| GOÛTER1, verbe I. − Emploi trans. Percevoir, par l'intermédiaire du récepteur sensoriel qu'est le goût, une impression qui constitue une information sur la saveur de quelque chose. Goûter un plat, une recette : 1. ... tant que le vin est dans la bouche, on est agréablement, mais non parfaitement impressionné; ce n'est qu'au moment où l'on cesse d'avaler qu'on peut véritablement goûter, apprécier, et découvrir le parfum particulier à chaque espèce...
Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 44. ♦ P. méton. Manger ou boire quelque chose en petite quantité afin d'en vérifier la saveur et de l'apprécier à sa juste valeur. [Il] l'envoyait à la cuisine, avant les grands dîners, goûter les sauces (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 189).Regardait-il les gens du haut de sa grandeur, jusqu'à refuser de goûter le vin du pays, de peur sans doute d'être empoisonné! (Zola, Terre,1887, p. 371). − Au fig. A. − [En parlant de choses susceptibles de procurer un plaisir physique ou intellectuel] 1. Goûter + subst. évoquant un plaisir.Éprouver un sentiment ou une sensation agréable. Goûter le bonheur, la joie, la paix, le repos, le répit, la vie, la volupté. Que du moins j'embrasse ses genoux, à ses pieds que je goûte un moment le bonheur d'être son fils (La Martelière, Robert,1793, V, 6, p. 66).Goûter l'ivresse d'être ensemble (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 254).C'est sur lui, c'est par lui que j'allais goûter les délices et les voluptés d'une vie qui restait fade pour moi-même (Giraudoux, Sodome,1943, I, 1, p. 34). 2. Goûter + subst. évoquant la source du plaisir.Éprouver un plaisir, le savourer ou le déguster : 2. Je puis bien le dire maintenant, je ne dormais pas, pendant que tu m'embrassais sur les yeux. Je goûtais tes baisers.
Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1472. 3. ... je suis capable de me hausser au bien-être, à l'apaisement que nous donne la beauté, bref de goûter l'art pour l'art...
Barrès, Greco,1911, p. 87. B. − Rare. [En parlant de pers.] Apprécier. Il goûtait ceux qui le bravaient ou le secondaient (Cocteau, Enf. terr.,1929, 1repart., p. 14). C. − P. plaisant. Éprouver un plaisir ou du plaisir à, voir d'un bon œil. Goûter la bêtise, l'inertie, la sottise. Je goûte assez l'intolérance des jeunes. C'est bon signe qu'un adolescent soit en révolte, par nature, contre tout (Martin du G., Thib., La Sorell., 1928, p. 1169). II. − Emploi trans. indir. A. − Goûter à.Boire, manger une certaine quantité de. Ils écoutèrent tinter les éperons et les sabres. Ensuite, ils goûtèrent aux bonbons apportés par le visiteur (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 187).L'avenue devient une des plus éclairées, des plus fréquentées de l'Europe. La clientèle est venue de toutes les capitales à la fois pour goûter à nos huîtres (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 64).L'ivrogne glouton (...) avait voulu goûter à toutes ces gourmandises à bouche que veux-tu et sans même prendre le temps de les déguster comme il se doit (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 310). B. − Goûter de 1. Manger ou boire pour la première fois. Goûter d'une boisson exotique, d'une orange amère. Tiens, je pourrais faire goûter de ma cuisine aux patrons (Dabit, Hôtel,1929, p. 147). 2. Au fig. Faire l'essai de. Goûter de la littérature : 4. ... il faut appartenir à une famille, à une société, à une science, à un art; quand on considère une de ces choses comme plus importante que soi, on participe à sa solidité et à sa force; sinon, on vacille, on se lasse et on défaille; qui goûte de tout se dégoûte de tout.
Taine, Notes Paris,1867, p. IX. III. − Emploi intrans. Prendre une légère collation entre le déjeuner et le dîner. Faire goûter; inviter à goûter; rester, venir goûter : 5. ... ma grand'mère, pensant que je serais content d'être seul pour regarder le monument, proposa à son amie d'aller goûter chez le pâtissier...
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 715. Rem. 1. Ce sens dérive p. méton. de II. 2. Rare, emploi réfl. Se goûter. Avoir du goût pour soi-même, se connaître soi-même. Mais vieillir, c'est vivre, c'est (...) se goûter progressivement jusqu'à sa plénitude (Arnoux, Visite Mathus., 1961, p. 57). REM. 1. Goûtable, adj.Qui mérite d'être goûté. (Ds Rob. Suppl. 1970). 2. Goutéron, gouteron, subst. masc.,synon. de goûter2.Au goûteron de seize heures (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p. 7).Le réveil, la mise en train du travail, « étlées et rétlées [attelées et réattelées] » coupées par les « goutérons », puis le souper du soir, suivi du repos de la nuit (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 117). 3. Goûteur, -euse, subst.a) ,,Individu spécialisé dans une appréciation gustative d'intérêt commercial, pour des expertises de vins, de cafés, d'eaux de vie, etc.`` (Piéron 1963). b) Personne qui prend un goûter. Le célèbre pâtissier du numéro 112 perdit soudain ses belles clientes par l'effet de la mobilisation. Les habituelles goûteuses à longs gants forcées tant on avait réquisitionné de chevaux d'aller à pied ne revinrent plus (Céline, Voyage,1932, p. 94). 4. Goûteux, -euse. , adj. ou subst.a) Subst. Synon. de goûteur, supra.Elle regarde si ses hommes, Philippe et le Paul, viennent sur la route (...). Lasse d'attendre, elle fait, tout haut, cette réflexion : − Le goûter est prêt, les goûteux ne viennent pas. Si le goûter n'était pas prêt, les goûteux seraient déjà là (Renard, Nos frères far.,1910, p. 22).b) Adj., région. (Midi). Succulent. Les arbres s'éployaient comme renouvelés de fraîcheur et de force; des parfums passaient, succulents, gouteux (La Varende, Centaure de Dieu,1938, p. 58). 5. Goûtonner, verbe,synon. rare de goûter.Prendre une collation au milieu de l'après-midi. M. le curé arriva vers six heures, pendant qu'on « goûtonnait » (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 398). Prononc. et Orth. : [gute], (il) goûte [gut]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 guster, guster de « manger, déguster une petite quantité de quelque chose » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 8978, 14221); 2. fin xves. « apprécier, sentir (ici fig.) » (G. Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 312 : le roy [...] s'en ryoit, comme non goustant son propre malheur); 3. ca 1500 se gouster « (de personnes) se plaire, avoir de la sympathie l'un pour l'autre » (P. de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, t. 1, p. 137); 4. 1538 « faire un petit repas dans l'après-midi » (Est.); 5. 1580 « faire pour la première fois l'épreuve de quelque chose » (Montaigne, Essais, II, 12, éd. A. Thibaudet, p. 503). Du lat. class. gustare « déguster, goûter (au propre et au fig.) » et en emploi abs. « faire collation ». |