qu'elle attend. Marat, Pamphlets, Suppl. Offrande à la Patrie, 1789, p. 50.
Coup* de grâce; délai* de grâce (dr.).
Loc. prép. à valeur causale. Grâce à. À/par la faveur de quelque chose ou de quelqu'un. C'est moi qui l'ai fait, c'est grâce à moi qu'il est auditeur, et il trouvera sa nomination de maître des requêtes dans la corbeille (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 325).Ce n'était plus elle, je ne la reconnaissais que grâce à ses yeux où son identité s'était réfugiée (Proust, Guermantes 1,1920, p. 177).Leur commerce de viandes froides à ceux-là, prenait, grâce à la pullulation des contingents nouveaux, les proportions d'une force de la nature (Céline, Voyage,1932, p. 96).Grâce aux réverbères, on distinguait les arbres dont les branches pliaient et s'arrondissaient déjà, crêtées d'argent (Green, Moïra,1950, p. 209) :
7. ... en errant un jour parmi les décombres, j'avais découvert l'entrée d'un caveau qui, grâce aux éboulements dont elle était masquée, avait échappé aux outrages d'un temps de délire et de destruction. Sand, Lélia,1833, p. 189.
P. iron. Grâce à vos conseils, je suis en passe de perdre du même coup ma fortune et mon honneur : c'est trop de deux. Comment finira cette comédie? (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 201).
Vieilli et littér. Grâces à. Ma santé se rétablit de jour en jour, grâces aux soins qui me sont prodigués, et à un excellent chirurgien (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1633).Ce peuple, aujourd'hui, ne boit, grâces au commerce, que du poison au lieu de vin (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 20).
Par la grâce de. Synon. de grâce à.Toynbee (...) prétendait avoir découvert ces lois par la grâce d'une méthode (L. Febvre, Combats pour hist., De Spengler à Toynbee, 1936, p. 137) :
8. On venait d'improviser, par la grâce de la commandite, des chemins de fer, des mines de charbon, d'or, de mercure, de cuivre, des journaux, des métaux, mille inventions, mille créations toutes plus attrayantes les unes que les autres. Reybaud, J. Paturot,1842, p. 27.
2. Disposition bienveillante d'une personne à l'égard d'une autre personne.
a) Au plur. Les bonnes grâces de qqn. Ses dispositions favorables, ses faveurs. Une fois complètement maître de la volonté de Laurence, il lui serait facile de s'insinuer dans les bonnes grâces des deux barbeaux, qui étaient gens à mener par le nez (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 103) :
9. ... quand elle avait placé pour dix francs de pommade ou de dentelle, elle s'insinuait dans les bonnes grâces de sa clientèle, devenait son homme d'affaires, courait pour elle les avoués, les avocats et les juges. Zola, Curée,1872, p. 370.
SYNT. Attirer, conquérir, gagner, obtenir, perdre, rechercher, rentrer dans, solliciter les bonnes grâces de qqn; accorder, retirer ses bonnes grâces; s'emparer des bonnes grâces de qqn; se recommander aux bonnes grâces de qqn.
b) Au sing. [Dans des expr.]
Avoir la grâce de faire qqc. (vieilli). Avoir la bonté de faire quelque chose. Je jure que si vous avez la grâce d'arriver tout de suite, de me surprendre une fois en bonheur, je suis vouée à vos volontés pour le reste de ma vie (Staël, Lettres L. de Narbonne,1794, p. 245).
Être en grâce auprès de qqn (vieilli). Jouir de sa bienveillance, de sa considération. Le duc répondit fièrement qu'il ne craignait aucun homme vivant, tant qu'il serait en grâce du Roi (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 49).
Avoir qqn en sa grâce (vieilli). Lui accorder sa bienveillance :
10. Le comte de Flandre, instruit de cette dure résolution [mettre le feu], vint conjurer à genoux le Roi d'épargner sa ville : « Mon cousin, dit le Roi, je vous ai aidé et si bien secouru, que vos ennemis sont détruits; cependant, du temps de feu monseigneur mon père, vous aviez alliance avec nos ennemis les Anglais et leur étiez très-favorable. N'y revenez pas désormais, et je vous aurai en ma grâce... » Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 265.
Rentrer en grâce. Regagner la bienveillance de quelqu'un. Il avait même failli passer en police correctionnelle. Depuis cette époque, il rêvait de rentrer en grâce auprès de l'administration, avec des rages jalouses (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 263).Il se sentait chaque jour diminué, compromis, forcé d'imaginer un coup d'éclat, s'il voulait rentrer en grâce près des régisseurs (Zola, Germinal,1885, p. 1428) :
11. ... nous avions repris notre promenade et nous suivions la lisière d'un petit bois. G. ne m'avait pas encore adressé une parole. Je faisais mille efforts inutiles pour rentrer en grâce. Hugo, Rhin,1842, p. 163.
Trouver grâce aux yeux de qqn, devant qqn. Obtenir son indulgence, lui plaire. Un fils trouve toujours grâce devant son père (Delavigne, Enf. d'Édouard,1833, III, 5, p. 114).Vous me permettrez de joindre ici une légende qui pourra vous en donner une idée, et trouvera grâce, j'espère, auprès de vos dames (M. de Guérin, Corresp.,1832, p. 67) :
12. ... le marquis avait des aperçus brillants dont il s'enthousiasmait pendant trois jours. Alors un plan de conduite ne lui plaisait pas, parce qu'il était étayé par de bons raisonnements; mais les raisonnements ne trouvaient grâce à ses yeux qu'autant qu'ils appuyaient son plan favori. Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 439.
c) [En usage dans les pays anglo-saxons] Titre d'honneur donné aux ducs, aux archevêques et autrefois au roi d'Angleterre. Votre Grâce, Sa Grâce :
13. Leurs excellences européennes veulent, dit-on, se couper la gorge; l'Anglais défie l'Allemand. Celui-ci, plus rusé, lui joue un tour de diplomate, gagne le postillon de Milord, qui verse Sa Grâce dans un trou, pensant bien lui rompre le cou. Mais l'Anglais roule jusqu'au fond sans s'éveiller, et cuve son vin... Courier, Pamphlets pol., Lettres partic. 2, 1820, p. 71.
C. −
1. DR. Remise partielle ou totale d'une peine et en particulier remise de la peine capitale par le chef de l'État. Demander sa grâce, la grâce de qqn; implorer sa grâce, obtenir la grâce de qqn. À la justice, un cinquième directeur exploitait le chapitre des grâces et des commutations de peine (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 312).Grâce pour qui? cria-t-il. Peppino resta immobile, muet et haletant. − Il y a grâce de la peine de mort pour Peppino (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 506) :
14. ... Ernest IV répétait souvent que l'essentiel était surtout de frapper les imaginations. Toujours est un grand mot, disait-il, et plus terrible en Italie qu'ailleurs : en conséquence, de sa vie il n'avait accordé de grâce. Stendhal, Chartreuse,1839, p. 111.
En partic. Demande*, pourvoi*, recours* en grâce; grâce amnistiante*.
Droit de grâce. Droit pour un chef d'état d'accorder cette remise de peine. Exercer le droit de grâce. Le droit de grâce est de tradition monarchique. Il consiste dans la faculté pour le chef de l'État de dispenser un condamné de l'exécution de tout ou partie de sa peine (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 561).
Faire grâce. Je suis innocent. Voilà quatorze ans que je grelotte dans une cage de fer. Faites grâce, Sire! Vous retrouverez cela dans le ciel (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 495).Vous êtes un vrai roi, puisque vous savez faire grâce. Et qu'y a-t-il de plus doux? Un pendu ne saurait être utile à âme qui vive (Banville, Gringoire,1866, 9, p. 63).
Faire grâce (à qqn) de la vie. L'épargner, lui laisser la vie sauve. Cet homme vous apportait du poison, et il s'est tué lui-même sans le savoir. Nous lui avions fait grâce de la vie, nous; mais Dieu a été moins clément, et il a voulu que la justice éternelle eût son cours (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 284).
Donner grâce de la vie à qqn (vx). Son procès lui avait été fait; le Parlement avait prononcé la forfaiture. Grâce de la vie lui fut donnée, mais il perdit toutes ses seigneuries (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 239).
P. ell. Veux-tu vivre? lui dit-elle. Le veux-tu? − Oh! murmura-t-il avec un cri de joie, je ferai tout ce que vous voudrez; mais grâce pour la vie! (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859p. 270).
Crier, demander, implorer grâce. Supplier, implorer la pitié de quelqu'un (afin d'être épargné) :
15. Il s'est fait amener, des prisons de la ville, Deux voleurs qui se sont traînés à ses genoux, Criant grâce, implorant l'homme maître de tous, Agitant à leurs poings de pesantes ferrailles, Et, curieux de voir s'échapper leurs entrailles, Il leur a lentement lui-même ouvert le flanc... Hugo, Légende, t. 2, 1877, p. 412.
2. Pardon, remise de dette, d'obligation, etc. Bégayant plus que jamais, pleurant, voulant se battre, il implorait sa grâce, comme s'il eût commis un crime. Ses maîtres l'octroyèrent (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 112) :
16. Je te laisse le choix entre deux solutions (...) ou bien nous restons sur nos positions, tu fais ta punition. Nous cherchons à t'aider de toutes les manières et même à obtenir ta grâce auprès de papa... H. Bazin, Vipère,1948, p. 169.
Demander grâce (à qqn). Demander pardon, faire appel à la pitié de quelqu'un. Des sénateurs, des préteurs, des tribuns, se roulaient en larmes aux pieds de leurs esclaves, leur demandant grâce et les suppliant de ne point les déceler (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 295).Il ne se pressait pas, il trouvait drôle, sans doute, de laisser tourner ces dames, de les fatiguer. Elles soufflaient, elles demandaient grâce (Zola, Curée,1872, p. 562).
Demander grâce pour qqc. Demander pardon pour quelque chose. Un sentiment de timidité se mêlait à sa joie, et semblait demander grâce pour son triomphe (Staël, Corinne, t. 1, 1807, p. 56).Cette énumération n'est à autre fin que de vous demander grâce pour mon barbouillage (Balzac, Corresp.,1831, p. 505).Ce sont ces principes que nous allons entreprendre d'indiquer, en demandant grâce pour l'aridité des explications techniques (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 105).
De grâce! Par pitié! Dites-moi de grâce comment vous avez pu acquérir par les sens l'idée de quoique (J. de Maistre, Soirées St-Pétersbourg, t. 1, 1821, p. 504).
P. ell. Grâce! Oh! grâce! Ne me tue pas, mon Gennaro! Vivons tous les deux, toi pour me pardonner, moi, pour me repentir! (Hugo, L. Borgia,1833, III, 3, p. 178).
Faire grâce à qqn. Pardonner. Mais comme vous êtes sortis par les avant-postes, vous avez assurément un mot d'ordre pour rentrer. Donnez-moi ce mot d'ordre et je vous fais grâce (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Deux amis, 1883, p. 192).
Faire grâce de qqc. Le donner sans rien attendre en retour :
17. Je n'ai jamais demandé un denier à personne pour mes soins, excepté à ceux qui sont visiblement riches; mais je n'ai point laissé ignorer le prix de mes peines. Je ne fais point grâce des médicaments, à moins d'indigence chez le malade. Balzac, Méd. camp.,1833, p. 61.
3. Au fig. Faire grâce à qqn de qqc. Épargner une chose ennuyeuse ou fastidieuse à quelqu'un, l'en dispenser. Ah! ma chère enfant, fais-moi grâce des leçons que l'on t'a données. Depuis que ton oncle est ici, tu as pris un ton et des manières étudiées qui ne vont pas à ton caractère (Leclercq, Prov. dram., Espr. désordre, 1835, 8, p. 263).Le curé ne lui avait pas fait grâce d'une des misères de l'église : le toit crevé, les vitraux cassés, les murs nus (Zola, Terre,1887, p. 164).− Yvonne : Tu ne connais pas les femmes. − Michel : Je commence à les connaître... − Yvonne : Je te fais grâce de tes grossièretés (Cocteau, Par. terr.,1938, I, 4, p. 210) :
18. ... je vous indique l'avantage effectif et inappréciable de la vie des lycées, et vous fais grâce des tirades sur les amitiés d'enfance, sur le mélange heureux des castes différentes, etc., etc., toutes déclamations privées de vérité. Gobineau, Pléiades,1874, p. 78.
P. ell., vieilli. Grâce de! Une compagnie étrangère est venue cet hiver (...) proposer le défrichement de la campagne romaine : Ah! Messieurs, grâce de vos cottages et de vos jardins anglais sur le Janicule! (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 438).
II. − Action de reconnaître un bienfait reçu, remerciements.
[Dans des expr. et loc.]
Rendre grâce(s) à. Éprouver de la reconnaissance pour un bienfaiteur, lui témoigner sa gratitude, le remercier. Si le marquis m'aime autant que vous le dites, il doit rendre grâces au destin, qui semble être à ses ordres (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1697).Le solitaire vous rend grâces de lui avoir envoyé ce doux, profond et poignant livre (Hugo, Corresp.,1862, p. 428) :
19. Monsieur (...) je vous dois la vie de mon fils, et pour ce bienfait je vous bénis. Maintenant je vous rends grâce pour le plaisir que vous me faites en me procurant l'occasion de vous remercier comme je vous ai béni, c'est-à-dire du fond du cœur. Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 610.
Rendre grâce(s) au Seigneur. Il alla dans le temple pour rendre grâce aux dieux des victoires qu'il avait remportées (Staël, Corinne, t. 1, 1807, p. 177).Je rends grâces au ciel d'avoir été élevé comme un sauvage, repris-je; cela me préserve de voir le monde dans cette ennuyeuse uniformité (Duras, Édouard,1825, p. 129).
Absol. Ceux qui s'agenouillent soir et matin pour rendre grâce ne passent jamais indifférents devant un cercueil (Sand, Lélia,1833, p. 302).
Loc. Grâce(s) à Dieu, au ciel. Grâce(s) en soi(en)t rendue(s) à Dieu, au ciel. Mais votre missive, grâces aux dieux, m'est arrivée tantôt comme une brise rafraîchissante, comme un véritable dictame! (Flaub., Corresp.,1872, p. 418).C'est un village, et pas une ville; les rues, grâce au ciel, ne sont pas pavées; les averses y roulent en petits torrents, secs au bout de deux heures (Colette, Cl. école,1900, p. 8).
Action(s)* de grâce(s).
Les grâces. Prière dite après le repas afin de remercier Dieu. Le dîner était terminé; M. Bruno récita les grâces (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 34).
Mille grâces (vieilli). Mille mercis, mille fois merci. Mille grâces, mon cher Monsieur, des bonnes nouvelles que vous me donnez de la santé de M. de Chateaubriand (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, pp. 211-212).
III. − Aspect agréable, agrément qui s'attache à l'apparence.
A. − [En parlant d'un être vivant]
1. Agrément particulier, charme attaché à la personne, à son air, à ses manières. Sa taille souple et déliée donnait à ses mouvements une grâce que son rigorisme ne pouvait atténuer (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 217).Grande, mince, élancée, un peu frêle, elle avait la grâce ondoyante et flexible d'une tige en fleur balancée par le vent (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 93).Cette femme (...) jouait de l'éventail avec la grâce nonchalante de l'Espagnole (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 90).Elle trouva qu'Émilia parlait fort, que ses gestes, expressifs sans doute, l'étaient au point de manquer de grâce (Maurois, Ariel,1923, p. 271) :
20. Il était blond, rose, frais, très fin et très souple dans son costume sévère, avec des joues de jeune fille et des mains délicates; il avait l'allure vive et naturelle, quoique réprimée. Tout en lui était charme, élégance, et presque volupté. La beauté de son regard corrigeait cet excès de grâce. Hugo, Travaill. mer,1866, p. 233.
P. iron. Le soir, M. du Poirier s'approcha de Sanréal avec la grâce d'un bouledogue en colère; ses petits yeux avaient le brillant de ceux d'un chat irrité (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1836, p. 200).
SYNT. Grâce affectée, agaçante, altière, auguste, charmante, courtoise, dégingandée, efféminée, enfantine, enjouée, élancée, étudiée, exquise, fascinante, féline, féminine, florentine, fugitive, furtive, hardie, imposante, infinie, insouciante, irréelle, maniérée, minaudière, molle, mutine, naïve, naturelle, obséquieuse, parfaite, perverse, piquante, polissonne, sauvage, séductrice, sensuelle, touchante; grâce dans l'attitude, les manières, les mouvements; grâce de manières, de mouvements; grâce de l'embonpoint, d'un sourire; grâce des attitudes, des apparences, des gestes; déployer de la grâce, manquer de grâce; accueillir qqn, causer, dire qqc., s'éventer, présider, saluer, sourire, tomber avec grâce; être dénué de toute grâce.
En partic., au plur. Les attraits physiques (féminins). Sa taille était svelte, et les grâces de son corsage fleurissaient déjà (Balzac, Lys,1836, p. 243).L'abbé Surin, la taille un peu renversée, développait les grâces de son buste (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1056).Une longue robe de gaze blanche moulait merveilleusement les grâces de sa taille et de son corsage (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 78).Elle doit plaire, et pour plaire déployer ses sortilèges, multiplier ses charmes ou acquérir par artifice les grâces que la nature lui aura refusées (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 185).
Jeu des grâces. ,,Jeu analogue au jeu de volant, et qui se joue avec un petit cerceau et des bâtonnets, ainsi nommé parce que les bras s'y développent avec grâce`` (Guérin 1892; dict. xixeet xxes.). Après le déjeuner, Madame [Sand] fait une partie de grâces avec Jacques (Agenda, in Corresp. Sand-Dorval, 13 août, 329-30 ds Quem. DDL t. 2, p. 117).
P. méton. Les (trois) Grâces. Trois déesses, Aglaé, Euphrosyne et Thalie, qui étaient les compagnes de Vénus et qui personnifiaient le don de plaire. L'Albane est avant tout un peintre gracieux. Il aime à représenter Vénus à sa toilette et entourée par les Grâces (Ménard, Hist. beaux-arts,1882, p. 164).
P. ext. Femme qui a beaucoup d'agrément, de charme. Avec une gentillesse suprême, serrant les dents et écartant les lèvres, elle souffla contre Jean Valjean. C'était une Grâce copiant une chatte (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 687).
2. [Dans les relations soc.]
a) Loc. Bonne grâce. Amabilité, affabilité. Bonne grâce charmante, chevaleresque, flatteuse, joyeuse; accueillir qqn avec bonne grâce. Ils ont été tous deux pour moi d'une bonne grâce extrême, m'ont donné des livres, leurs portraits, celui de la bonne femme qui leur a raconté la plupart des histoires de leur recueil (J.-J. Ampère, Corresp.,1827, p. 439).Elle avait une démarche factice, saccadée, comme certains oiseaux, et une façon de parler minaudière, mais beaucoup de bonne grâce et d'amabilité (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 754).Il charmait cependant, par une espèce de bonne grâce et de politesse rustique dont il usait avec un sûr génie (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 62) :
21. ... la jeune femme qu'il avait amenée on ne savait d'où, s'était fait pardonner et aimer de toute la ville, par une bonne grâce, par une beauté aimable, auxquelles les provinciaux sont plus sensibles qu'on ne le pense. Zola, Conquête Plassans,1874, p. 980.
Mauvaise grâce. Mauvaise volonté. Ces inquiétudes, ces protestations, il faut l'avouer, nous semblent tant soit peu justifiées, quand nous voyons la mauvaise grâce que l'on met à nous faire connaître l'emploi de cet argent (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 140).Sans élan, mais sans mauvaise grâce, elle avait jusqu'à ce jour assisté la bonne Alice dans le rude travail de la cuisine et de la table (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 198).Mon père avait invité son ami à venir habiter chez nous, ce que maman supportait avec mauvaise grâce (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 113).
Avoir bonne/mauvaise grâce à/de faire qqc. Être bien/mal venu de. Ils ont bonne grâce après cela de nous chanter leur vol sublime et leur marche rapide vers la perfectibilité! (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 16) :
22. ... il n'existe pas d'écrivain plus passionné que cet érudit. Nous aurions mauvaise grâce à nous en plaindre, car c'est cette passion même qui donne au style de l'abbé Bremond cette verve parfois féroce et qui nous enchante... Mauriac, Journal 1,1934, p. 98.
De bonne/mauvaise grâce. Volontiers/à contrecœur. Le souper étant prêt, je priai le scheik de vouloir bien le partager avec nous. Il accepta de bonne grâce, et parut fort amusé de la manière de manger des Européens (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 202).On acceptait de mauvaise grâce le prétexte de sa santé; elle qui n'était jamais plus fraîche que le lendemain d'un bal (Gozlan, Notaire,1836, p. 239).
b) Au plur., souvent iron. Manières recherchées, étudiées, affectées. Lucien crut entrevoir que Son Excellence cherchait à se donner des grâces imposantes (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1836, p. 292).Aussi, donnait-il le ton à ces messieurs, lorsqu'il jouait au billard, avec des grâces étudiées, développant ses hanches, arrondissant les bras et les jambes, se couchant à demi sur le tapis, dans une pose cambrée qui donnait à ses reins toute leur valeur (Zola, Ventre Paris,1873, p. 850).
Se faire des grâces. Se faire des politesses, des amabilités. Elle et le libraire se disent vous, et se font des grâces fort distantes (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 179) :
23. ... elle se faisait des grâces devant la glace qui la reflétait en pied, faisant trois pas en avant, quatre en arrière, se tirant cérémonieusement la révérence comme une petite fille qui se prend pour une princesse et s'imagine vivre un conte de fées... Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 87.
Sacrifier aux grâces. Prendre plaisir à la vie mondaine, superficielle, à des manières recherchées, affectées :
24. Ce prince est très brave, très loyal, très bon officier de cavalerie, mais comme le chef de son ministère, il sacrifie beaucoup aux grâces et se soucie peu des travaux du Gouvernement. Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1851, p. 185.
B. − [En parlant d'une chose] Agrément, attrait qui réside dans l'aspect. Grâce d'une courbe, d'un dessin; grâce des porcelaines. Des vergers d'une grâce inexprimable (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 102).Il y a des creux, en des plis inconnus de montagne, d'une beauté terrifiante, et des bords de ruisselets, plats et couverts de lauriers-roses, d'une inimaginable grâce (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Allouma, 1889, p. 1305) :
25. Vers le milieu du jour, il atteignit à un endroit où la nappe d'eau, environnée de saules, formait une espèce de lac. Il s'arrêta pour contempler ce frais et touffu bocage dont la grâce champêtre agit sur son âme. Balzac, Illus. perdues,1843, p. 542.
De mauvaise grâce (littér.). Qui manque de légèreté; sans beauté, disgracieux. À l'extrémité s'élevait un échafaudage de mauvaise grâce dont les profils barbares n'avaient pu être dessinés que par quelque méchant manœuvre (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 140).
En partic., au plur., littér. Les grâces de qqc. Les agréments. Quand ma mère était revenue, expliquant avec lyrisme les grâces et les privilèges de cet appartement visité le matin même, père avait froncé le sourcil (Duhamel, Le Notaire Havre,1933, p. 49).
C. − [En parlant de l'expression, d'un propos, du style, etc.] Qualité de ce qui est exprimé ou exécuté avec élégance. Écrire avec grâce; des impertinences sans grâce. Cette oraison funèbre de la reine, qu'autrefois, Dieu me pardonne! j'avais trouvée presque ennuyeuse, est un chef-d'œuvre de grâce et de pureté (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 184).Voltaire exprime avec beaucoup de grâce et de finesse ce qu'on n'avait peut-être pas grand besoin de lui pour sentir (Gide, Journal,1923, p. 764) :
26. J'ai cherché dans un ouvrage où le fond doit l'emporter sur la forme, et où la fidélité dans les faits et l'exactitude dans l'expression sont les qualités les plus importantes, à être clair et précis; je n'ai rien sacrifié à la grâce aux dépens de la justesse... Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. V.
En partic., au plur. Les grâces du style. Les beautés recherchées du style. Les personnes qui aiment les preuves de sentiment, en trouveront en abondance, ornées de toute la pompe et de toutes les grâces du style, dans le Génie du christianisme (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 310).Lorsqu'il a paré quelque lieu commun des grâces de son écriture, il faut une certaine circonspection pour ne pas s'y laisser prendre (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1409).
Prononc. et Orth. : [gʀ ɑ:s]. [ɑ] s'explique par l'infl. des mots en -asse tels que grasse, lasse, passe (cf. Buben 1935, § 29 et 54). De même dans disgrâce. Mais les mots de la famille du type gracier, gracieux, etc. ont [a]. Leur prononc. en [ɑ] peut être considérée comme négligée. Ds Ac. 1694-1932. Homon. grasse. La docum. donne des ex. du mot écrit sans accent. La disparition de l'accent circonflexe correspond à la tendance de l'orth. mod. Noter au contraire qq. ex. de dér. écrits avec l'accent, d'apr. grâce : grâcier (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 2epart., 10, p. 211; Clemenceau, Iniquité, 1899, p. 210 et Vers réparation, 1899, p. 47; Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 243; Procès Pétain, t. 2, 1945, p. 1057), grâcieusement (Balzac, Annette, t. 4, 1824, p. 177). Étymol. et Hist. 1. a) 2emoitié xes. gratia « bienveillance, faveur » (St Léger, éd. J. Linskill, 46); b) ca 1050 « faveur de Dieu » par la Deu grace (Alexis, éd. Chr. Storey, 362); 2. 1135 « remerciement » rendre graces (Wace, Vie Ste Marguerite, éd. E.A. Francis, 355); 3. a) mil. xiies. « agrément, charme d'une chose » (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 249); fin xiies. « id. d'une personne » (Richeut, éd. I.C. Lecompte, 760); b) 1611 avoir bonne grace de (Cotgr.); 4. 1174-76 « pardon, remise bénévole d'une peine encourue » la grace... encontrer (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1267); 1642 interj. grâce! (Corneille, Polyeucte, V, 1); 5. 1564 loc. prép. grâce à (Indice et recueil universel de tous les mots principaux des livres de la Bible, Paris, p. 158). Empr. au lat. class.gratia « faveur, complaisance; reconnaissance; bonnes grâces; agrément, charme ». Fréq. abs. littér. : 16 470. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 26 621, b) 26 062; xxes. : a) 19 281, b) 21 769. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp. 61-67. - Elkner (B.A.). The Dancer from the dance... Australian journal of French studies. 1973, t. 10, pp. 274-292. - Gall. 1955, p. 59.