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GENRE, subst. masc.
A. − Langue abstraite et cultivée; langage technique Ensemble d'êtres ou d'objets ayant la même origine ou liés par la similitude d'un ou de plusieurs caractères. Appartenir à, rentrer dans un genre :
1. Les Anciens (...) ne se sont pas demandé pourquoi la nature se soumet à des lois, mais pourquoi elle s'ordonne selon des genres. L'idée de genre correspond surtout à une réalité objective dans le domaine de la vie, où elle traduit un fait incontestable, l'hérédité. Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 229.
1. En partic. Le genre humain. Ensemble des êtres humains sans distinction. Synon. l'homme, l'humanité.S'étendre à, régner sur tout le genre humain; se déclarer l'ennemi du genre humain; faire confiance au genre humain. La Thénardier n'était mère que jusqu'à ses filles. Sa maternité finissait là. Sa haine du genre humain commençait à ses garçons (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 142).C'est seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l'homme à aimer le genre humain (Bergson, Deux sources,1932, p. 28) :
2. Il semble, messieurs, qu'au siècle où nous vivons, siècle où les idées d'égalité et de fraternité exercent un empire général, s'il est un dogme qui dût échapper à la négation, c'était le dogme qui ramène à l'unité tous les peuples dont se compose le genre humain. Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 217.
SYNT. a) Berceau, enfance, histoire, marche, multiplication, progrès du genre humain; connaissance, lois, unité du genre humain. b) Délices, destinée(s), dignité, fraternité, misère, salut du genre humain; condamnation, corruption, décadence, destruction, exécration du genre humain. c) Ami, bienfaiteur, libérateur, père, sauveur du genre humain; fléau, honte, rebut du genre humain. d) Constituer, diviser, menacer, perpétuer, racheter, servir le genre humain; bien mériter du genre humain.
2. Spécialement
a) PHILOS. (logique classique), LING. Idée générale ou classe d'êtres ou d'objets qui possèdent un ou plusieurs caractères communs. Genre éloigné, suprême; genre prochain et différence spécifique. Quand deux termes généraux sont contenus l'un dans l'autre, le plus grand en extension s'appelle genre, le plus petit s'appelle espèce. En compréhension, le genre est plus petit que l'espèce. Le genre s'étend à plusieurs espèces, tandis que l'espèce comprend les attributs du genre (Goblot, 1920).[Dans la logique aristotélicienne] L'universelle affirmative (...) peut être regardée comme énonçant la subsomption du sujet sous le prédicat ou comme l'inclusion de l'espèce dans le genre (R. Blanché, La Logique et son histoire, Paris, Armand Colin, 1970, p. 44) :
3. La différence est ce qui s'ajoute à l'idée du genre [it. ds le texte] pour constituer l'idée de l'espèce subordonnée (...). Dans cette définition : l'homme est un animal raisonnable, l'animalité est le genre, l'humanité l'espèce, la raison la différence. Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 338.
b) TAXINOMIE, BIOLOGIE ANIMALE et VÉGÉTALE. Niveau de la classification des êtres vivants, placé sous la famille au-dessus des espèces; p. ext. classe, espèce. Échelle, évolution, harmonie, hiérarchie, multiplicité des genres et des espèces; genre primitif, secondaire, supérieur; genres et sous-genres. V. espèce II A ex. 3 :
4. ... c'est à Charles de Linné, savant suédois, que l'on doit d'avoir mis de l'ordre dans l'énorme matériel zoologique et botanique que l'on possédait à son époque; répartissant le monde animé en classes, ordres, genres et espèces, il aboutit à un rangement plutôt qu'à une véritable classification, mais qui rendait les recherches plus faciles. La dénomination de chaque être vivant par deux termes latins, le premier désignant le genre, l'autre l'espèce, fut acceptée dès le début et sert encore à l'heure actuelle. Hist. sc.,1957, p. 1356.
c) LITT. et B.-A. Classe d'œuvres ou de sujets artistiques ou littéraires, définis par des caractères communs déterminant le choix des moyens. Genres littéraires, musicaux, picturaux; genre inférieur, mineur; mélange des genres. Pour pouvoir comparer avec fruit la littérature ancienne et la littérature moderne, il faut prendre les deux extrêmes des deux genres, la poésie pastorale pour le genre familier, la poésie épique pour le genre héroïque (Bonald, Législ. primit., t. 2, 1802, p. 211).Les erreurs révoltantes où sont tombés « presque tous » les grands maîtres en traitant ce genre difficile [la musique d'église] (Berlioz, À travers chants,1862, p. 263).La souplesse et la variété de talent de ce peintre [M. Caillebotte]. Il exhibe, au panorama, des échantillons de tous les genres : des intérieurs, des paysages de terre et de mer, des natures mortes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 287) :
5. Les états de conscience qui, les premiers dans l'histoire humaine, reçurent une forme littéraire furent des stupeurs, des terreurs, des extases, des joies, des tristesses, des haines, des fureurs, des amours; ils ne furent pas des positions de l'esprit. Et, de fait, les genres par lesquels débutent toutes les littératures, l'épopée, l'ode, l'élégie, la tragédie, le conte (...) expriment des émotions, soit de l'auteur, soit de ses personnages. Benda, Fr. byz.,1945, p. 153.
SYNT. a) Abandonner, apprécier, réhabiliter, renouveler un genre; exceller dans un genre. b) Genres littéraires : genre oratoire, poétique; genre en prose; genre démonstratif, délibératif, judiciaire; genre épique, dramatique, lyrique; genre didactique, épistolaire, historique, romanesque. c) Genres picturaux : genre historique; genre du paysage, du portrait.
Manière, style propres à un artiste, à un écrivain. Ce tableau est dans le genre du Corrège (Ac.). Il faut que notre conte de fées soit dans un genre rabelaisien − idéal, l'histoire et la satire ailée, mordante et fantaisiste de tout l'homme du xixesiècle (Goncourt, Journal,1857, p. 358).
En partic.
MUS. Division du tétracorde correspondant à la place occupée par les sons mobiles qui le composent. Un troisième genre naît de la succession de certaines notes, telles que do dièse et ré bémol (...) dont l'intonation est presque identique (...) : c'est le genre enharmonique (E. Durand, Traité harm., s.d., p. 2) :
6. Le système grec le plus ancien avait une très petite étendue. Il était renfermé dans les limites d'une quarte dont les deux sons extrêmes restaient fixes, tandis que les sons intermédiaires étaient mobiles, et constituaient par leur position les trois genres : diatonique, chromatique, enharmonique. Savard, Harm., t. 1, 1853, p. 25.
PEINT. Peintre, peinture de genre. Peintre, peinture dont les sujets sont (ou tableau qui représente) des scènes de la vie quotidienne, des animaux, des natures mortes. Au xviiiesiècle, l'excellent peintre de genre, Chardin, semble avoir voulu renouer à eux [les Le Nain] pour les scènes d'intérieur et la représentation des objets naturels (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 127) :
7. Les scènes de cabaret et les kermesses de la peinture flamande, les « bambochades », les intérieurs à la Le Nain, bref, tous les tableaux dont les sujets, anecdotiques ou narratifs, s'opposent au style noble des compositions religieuses ou mythologiques, appartiennent à la peinture de genre dont la vogue cessa en 1914. P. Cabanne, Dict. internat. des arts, Paris, Bordas, t. 1, 1979, s.v.
Scène de genre. Scène de la vie quotidienne :
8. ... tel Meissonier avec ses petits personnages xviiiesiècle, tel Roybet avec ses mousquetaires. Ces peintres confirment dans l'esprit du public la conviction qu'il sait goûter Pieter de Hoogh, Franz Hals, les scènes de genre hollandaises. En fait, le public ne goûte pas les scènes de genre hollandaises, car celles-ci, c'était la vie. Cassou, Arts plast. contemp.,1960, p. 16.
Le genre. Étudier le genre (Ac. 1835, 1878). Il est assez difficile, en tout état de choses, de dire exactement où finit la grande peinture, où commence ce qu'on est convenu d'appeler le genre. On ne peut se régler ni sur le choix des sujets, ni sur la dimension des toiles, ni d'après les habitudes variables du peintre (E. Fromentin, Salon ds Revue organique des départements de l'Ouest, La Rochelle, 1845, pp. 262-263).
P. anal. Chanson, musique de genre. Chanson, musique dont les sujets sont d'inspiration populaire, pris dans la vie quotidienne. [Au café-concert] Ce soir, débuts de Mademoiselle Amanda, chanteuse de genre (Zola, Assommoir,1877, p. 629) :
9. ... une divette de music-hall [la Sainte-Ygraine], qui, après s'être exhibée avec succès dans des petits théâtres de genre, avait été prise de l'ambition, commune à beaucoup de ses pareilles, de se faire entendre sur une scène plus digne de son talent. Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 780.
RHÉT., vieilli. Style, ton particuliers dans lesquels sont traités un sujet ou les parties d'une œuvre littéraire. Genre sublime, tempéré ou médiocre ou orné ou fleuri; genre badin, burlesque, sérieux. Le genre simple présente les objets sans les revêtir d'aucun ornement recherché (Domairon, Rhétorique française, Paris, Deterville, 1804, p. 149).
d) GRAMM. Catégorie reposant, selon les langues et les systèmes, sur la distinction naturelle entre les sexes ou sur des critères formels. Genre naturel, grammatical; genre animé, inanimé; genre féminin, masculin, neutre; genre épicène; adjectif, substantif des deux genres :
10. L'article − défini et indéfini − est le principal réactif du genre en français. C'est essentiellement par l'article que la conscience du genre entre chez l'enfant, pour qui il ne s'agit pas d'une notion abstraite, mais d'associations mnémoniques. Pendant longtemps il ignore si pied, main est masculin ou féminin, mais ce qu'il sait de bonne heure, c'est qu'on se moque de lui s'il dit la pied ou le main; il a groupé inconsciemment dans sa mémoire les mots à le (et un) et les mots à la (et une). A. Dauzat, Le Genre en fr. mod. ds Ét. de ling. fr., Paris, d'Artrey, 1946, pp. 42-43.
Forme donnée au pronom, adjectif ou participe correspondant au genre du nom représenté, ou avec lequel il s'accorde. Quand un participe s'accorde en genres, en nombres, et en cas, avec le nom auquel il sert d'adjectif, il est tout aussi défini qu'un tems de l'indicatif, et qui s'accorde avec son sujet en nombre et en personne (Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p. 196) :
11. Dans beaucoup de langues, il s'opère une fusion complète entre le genre et le nombre, si bien qu'on ne peut distinguer ce qui appartient à l'un ou à l'autre, ni analyser sûrement le conglomérat. Au singulier, d'ailleurs, le nombre n'a généralement pas d'expression, la rencontre n'a lieu qu'au duel et au pluriel. R. de La Granerie, De la Catégorie du Genre, Paris, E. Leroux, 1906, pp. 232-233.
e) MATHÉMATIQUE
Genre d'une surface. ,,Nombre maximum de courbes simples fermées sans points communs que l'on peut tracer sur cette surface sans la morceler`` (A. Bouvier, M. George, Dict. des math., Paris, P.U.F., 1979).
Genre d'un graphe. Genre le plus petit d'une surface orientable sur laquelle le graphe puisse être représenté (A. Bouvier, M. George, Dict. des math., Paris, P.U.F., 1979).
Genre d'un nœud. Moitié du nombre d'anses nécessaires pour obtenir une surface se séparant en deux parties par section suivant le nœud (A. Bouvier, M. George, Dict. des math., Paris, P.U.F., 1979).
Rem. Quelques dict. gén. enregistrent le sens vx en physiol. ,,ensemble des nerfs, sensibilité physique`` (Littré), synon. de système nerveux. L'irritation du genre nerveux. Cette odeur attaque le genre nerveux (Ac. 1835, 1878).
B. − P. ext. [Souvent avec une valeur d'approximation] Langage courant
1. [L'accent est mis sur l'ensemble et sur l'appartenance d'un être ou d'un objet à l'ensemble] Catégorie, espèce, sorte, type. J'allais jusqu'à dire à Brigitte qu'elle devait la prendre pour modèle, et que c'était là tout à fait le genre de femmes qui me plaisait (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 245).Il y eut encore une scène de révolte et d'emportement qui fut tout ce qu'il est possible d'imaginer en ce genre de plus puéril et de plus charmant (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 145).Toute discussion politique contre un libéral, un républicain et tout genre de philanthrope et d'utopiste (Goncourt, Journal,1863, p. 1278).Attends encore un peu, je te prie. Veux-tu prendre un café-crème ou quelque chose de ce genre? (Duhamel, Cécile,1938, p. 158) :
12. La juste douleur d'une mère, la satisfaction de savoir le crime vengé, c'est le genre de jouissances qu'on aime à savourer seule, ne trouvez-vous pas? Camus, Requiem,1956, 1repart., 2etabl., p. 829.
Fam. Être le genre de qqn. Correspondre à son type, à son idéal. Elle est tout à fait mon genre :
13. Il y avait eu un temps où Swann lui avait plu, justement celui où elle n'était pas « son genre ». À vrai dire, « son genre », même plus tard, elle ne l'avait jamais été. Proust, Temps retr.,1922, p. 1021.
SYNT. a) Genre d'activité, d'exercice, d'occupation, de travail; genre de chose(s); genre d'argument; genre de beauté, de plaisir, de sentiment; (je n'ai aucun goût pour, j'ai horreur de, je déteste ce) genre de conversation, de discussion, d'esprit, de plaisanterie; (je ne fréquente pas ce) genre d'endroit(s); (j'aime, je connais bien ce) genre de caractère, d'hommes, de personnes, de type (fam.). b) Un modèle de (en) ce genre; constituer, être, rester, être considéré comme (le) un modèle, un spécimen, le type, l'idéal, le sublime du genre.
Loc. diverses
Du même genre. En Europe centrale, entre 1919 et 1939, des mouvements agraires du même genre [libéralisme agraire] ont pris naissance, assez proches quelquefois du socialisme (par exemple en Bulgarie) (Traité sociol.,1968, p. 39).
De tous (les) genres, de tout genre. Les progrès de tous genres que le christianisme a fait faire à la société (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 632).J'avais 10 000 francs et un tas d'avantages de tous les genres (Goncourt, Journal,1891, p. 41).La vie de Gaston − si féconde pourtant en triomphes de tout genre (Du Bos, Journal,1925, p. 321).
En tout genre, en tous genres. Ces deux ruelles, ainsi disposées, contiennent une trentaine de maisons à six et sept étages, dont les cours intérieures, dont tous les appartements contiennent des magasins, des industries, des fabriques en tout genre (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 311).Un grand panier de babas, d'éclairs et gaufrettes! des « Saint-Honorés » en tous genres (Céline, Mort à crédit,1936, p. 608).
Dans tous les genres, dans le genre. Lorsque l'objet même de l'enseignement force de se borner dans tous les genres à des connaissances élémentaires (Condorcet, Organ. instr. publ.,1792, p. 472).Une vraie maison, tout ce qu'on fait de plus chouette dans le genre (Romains, Copains,1913, p. 270).
Dans, en + adj. poss. + genre.Un livre, une personne, un succès unique en son genre. Les villes des Pays-Bas sont en leur genre aussi pittoresques que celles de l'Italie (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 262).MllePz. et Miss Pauline M. (...) toutes deux modestes, jolies, l'une musicienne, l'autre dessinatrice, la première plus vive, la seconde plus douce, mignonnes chacune dans leur genre (Amiel, Journal,1866, p. 101).Des garçonnets dans son genre, c'est tout autant malicieux que des filles (Bernanos, Crime,1935, p. 815).Les gringalets dans son genre, c'est pas tout à fait mon type d'homme (Aymé, Cléramb.,1950, p. 168).
Dans le genre de. Un colossal fragment de cathédrale inachevée en granit, par Herrera, dans le genre de St Pierre de Rome (Gautier, Tra los montes,1843, p. 63).J'ai eu un accident de chemin de fer : très peu de chose : un coup près de l'œil, dans le genre du tien (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1870, p. 161).
De + adj. poss. + genre.Les pilotins de ton genre, semi-dignitaires municipaux en retraite, je les emmerde (Malraux, Espoir,1937, p. 671).Les hommes de son genre s'accoutument à tout, même à la mort (H. Bazin, Vipère,1948, p. 92).
Du genre de + subst., du genre + adj. ou subst.Mille histoires du genre affolant (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1894, p. 216).Les unes [les demoiselles] sont du genre volaille, les autres du genre petite singesse (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 602).En France, à part quelques braves loufoques du genre de Déroulède, qui est-ce qui rêve encore de gloire militaire, ou de revanche? (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 131).Études trop historiques ou énumératives du genre catalogue et fausse synthèse (Colloque géogr. appl.,1962, p. 64).
2. [L'accent est mis sur le ou les caractères commun(s) aux éléments de l'ensemble] Façon, manière d'être d'un être ou d'un objet.
a) Genre de vie. Ensemble des habitudes propres à un individu ou à un groupe d'individus. Synon. conditions, mode de vie, façon(s) de vivre.Genre de vie de l'ouvrier, des marins, des nomades. Le nomadisme n'est pas seulement le fait du genre de vie pastoral (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 199) :
14. J'ai continué à me lever de très bonne heure et à m'occuper avec un intérêt exclusif du même sujet [la rédaction de mon article] : c'est encore le genre de vie le meilleur qu'on puisse avoir; la vie est plus une; on est moins tourmenté par les événements et toutes les choses de la vie extérieure... Maine de Biran, Journal,1817, p. 58.
SYNT. a) Genre de vie nouveau, particulier; genre de vie agité, austère, casanier, hasardeux; genre de vie forestier, urbain; genre de vie américain, oriental. b) S'accoutumer, s'adapter, être attaché à un genre de vie; changer de, choisir, mener un genre de vie; observer les (différents) genres de vie.
b) Manière d'être, caractère, nature de quelqu'un ou, par analogie, de quelque chose. Adopter, se donner un genre; changer de genre, avoir un certain genre, un petit genre, un genre à part, un drôle de genre (fam.); ce n'est pas dans le genre de la maison; avoir le genre maison. J'aime bien Laurence comme ma sœur; je ne voudrais pas d'une femme comme elle, j'aime mieux ton genre (Balzac, Corresp.,1821, p. 115).En cuisinière distinguée, dont le genre n'était pas de se quereller chez les maîtres, [elle] avait accepté ses huit jours (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 380) :
15. Quelques-uns de ces messieurs étaient mariés et nous amenaient leurs femmes. Il fallait voir le genre de ces personnes-là! A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 104.
Fam. Qqc. est, c'est + adj. poss. + genre; qqc. est, c'est dans/de + adj. poss. + genre.Quelque chose est, c'est en harmonie avec (+ adj. poss.) façon d'être, de penser, d'apprécier. C'est bien son genre; ce n'est pas mon genre. Cette idée me frappa, elle était dans mon genre (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 827).Tous ces tripotages-là ne sont pas de mon genre. Passe encore de se faire recommander par les amis; mais par des dames, c'est un peu canaille, un peu trop pour moi (Flaub., Corresp.,1843, p. 142).− Je ne prise plus, dit Olivier froidement. Non. − Parole? Et d'ailleurs, ça ne m'étonnerait pas, ce serait assez dans votre genre (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 886) :
16. − Te rappelles-tu la petite Marie de chez nous? Elle vient d'entrer au couvent des clarisses, impasse de Saxe (...). Augustin ressentit un léger choc d'émotion et d'étonnement. Un ordre contemplatif? Ce n'était pas son genre...Enfin!... Encore une heureuse... Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 258.
Bon, mauvais genre. Bonnes, mauvaises manières; bon(ne), mauvais(e) aspect, allure. Avoir mauvais genre; qqc. ou qqn (de) très, trop bon genre; être, faire bon genre. C'était « le bon genre » de recevoir l'éducation chez les dominicaines, en compagnie de jeunes personnes « nées » (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 285).Pour se donner mauvais genre, elle mettait son chapeau de travers et croisait haut les jambes (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 270).V. gomorrhéen B 1 citat. de Proust :
17. Mon père, sans doute, fut séduit par cet acte distingué de manger des huîtres sur un navire en marche. Il trouva cela bon genre, raffiné, supérieur... Maupass., Contes et nouv., t. 1, Oncle Jules, 1883, p. 417.
SYNT. a) Faire qqc. par bon genre; trouver mauvais genre à qqn; être (reconnu) bon genre. b) Une éducation, des idées, un journal, une voiture (très) bon genre.
Bon chic, bon genre. L'apport de la Balance, signe de distinction et de mesure, rehaussé par la présence lunaire précise le côté bon chic, bon genre de notre virginien (Michel Drucker) toujours tiré à quatre épingles, impeccable sans extravagance. Le voilà bien « le charme discret » de la Vierge (Astres, no390, oct. 1980, p. 196).
[Suivi d'un adj. ou d'un subst.] Affecter, avoir, prendre le (un) genre artiste; donner dans le genre désinvolte. La gueule de travers, je te dis! Encore plus que ça! Et l'œil désossé! Et le tremblement dans la ganache! Un petit genre Chaliapine, quoi! (Colette, Vagab.,1910, p. 152).Il s'était complètement défait du genre aviateur, tapageur, beau gosse, que je lui avais connu dix ans plus tôt, après la grande guerre (Morand, Champions du monde,1930, p. 180) :
18. M. de Chasteller avait de la fortune. Il paraissait plus âgé qu'il ne l'était, parce qu'il manquait tout à fait de cheveux; mais il avait une vivacité étonnante et portait la grâce dans les manières jusqu'au genre doucereux. Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 270.
SYNT. Genre anarchiste, bourgeois; genre américain, parisien, provincial; genre bigot, cérémonieux, folâtre, gâteux, pimbêche, sérieux, sévère, snob, tourmenté.
[Placé en appos. ou en incise] Façon, type. Un horrible bavard, genre puritain (Bloy, Journal,1892, p. 68).Un petit salon, genre boudoir (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 143).
Vieilli. Élégance, chic. Avoir du, manquer de genre. La jaquette américaine en drap noir, ornée sévèrement de tresses et de boutons; elle est pratique, mais n'a pas de genre (Journal des Ouvrages de Dames, Paris, F. Tedesco, 1909, p. 230).
Désir de se distinguer en affectant certaines manières :
19. Les rares familles bourgeoises de Montigny envoient, par genre, leurs enfants en pension au chef-lieu, de sorte que l'école ne compte guère pour élèves que des filles d'épiciers, de cultivateurs, de gendarmes et d'ouvriers surtout; tout ça assez mal lavé. Colette, Cl. école,1900, p. 12.
Se donner, faire du genre. La pompe de cette cérémonie, cette file noire qui arrêtait la circulation sur son passage, les voitures drapées, le petit coupé des Risler que Sidonie avait envoyé pour faire du genre, tout cela la flattait, l'exaltait, quoi qu'il en eût (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 273).
REM.
Genreux, -euse, adj. et subst.,fam., vx. a) Emploi adj. [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] . Synon. de affecté (supra B 2 b faire du genre).Une histoire scandaleuse, dont potine à cette heure tout le Paris genreux (Gill, La Petite lune,1878-79, no28, p. 2).Ces femmes, ou brunettes ou blondinettes et généralement gentillettes, ont une distinction, mais pas une distinction de grande dame : une distinction bourgeoise de demoiselle de magasin suprêmement chic. C'est mignon, c'est genreux, et ça papote dans les coins, en grignotant des petits fours avec d'élégants froufrous et un caquetage d'oiseaux (Goncourt, Journal,1887, p. 680).P. anal. [En parlant d'une chose] . La pipe est devenue genreuse (Nouv. Lar. ill.). Je m'appelle « Tompin », imaginez-vous que ces animaux-là, ne trouvant pas mon nom suffisamment « genreux », ont inventé de m'anoblir et de m'ajouter un « y » (Gyp, Mar. civil,1892, p. 298).b) Emploi subst. Celui, celle qui a des manières affectées. Un tas de genreux, de femmes maquillées (demi-mondaines ou mondaines tout entières), de théâtreuses indiscrètes et cramponnes (Colette, Cl. ménage,1902, p. 84).
Prononc. et Orth. : [ʒ ɑ ̃:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1121-34 gendre lang. commune « sorte, type » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 868 ds T.-L.). B. 1. Ca 1200 « sexe » (Dial. Grégoire, 144, 3, ibid. : ... nïent ke il despitoit lo genre [non quia aspernabatur sexum]); 2. ca 1245 gramm. (H. d'Andeli, IV, 386, ibid.). C. 1. Début xiiies. humaine genre (La Venjance del mort nostre Seigneur, Brit. Mus., Egerton 613, fol. 18 rods Gdf. Compl.); 2. ca 1300 philos. « ensemble des caractères essentiels d'une chose » (Gl. Bruxelles, 9543 ds T.-L. : genrre : si com estre d'une nature); cf. ca 1380 ne chiet en espece ne en gendre (J. Lefèvre, Vieille, 109, ibid.); 3. 1654, 17 oct. litt. (Racan, Œuvres, éd. Tenant de Latour, I, 357 : si l'on veut acquérir la réputation en ce genre d'écrire [le théâtre]). Empr. au lat.genus, -eris « origine, extraction, naissance » qui recouvre l'ensemble des sens de l'a.fr. : « race, nation; espèce, genre [humanum genus]; sorte, type, manière », philos. : pars subjecta generi [l'espèce]. La forme a.fr. gendre s'explique prob. par l'infl. du verbe a.fr. gendrer (lat. class. generare « engendrer ») « engendrer » (v. DEAF s.v. 465, 27). Fréq. abs. littér. : 10 185. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 23 860, b) 10 669; xxes. : a) 7 760, b) 12 571. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 9, 15. - Klein (J.R.). Le Vocab. des mœurs de la Vie parisienne sous le Second Empire. Louvain, 1976, p. 53 (s.v. genreux). - Launay (M.). Le Vocab. pol. de Jean-Jacques Rousseau. Genève-Paris, 1977, p. 110.