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FREIN, subst. masc.
A.− Dans le domaine phys.
1. Vx. Partie métallique de la bride, placée dans la bouche du cheval pour le contenir, le diriger. Ronger son frein. Synon. mors.L'animal semble aimer le frein qui le manie (Lamart., T. Louverture,1850, III, 4, p. 1328).Un palefroi (...) au frein et au couvre-poitrail d'argent ciselé (Grousset, Croisades,1939, p. 134):
1. ... il compara cette voiture à l'un des plus élégants coupés de Paris, attelé de deux chevaux fringants qui avaient des roses à l'oreille, qui mordaient leur frein, et qu'un cocher poudré, bien cravaté, tenait en bride comme s'ils eussent voulu s'échapper. Balzac, Goriot,1835, p. 78.
P. métaph. L'enfant qui ne sachant plus fait : e, e, comme si le frein de l'alphabet étant ôté, de la bouche incohérente sortait la forme d'un vœu! (Claudel, Ville,1901, III, p. 471).
Proverbe. ,,À vieille mule, frein doré. On pare une vieille bête pour la mieux vendre`` (Ac.).
Loc. fréq., au fig. [Le suj. désigne une pers.] Ronger son frein ou plus rarement mordre son frein. Dissimuler, contenir son impatience ou sa colère. Contrarié au plus haut degré, je rongeai mon frein, fort tenté de lui répondre avec une franche brusquerie (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 296).Il avait, jusqu'ici, écouté en silence. Mais il rongeait son frein (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 352).Il peut sans doute paraître étrange qu'après avoir longtemps mordu son frein, l'occasion ne lui parût pas bonne de se libérer entièrement (Bernanos, Imposture,1927, p. 444).
2. [P. anal. de fonction] Usuel
a) ANAT. Ligament ou repli membraneux qui sert à brider ou à retenir un organe. Frein de la langue, du prépuce. Synon filet.Deux espèces de petites lèvres (...) qui tiennent encore au corps même du clitoris par deux petits freins (Cuvier, Anat. comp.,t. 5, 1805, p. 122).
b) MÉCAN. ,,Frein d'écrou. Petite pièce fixée sur un écrou et qui l'empêche de se desserrer`` (Ac. 1932).
c) TECHNOL. Dispositif (mécanique) qui permet de ralentir ou d'immobiliser une pièce ou une machine et notamment un véhicule en mouvement. Le gars, il a tiré tout d'un coup sur son frein, on s'est bloqué des quatre roues (Giono, Gd troupeau,1931, p. 98).On entendit ce raclement des sabots de frein tout le long des descentes (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 217):
2. La pente est si raide que des premières aux dernières maisons du bourg, lorsque le vent souffle de la plaine, on entend grincer et miauler le frein des charrettes qui s'en vont vers Fruges... Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1469.
SYNT. Frein à main, à pédale; frein à sabot, à air comprimé, à disque, à tambour; frein pneumatique, automatique, assisté; freins puissants; freins avant, arrière (d'un véhicule); garnitures, plaquettes, pédale, tambour de frein; mettre, serrer, desserrer le frein.
Frein moteur. ,,Action du moteur d'une voiture, qui agit comme frein lorsqu'on ôte le pied de l'accélérateur`` (Lexis 1975).
Faire frein. Le feuillage et les branches des arbres faisaient frein sur la chaussée, et ainsi les voitures, dans la pente, tournaient plus aisément (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 113).
Coup de frein. Parfois l'un d'eux donne un léger coup de frein pour ne pas dépasser l'autre (Romains, Copains,1913, p. 110).
Fam., au fig. Fait de réduire ou bloquer (le développement de quelque chose) :
3. ... comme la défaite vient punir l'orgueil, la fatigue le plaisir, et comme le sommeil repose à son tour de la fatigue, ainsi un acte exceptionnel d'autofécondation vient à point nommé donner son tour de vis, son coup de frein, fait rentrer dans la norme la fleur qui en était exagérément sortie. Proust, Sodome,1922, p. 603.
Spéc. Descendre sur les freins, conduire au frein. En utilisant le frein de manière continue. Je ne peux pas descendre sur les freins, madame : ce n'est pas des choses à faire, par un chemin comme celui-là (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 510).
B.− Au fig.
1. [En parlant d'un mouvement désordonné, déréglé] Ce qui ralentit ou met un terme au développement de quelque chose. Le paysan sans religion est une bête féroce; il n'a aucun frein d'éducation ni de respect humain (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 375).On dit que vous ne connaissez ni frein ni loi (France, Orme,1897, p. 163):
4. Le plus souvent c'est le mari qui renie la foi de ses pères, et dès lors il ne connaît plus de frein au dérèglement de ses mœurs. Gide, Robert,1930, p. 1323.
Mettre un frein à (qqc.). Mettons un frein à la puissance du clergé (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 10).Si je n'étais pas là pour mettre un frein à sa colère, il te déchirerait sur place (Sartre, Mouches,1943, II, 1ertabl., 3, p. 50):
5. Il considérait que la vie était faite uniquement pour bambocher et plaisanter, et sitôt qu'il lui fallait mettre un frein à sa joie braillarde, il tombait dans une sorte de somnolence hébétée... Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Bombard, 1884, p. 969.
Sans frein. Désordonné ou excessif. Imagination, ambition sans frein. Nulle autre règle que la volonté de quelques-uns, volonté sans frein, déchaînée jusqu'au crime, s'il est besoin (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 415).Il manifesta un goût sans frein pour la musique (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 126).La situation inhumaine faite au prolétariat par un capitalisme sans frein (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 125).
2. [En parlant d'une pers. ou d'un groupe social] Être le frein (de qqc.). Tenir un rôle de modérateur. Les Rezeau sont l'élite de la société contemporaine, le frein, le régulateur, le volant de sécurité de la pensée moderne (H. Bazin, Vipère,1948, p. 112).
Faire frein. Tandis que le cabinet faisait frein, la souveraine poussait à la roue (Maurois, Disraëli,1927, p. 290).
Prononc. et Orth. : [fʀ ε ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « partie de la bride que l'on met dans la bouche du cheval pour le diriger » (Roland, éd. J. Bédier, 91); 1172 emploi fig. (Ch. de Troyes, Chevalier au lion, 2500 ds T.-L.); 2. 1680 techn. « dispositif servant à ralentir un ensemble doué de mouvement » ici terme de meun. (Rich.); 3. 1690 anat. frein de la langue (Fur.). Du lat. class. frenum « bride, mors; frein (au propre et au fig.) ». Fréq. abs. littér. : 640. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 245, b) 754; xxes. : a) 791, b) 778. Bbg. Wexler (P. J.). Frein. Cah. Lexicol. 1964, no5, pp. 69-83.