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GAGE, subst. masc.
I. − Au sing. ou au plur.
A. − Ce que l'on dépose entre les mains de quelqu'un en garantie.
1. DR. ,,Contrat par lequel un débiteur remet à son créancier un objet mobilier pour garantir l'exécution de sa dette`` (Banque 1963). Cf. fiducie ex. :
1. 2072. Le nantissement d'une chose mobilière s'appelle gage [it. ds le texte]. Celui d'une chose immobilière s'appelle antichrèse. Code civil,1804, p. 372.
Gage vif, gage mort ou mort gage. ,,Celui qui vient ou ne vient pas en déduction de la dette`` (Ac. 1932).
P. méton. La chose remise en gage. Celui qui ne peut pas trouver une caution, est reçu à donner à sa place un gage en nantissement suffisant (Code civil,1804, art. 2041, p. 367).Le créancier ne peut, à défaut de paiement, disposer du gage (Code civil,art. 20781804, p. 373).
2. P. ext.
a) Tout meuble ou immeuble garantissant le paiement d'une dette. Mettre en gage, prêter sur gage. Il obtint la remise des villes de Péronne, Roye et Mondidier, qui avaient été assignées en gage de la dot (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 420).Cet hiver, certaines familles mettaient en gage leur argenterie pour donner des bals (Michelet, Journal,1835, p. 169).
Prêteur* sur gages.
b) Ce qui est déposé lors d'une contestation entre les mains d'une tierce personne par les deux parties et qui sera remis à celui qui a raison. Mettons des gages entre les mains de quelqu'un (Ac.1798-1878).
3. Spécialement
a) JEUX. Ce qui est déposé par les joueurs perdants et qu'ils ne peuvent récupérer qu'à la fin du jeu moyennant une pénitence. C'est là l'origine d'une pénitence toute semblable que l'on impose, au petit jeu des gages touchés (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 62).Les gages furent tirés au sort sur les genoux d'Élodie (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 136).
b) FÉOD. Gant ou gantelet que l'on jetait pour défier quelqu'un au combat. Gage du combat ou gage de bataille (Ac.1798-1878) :
2. ... il ajouta : Voilà le chevalier du Cygne prêt à recevoir le gage de bataille. Pour toute réponse, le roi jeta son gant, qu'Olivier ramassa. Ensuite les deux ennemis (...) se précipitèrent l'un sur l'autre. Genlis, Chev. Cygne, t. 3, 1795, p. 357.
B. − Au fig. Ce qui représente une garantie, une assurance de quelque chose. Gage d'alliance, de tendresse. Donnez-moi un gage, un gage d'oubli du passé, d'espoir dans l'avenir! (De Vogüé, Morts,1899, p. 354).Élisabeth lui donna son appui moyennant des gages : la remise du Havre d'abord et plus tard la restitution de Calais (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 168).
1. [Pour le passé] Ce qui sert de preuve, de témoignage :
3. ... si (...) [le sous-secrétaire d'État] n'était venu me forcer en quelque sorte à donner de la publicité à ma lettre, publicité qui, au demeurant, devient pour le lecteur un gage de plus de l'authenticité et de l'exactitude de tous les faits mentionnés ici. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 553.
2. [Pour l'avenir] Ce qui constitue une promesse formelle, une assurance. Le capitaliste trouve dans l'instrument produit par le travailleur un gage d'indépendance et de sécurité pour l'avenir (Proudhon, Propriété,1840, p. 216).L'immortalité de l'âme, gage de notre béatitude future (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 177).
3. Expressions
Demeurer pour les gages (vx).
[En parlant de ceux qui sont pris ou tués dans un combat dont les autres parviennent à réchapper] Synon. de succomber.La moitié des siens sont demeurés pour les gages (Ac.1835, 1878).
[En parlant de circonstances moins graves] ,,Par exemple si dans une hôtellerie, dans un cabaret, on retient quelques gens d'une compagnie, afin qu'ils payent pour les autres qui se sont échappés`` (Ac. 1835, 1878.
Donner des gages à un parti. Se lier à un parti par un acte attestant son attachement à celui-ci. C'est très malin, son jeu de bascule, les gages donnés un jour aux libéraux, l'autre jour aux autoritaires (Zola, Argent,1891, p. 414).
Gage de l'amour (vieilli et littér.). Synon. de enfant.Abassa portoit dans son sein le gage funeste de notre union (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 246).
Laisser (qqc.) pour gage, pour les gages. Synon. de perdre.Oui, justement, l'île de Fionie; c'est là que j'ai manqué laisser mon nez en gage (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 16).
Prendre des gages. Prendre des précautions en s'assurant dès maintenant des avantages que l'on n'est pas certain d'obtenir plus tard. Au printemps prochain, l'Allemagne sera défaillante; on le sait. Que se passera-t-il? Il faudra prendre des gages. Autant, dès lors, maintenir ceux que nous avons déjà (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921-22, p. 194).
II. − Au plur.
A. − Somme que l'on verse mensuellement ou annuellement pour payer les services d'un domestique. Payer les gages. Les gages d'un cocher (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 345). Cela ne suffit pas aux gages des domestiques, aux appointements des maîtres et des maîtresses de tes sœurs, à leur toilette et à la mienne (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 34).
(Être) aux gages de qqn.
Vieilli. Être au service de quelqu'un en qualité de domestique. Il est aux gages d'un tel (Ac. 1835-1932).
Être à l'entier service de quelqu'un et, p. ext., lui être aveuglément dévoué. Ils mettent leur génie trafiquant aux gages du sultan ou des Turcs (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 386).
Casser* (qqn) aux gages.
À gages. Qui est payé pour cette sorte de service. Tueur à gages. Par ce même décret, elle [la Convention] accorda des secours et pensions à tous les anciens serviteurs à gages du ci-devant roi (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 314).Elle a un secrétaire à gages pour l'administration de ses réceptions (Martin du G., Devenir,1909, p. 153).
Gén. péj. Là, point d'applaudissements à gage, à qui l'on a, pour ainsi dire, noté, sur la pièce, les endroits qu'ils doivent applaudir (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 332).Les chroniqueurs d'alors, tant français que bourguignons, étaient des chroniqueurs à gages. Tout grand seigneur avait le sien (A. France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. iv).
Au fig. et fam. Cet homme ne vole pas ses gages. ,,il s'acquitte bien de ce qu'il est chargé de faire`` (Ac. 1878, 1932).
Rem. On relève a) Qq. attest. au sing. MlleTrapenard entra donc au service de ce maître, pour n'en plus bouger, au gage de quarante-cinq francs par mois (Bourget, Discipline, 1889, p. 16). V. aussi Jouy supra. b) L'emploi fém. (plur.) ds Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 78, 166, 182.
B. − Spécialement
1. HIST. ,,Appointements d'un office ou d'une charge`` (Lep. 1948). Un autre moyen, ce fut de retenir la moitié des gages et pensions de tous les officiers de justice et de finance du pays de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 169).Il avait en meubles plus de cent mille écus d'or, trente mille livres de rentes, et les profits de ses fiefs, et les gages de son office de maréchal (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 218).
2. MAR. Solde du capitaine, des matelots d'un bâtiment de commerce. Les gages d'un capitaine de navire, d'un matelot (Ac. 1835, 1878).
Prononc. et Orth. : [ga:ʒ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1130 gwage « ce qu'on met ou laisse en dépôt, comme garantie d'une dette, de l'exécution de quelque chose » (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, p. 7, § 5); b) ca 1165 guage « ce qu'on donne à quelqu'un à titre de réparation, de satisfaction pour un tort qu'on lui a causé » (Benoit de Ste-Maure, Troie, 2595); 2. a) ca 1135 mettre guage « engager quelque chose, mettre en jeu » (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 1873); b) 1538 terme de jeu (Est. s.v. pignus); 3.) 1694 gage « dans une contestation, enjeu déposé par les différentes parties, pour être remis à celle qui aura gain de cause » (Ac.). B. 1160-74 gages masc. plur. « solde, salaire, appointement » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, 3103). De l'a. b. frq. *waddi « gage »; cf. m. néerl. wedde de même sens; a. h. all. wetti « gage, amende »; all. Wette « pari, gageure ». Le mot est attesté aux sens A 1, 3 et B en b. lat. (ca 643 wadium ds Nierm.) ainsi que dans les Gloses de Reichenau (De Libro Genesis, 570 ds H.W. Klein et A. Labhardt, Die Reichenauer Glossen, t. 1, p. 85 : pignus : wadius); il n'est pas exclu que le lat. vas, vadis « caution » ait pu participer à un moment quelconque à la naissance du mot (cf. Ern.-Meillet). Fréq. abs. littér. : 1 070. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 297, b) 1 254; xxes. : a) 1 470, b) 1 033. Bbg. Frank (G.). Faire ravoir les gages. Mod. Lang. Notes. 1938, t. 53, pp. 603-604.