| FRÉNÉTIQUE, adj. et subst. A.− MÉD., vx. Délire, fièvre frénétique. Synon. de frénésie.[Au cours d'une des formes de la petite vérole] outre la douleur de tête et les maux de reins, le malade éprouve de petits frissons irréguliers, souvent des redoublements, et quelquefois le délire, même un délire frénétique (Geoffroy, Méd. pratique,1800, p. 62).Le peuple, par une de ses inconstances accoutumées, délivra le souverain pontife qui partit pour Rome; il y mourut d'une fièvre frénétique (11 octobre 1303) (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist.,t. 3, 1831, p. 335). − Emploi subst. Celui, celle qui est atteint(e) de frénésie. Il me fut impossible de supporter la vue des tourmens auxquels étaient en proie deux autres frénétiques enfermés dans cette enceinte, et nous entrâmes dans le quartier des maniaques (Jouy, Hermite,t. 3, 1813, p. 123). − P. anal. [En parlant d'un comportement] Dont l'égarement se manifeste de façon comparable à la frénésie. La contagion des crises frénétiques dans les assemblées de certaines sectes suit les lignes de faiblesse des psychismes présents et non pas du tout les lignes de force de la ferveur religieuse (Mounier, Traité caract.,1946, p. 501). B.− Au fig., cour. 1. [Correspond à frénésie B 1; en parlant d'un comportement] Qui atteint la frénésie. Une colère, un enthousiasme, une impatience, un rire frénétique; une étreinte frénétique; une extase, une passion frénétique; une clameur frénétique. Un hurrah frénétique d'admiration éclata suivi de hurlements de joie et de rires éperdus (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Prisonn., 1884, p. 287).L'agitation se propageait de proche en proche, s'étalait, devenait frénétique (Maran, Batouala,1921, p. 82): 1. Javert répondit :
− Allons vite!
Il y eut dans l'inflexion qui accompagna ces deux mots je ne sais quoi de fauve et de frénétique. Javert ne dit pas : allons, vite! il dit : allonouaite! Aucune orthographe ne pourrait rendre l'accent dont cela fut prononcé; ce n'était plus une parole humaine, c'était un rugissement.
Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 352. − Emploi subst. Celui, celle qui a un comportement frénétique : 2. Bouche ouverte, hurlant à tue-tête, on ne percevait plus sa propre voix. Les cris éclataient, s'entre-choquaient, se confondaient. Sur le perron, juste au-dessous de l'arcade de l'entrée centrale, une bande de frénétiques s'entassaient, montaient sur les épaules les uns des autres, se hissaient, croûlante pyramide, montagne humaine, sans cesse retombante et sans cesse reformée.
Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 412. − P. anal. [En parlant d'une chose] Toute la dévastation frénétique de la tempête (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 224).L'automne est extraordinaire et frénétique ici. De grandes pluies qui s'abattent furieuses, inondant tout et faisant tout déborder; puis des ciels clairs et dépouillés et infiniment limpides, à perdre l'âme (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 301). Rem. On rencontre un sens spéc. de frénétique adj. qui désigne un mode d'expression littéraire du xixes. recommandant de donner libre cours ou donnant libre cours aux passions dans toute leur puissance, sans contrôle d'aucune sorte. Frénétique, subst. masc., désigne un représentant de cette école. Du Cleveland de l'abbé Prévost, jusqu'aux dadaïstes, en passant par les frénétiques de 1830, Baudelaire et les décadents de 1880, plus d'un siècle de révolte s'assouvit à bon compte, dans les audaces de « l'excentricité » (Camus, Homme rév., 1951, p. 73). 2. [Avec un sens atténué; en parlant d'une pers. ou de son comportement] Qui met ou manifeste une grande ardeur dans une tâche : 3. Je reconstituais mentalement une des journées de ce frénétique travailleur [Michel Ortègue] : la Salpêtrière le matin, où un service spécial a été créé pour lui, la rue Saint-Guillaume ensuite et les opérations, jusqu'au déjeuner pris en hâte, avec l'attente, à la porte, des malades venus pour la consultation, suivant le jour...
Bourget, Sens mort,1915, p. 30. 3. P. anal. [En parlant d'une chose ou de son mode d'existence] a) [Dans l'ordre de la qualité; en partic., en parlant d'un rythme] Rapide, vif. Je rêve bayadères, danses frénétiques et tous les tintamarres de la couleur (Flaub., Corresp.,1851, p. 304). b) [Dans l'ordre de la quantité] Qui est en nombre démesuré. Le charivari des insectes et le pullulement frénétique des végétaux (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 222). Prononc. et Orth. : [fʀenetik]. Ds Ac. 1694-1932. Cf. frénésie. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « atteint de délire furieux » (Dialogue Grégoire, 177 ds T.-L.); 2. 1544 « animé d'une passion excessive » (M. Scève, Délie, éd. E. Parturier, 444, 3). Empr. au lat. class. phreneticus, gr. φ
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ς « frénétique »; cf. l'a. fr. fernicle « violent, hardi » (ca 1185 agn. Huon de Rotelande, Protesilas, 907 ds T.-L.) empr. à une forme syncopée *frenicus. Fréq. abs. littér. : 420. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 299, b) 650; xxes. : a) 848, b) 672. Bbg. Arveiller (R.). Fr. mod. 1974, t. 42, p. 280. |