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FRAYER1, verbe.
A.− Emploi trans.
1. Vx. Frotter légèrement.
a) TECHNOL. Frayer une lame (Ac.). En effacer les raies laissées par la meule.
b) MÉD. VÉTÉR., au part. passé. ,,Un cheval frayé aux ars. Qui a une inflammation, des gerçures au pli formé par la réunion des membres antérieurs et de la poitrine`` (Ac. 1835, 1878).
c) VÉN. Le cerf fraye sa tête aux arbres (Ac.), pour détacher la peau de son bois.
2. Usuel
a) Ouvrir (une voie) en piétinant et/ou en repoussant les obstacles. Des talus hauts de cinq pieds qu'il fallait attaquer à la pelle pour frayer un chemin (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 117):
1. Sur ma demande, on nous promène dans la forêt durant deux heures, le long d'un très petit sentier presque indistinct, où nous précède un indigène armé d'une machette pour frayer la route. Gide, Voy. Congo,1927, p. 704.
[Le suj. désigne un animal] L'éléphant ramasse en avant le poids de son corps pour frayer sa piste à travers la végétation des mares spongieuses (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 108).
Au part. passé. Ils continuèrent leur promenade à travers champs, par des sentiers à peine frayés (Zola, M. Ferat,1868, p. 10).Le chemin frayé dans la neige conduisait aux galeries couvertes (Green, Moïra,1950, p. 239).
Emploi adj. Nous sommes descendus par un chemin facile et très frayé qui serpente sur cette charmante côte (Maine de Biran, Journal,1816, p. 193).Prends la première route un peu frayée que tu trouveras là sur ta droite (Stendhal, Chartreuse Parme,1839, p. 60).
Emploi subst. TECHNOL. Synon. de ornière.Le passage des roues a pour effet de creuser un frayé permanent (Bourde, Trav. publ.,t. 2, 1929, p. 32).
Rem. En ce sens, l'emploi du fém. semble plus fréq. : une frayée (cf. Plais.-Caill. 1958, Choppy 1975) ou fraye (Lar. Lang. fr.).
Emploi pronom. réfl. indir.
[Le suj. désigne une pers.] Lureux avait aperçu le notaire qui se frayait un chemin, péniblement, à travers les rangs pressés des hommes (R. Bazin, Blé,1907, p. 261).Un détachement de soldats portant comme insigne des haches croisées sur la manche, se frayent passage (Barbusse, Feu,1916, p. 265).
[P. anal. de comportement; le suj. désigne une chose animée d'un mouvement] :
2. En se frayant à travers chaînes et plateaux les voies capricieuses qu'elles ont adoptées, les rivières n'ont pas encore entièrement réussi à entraîner les couches de marnes et d'alluvions... Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 248.
b) P. métaph. et au fig. Comme aucun génie n'avait encore frayé la route, ce talent eut peine à se faire jour (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 233).La pioche des démolisseurs fraye la route de l'avenir (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 164).
En partic.
Frayer la voie à qqn. Lui permettre de réaliser son projet en levant les premières difficultés. Frédéric Jacobi (...) a renouvelé le scepticisme de Hume en en changeant le caractère (...) frayant ainsi la route à cette foule de mystiques célèbres (Cousin, Hist. philos.,t. 1, 1829, p. 15).Notre histoire même nous a appris que les Robespierre ont toujours tort de guillotiner les Danton : ils frayent ainsi la voie aux Bonaparte (Guéhenno, Journal« Révol. », 1937-38, p. 247):
3. ... je lui dis : « Bref, je voudrais montrer comment vous avez inscrit Mallarmé dans Racine », ce qui valut à notre entretien un précieux rebondissement et lui fraya la voie à des confidences qu'il ne m'avait jamais faites. Du Bos, Journal,1923, p. 226.
Frayer la voie à qqc. La rendre possible. Par là il frayait la voie à une philosophie nouvelle (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 357).Ceux qui avaient frayé la voie à la République (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 435).
P. ext. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] La contemplation fraye la voie au consentement (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 450).
Emploi pronom. réfl. indir.
[Le suj. désigne une pers.] Je me suis frayé seul ma sanglante carrière (Constant, Wallstein,1809, I, 1, p. 5).
[Le compl. d'obj. désigne un espace où se tenir] Il lui fallait, à partir de là, déboucher sur le plan diplomatique, se frayer sa place au milieu des alliés (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 181).
P. ext. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Voici que la source bourbeuse se frayait en lui une route lente (Mauriac, Génitrix,1923, p. 365).
Emploi pronom. à sens passif. Entre le panthéisme et le dualisme, se frayait une voie sûre, où la théologie naturelle pouvait entrer (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 248).
B.− Emploi intrans.
1. Dans le domaine de la pisciculture.Féconder ou déposer les œufs (selon qu'il s'agit du poisson ou de sa femelle). Les autres [goujons] montent, pour frayer, des rivières vers les cours d'eau qui s'y jettent (Pesquidoux, chez nous,1923, p. 239):
4. Je la voyais, sur la plage, faire la sirène, onduler des fesses et se traîner sur le ventre, comme un poisson qui veut frayer, lâcher sa laite ou ses œufs. Michelet, Journal,1860, p. 522.
2. [Le suj. désigne une pers.]
[Avec une connotation parfois condescendante ou péj.] Frayer avec qqn. Avoir avec lui des relations amicales durables, le fréquenter assidûment. Je suis content que M. Barrès de l'Académie française consente à frayer avec les symbolistes (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 50).Avec les camarades de mon âge, je frayais peu et ne me prêtais à leurs amusements que par affection ou complaisance (Gide, Porte étr.,1909, p. 507).Il était suffisamment persuadé de sa grandeur pour pouvoir frayer avec n'importe qui (Proust, Fugit.,1922, p. 663).
Frayer ensemble. Elle va rapporter à Tancogne qu'elle nous a vus frayer ensemble (Genevoix, Raboliot,1925, p. 162).
Emploi abs. Élisabeth détestait qu'on frayât; elle méprisait les autres (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 72).Il était de caractère ombrageux et ne frayait pas volontiers (Gide, Journal,1930, p. 1001).
Rem. La docum. atteste avec ce même sens, l'emploi trans. On le verra frayer les porteurs de lanternes (Aragon, Rom. inach., 1956, p. 135).
REM.
Frayure, subst. fém.,vén. Action du cerf qui fraye son bois. Attesté ds la plupart des dict.
Prononc. et Orth. : [fʀ εje] ou p. harmonis. vocalique [fʀeje], (il) fraie ou (il) fraye [fʀ ε], [fʀ εj]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. cf. balayer, bégayer. Étymol. et Hist. 1. Ca 1155 freier « frotter » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 1138), seulement en a. fr., ne subsiste plus que dans l'accept. ichtyol. (1121-34, Ph. de Thaon, Bestiaire, 827 ds T.-L.) et en vén. (2emoitié xiiies., La Chace dou cerf, éd. G. Tilander, 465, ibid.); 2. 1275-80 « tracer un passage, un chemin [ici fig.] » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 21639); 3. fin xviie-début xviiies. « entretenir des relations avec » (St-Simon, Mémoires, t. 13, p. 169). Du lat. class. fricare « frotter, polir, étriller ». Bbg. Chautard (É). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 375.