| GIBERNE, subst. fém. A. − HIST. DE L'ARMEMENT. Boîte portée à la ceinture ou en bandoulière, dans laquelle les soldats mettaient leurs cartouches, leurs grenades. Synon. cartouchière, grenadière.Giberne et fusil; giberne en sautoir. Un dos de soldat, chargé d'un sac plein d'habits et d'une giberne pleine de cartouches (Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 26).Les buffleteries croisées, les gibernes à grenade (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 381). − Vx. Enfant de (la) giberne. Enfant né d'un soldat et d'une cantinière. Quand ma mère se désolait de voir mon petit frère et moi dans cet état, les soldats et les cantinières lui disaient en riant : « Bah! ma petite dame, ce n'est rien, c'est un brevet de santé pour toute la vie de vos enfants; c'est le véritable baptême des enfants de la giberne » (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 213). − Loc. verb. fig. fam. Avoir le/son bâton (de maréchal) dans sa giberne. Pouvoir, à partir de l'échelon le plus bas, accéder aux plus hauts grades d'une hiérarchie, militaire ou non. Vous le serez [maréchal à la Bourse] (...) et Roblot aussi! Il a son bâton dans sa giberne; vous l'aiderez à l'extraire (Augier, Thommeray,1874, VI, p. 331). B. − P. ext. Petite boîte de forme analogue, dans laquelle les membres d'une société de musique mettent leurs partitions; sac d'écolier. Son cor sous le bras, sa giberne de musicien au côté (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 31).Giberne pour chef de musique (Catal. Couesnon,1934, p. 92).Ce garçon qui passe, en traînant les pieds, les épaules chargées de sa giberne d'écolier (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 458). C. − Arg. ,,Bavardage excessif : Tailler, faire porter une giberne à quelqu'un, l'importuner par les discours oiseux`` (Esn. 1966). REM. 1. Gibernage, subst. masc.,hapax. Bavardage. Non, je n'ai pas oublié l'oxygène. Faudrait tout de même pas que nos gibernages de couillons le fassent claquer [un enfant agonisant] (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 37). 2. Giberner, verbe intrans.,vx. Passer son temps à des choses futiles, bavarder; atermoyer. Il ne giberna pas. Dès qu'il fut paré, il commença d'avancer vivement (Pourrat, Gaspard,1930, p. 226).Oh! Oh! assez giberné. Au boulot (Arnoux, Calendr. Fl.,1946, p. 110). Prononc. et Orth. : [ʒibε
ʀn̥]. Ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1573 « sorte de sacoche » (Drot, Anc. minutes notaires Yonne, p. 67); 2. 1748 « boîte recouverte de cuir où les soldats mettaient leurs cartouches » (Maréchal De Puységur, Art de la guerre, 1repartie, p. 106); 3. 1883 arg. tailler une giberne « raconter une histoire ennuyeuse » (Larch. Suppl., p. 76). Prob. issu du lat. tardif zaberna (ives., Édit de Dioclétien), aussi attesté sous les formes gabarna et gaberina, et dont l'orig. est inconnue (FEW t. 14, pp. 654-655). Un empr. à l'ital. giberna (REW3, no9586) est exclu du point de vue chronol. (le mot ital. n'est attesté que dep. le xixes., C. Cattaneo ds Batt.). Le sens 3 s'explique peut-être à la fois par le fait que la giberne était pesante et ennuyeuse à porter (symbole de la vie militaire), et par l'infl. de l'expr. tailler une bavette*. Fréq. abs. littér. : 78. Bbg. Bugge (S.). Étymol. romanes. Romania. 1875, t. 4, pp. 357-358. - Dauzat (A.). Mots fr. d'orig. orientale... Fr. mod. 1943, t. 11, pp. 241-251. - Kohlm. 1901, p. 46. - Quem. DDL t. 17. - Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 313; t. 3 1972 [1930], p. 321. |