| FOUET, subst. masc. A.− Instrument fait d'une corde ou d'une lanière de cuir attachée à un manche (anciennement faisceau de verges) servant notamment à conduire et stimuler les chevaux (et autres animaux), autrefois à punir les enfants et certains délinquants. Le fouet d'un cocher, d'un charretier. Donner du fouet (Ac.1835-1932).Coup de fouet; ce cheval est dur au fouet; chasser des chiens à coups de fouet; le charretier, le postillon fait claquer son fouet (Ac.1835, 1878).Allonger un coup de fouet (Ac.1878-1932).Voyez nos postillons atteler leurs chevaux; ils les poussent aux brancards (...) à coups de manche de fouet sur la tête (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 181).Le fouet effleura les oreilles de la jument. Ils partirent (France, Pt Pierre,1918, p. 195). 1. Benoni reprenait ses sens (...). Les chevrotines l'avaient moucheté à la manière des truites; un ricochet, par bonheur... (...) il se mit à jurer, songeant qu'il n'avait pu faire la reconduite aux autres. Il se voyait les hachant de son fouet. Le sang lui sautait de six plaies ensemble.
Pourrat, Gaspard,1925, p. 278. SYNT. Un fouet mince et effilé; un fouet battant, cinglant, claquant, retentissant, sifflant; un fouet de houx, de plomb; le fouet du bourreau, du dompteur; le fouet au poing, à la main, en main; le fouet et les verges; le manche, la mèche d'un fouet; faire claquer le fouet; brandir, lever son fouet; être armé du fouet. P. hypallage. Un fouet servile, impitoyable, vengeur, triomphal. P. métaph. : 2. Ce fut (...) Mathurin Régnier le cynique qui, rajoutant des nœuds au fouet satirique d'Horace, s'écriait indigné en voyant les mœurs de son époque : L'honneur est un vieux saint que l'on ne chôme plus.
Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 4. 1. Loc. fig. a) Faire claquer son fouet. ,,Se faire bien valoir, faire valoir son autorité, son crédit, ses talents`` (Ac. 1835-1932). b) Coup de fouet. ,,Ce qui hâte une affaire. Cette affaire ne marche pas elle a besoin d'un coup de fouet`` (Ac. 1835-1932). ♦ Vieilli. Donner un coup de fouet. ,,Menacer, presser, obliger quelqu'un de faire promptement ce que l'on désire de lui. On lui a donné un coup de fouet, il fera bientôt ce qu'on lui a demandé`` (Ac. 1835, 1878). − Coup de fouet (de + subst.). Excitation, stimulation. Sous le coup de fouet du climat marin. La droite applaudit. Une fraction de la gauche ministérielle se cabra sous le coup de fouet de cet applaudissement intempestif (Vogüé, Morts,1899, p. 209).Le vrai courage, sans colère et sans haine, celui qui, pour s'ébranler, n'attend pas le coup de fouet venimeux de la frénésie, celui qui jamais ne ressemble à la peur, car courage n'est pas rage (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 116).Coup de fouet. Remontant, stimulant passager. Cela m'a donné un coup de fouet. − MÉD. Douleur analogue à un coup de fouet, due à une déchirure musculaire ou à la rupture d'un tendon, de varices. − N'avez-vous jamais vu double, ou confondu des couleurs (...). − Qui vous a dit? − Enfin une gêne dans la marche, des douleurs de jambe, un coup de fouet, tout à coup (Estaunié, Vie secrète,1908, p. 217). − MAR. Coups de fouet des voiles. ,,Battements brusques`` (Lar. 20e). Donner des coups de fouet (en parlant des mâts). ,,S'arquer et se redresser à chaque coup de talon, dans un échouage`` (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). c) ARTILL. De plein fouet. (Tir, coup de canon tiré de plein fouet), ,,horizontalement, de but en blanc`` (Ac. 1835-1932) : 3. Le plus grave, c'est que leurs obus ne servent à rien (...).
Pourquoi sont-ils faits? Pour frapper de plein fouet une cuirasse d'acier verticale, très épaisse, et passer au travers. On ne leur demande même pas de faire un trou plus large qu'eux. S'ils le font, c'est du luxe.
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 82. − Au figuré. Carrément, de front, de face et violemment. L'oreille paternelle reçoit de plein fouet un dernier : « Folcoche va crever! » (H. Bazin, Vipère,1948, p. 118). Rem. Plein fouet est parfois employé en tant que loc. subst. Augustin put voir entrer par la fenêtre le commencement du petit matin. En allant ouvrir, une poussière d'eau l'effleura, frange extrême du plein fouet des pluies (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 370). 2. Spécialement a) RELIURE. ,,Cordelette torse très serrée pour serrer un volume à la reliure de manière à marquer les nerfs`` (DG). b) JEUX. Lanière de cuir attachée au bout d'un petit bâton, et dont les enfants se servent pour faire tourner une toupie (d'apr. Guérin 1892). c) MAR. Tresse ou corde résistante, souple, qu'on ajoute aux estropes de certaines poulies, au bout de certaines bosses. Poulie à fouet (Soé-Dup.1906). B.− P. méton. 1. Variété de corde (souvent tressée) utilisée pour le fouet. Cela est fort comme du fouet. Synon. mèche.Ne prenez pas de la ficelle, prenez du fouet (Ac.1835, 1878). 2. Au sing., vx a) Coups de verges, de lanières ou de cordes à nœuds donnés à des condamnés. Être condamné au fouet; emmener qqn au fouet pour blasphème; subir le fouet. Avoir le fouet par les carrefours (Ac.1835-1932).Cet homme à demi sauvage (...) a oublié l'affreuse distance que le fouet et la cruauté des colons avaient mise entre lui et un blanc (Sue, Atar Gull,1831, p. 38). b) Coups de verges donnés aux enfants. Donner le fouet à un enfant; mériter le fouet; avoir le fouet; sujet au fouet. Craindre le fouet (Ac.1835-1932).Menacer du fouet (Ac.1835, 1878) : 4. Il y eut un temps où le pouvoir s'appuyait sur la hache, sans aucune métaphore. Il y eut un temps où les enfants étaient fouettés au sang. L'enfance de Gorki retardait seulement d'un siècle sur la nôtre. Locke, que les pédagogues lisent encore, je ne sais pourquoi, ne connaît d'autre moyen que le fouet pour corriger l'enfant menteur.
Alain, Propos,1921, p. 312. C.− P. anal. 1. [P. réf. à la forme effilée du fouet] HIST. NAT. Fouet de l'aile. ,,Le bout de l'aile d'un oiseau`` (Ac. 1835-1932). 2. [P. réf. à l'extrémité du fouet] Fouet de la queue. ,,Touffe de poils qui termine la queue de certains mammifères`` (DG). 3. [P. réf. au fouet servant à battre] CUIS. Fouet de cuisine, de pâtisserie. Ustensile servant à battre les crèmes, les œufs, les sauces. En cuisine on use de fouets métalliques. En pâtisserie et en confiserie on emploie aussi des fouets en buis ou en osier (Mont.1967). D.− Au fig. Ce qui menace de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique d'un individu. Sous le fouet de la bise, de l'éclair, d'un grain, du vent, des rafales; sous le fouet de la guerre, de la peur, de la vengeance; sous le fouet du désir, du caprice, de la jalousie, de la satire : 5. Le lecteur frissonne en pénétrant dans cet enfer de l'argent qui fut celui de l'auteur des Illusions perdues, drame hallucinant qui a écrasé sa vie et l'a condamné à mourir d'écriture en hurlant sous le fouet de la nécessité.
Morand, Eau sous ponts,1954, p. 56. REM. 1. Fouettée, subst. fém.Coups donnés avec un fouet, des verges. Souviens-toi (...) de toutes les fouettées de houssine que tu as méritées par ta paresse (Arnoux, Abisag,1919, p. 96).P. anal. Synon. de rafale.Au dehors, il pleuvait, neigeait, et les fouettées brutales du vent lorrain battaient les rues étroites (Barrès, Baudoche,1909, p. 69). 2. Fouette, subst. fém.Méthode de pêche des poissons de surface pratiquée avec une canne courte et souple, une ligne de nylon plus courte que la canne, sans flotteur et sans plombs, eschée d'un insecte artificiel ou naturel. La pêche à la fouette est amusante, mais elle demande habileté et habitude (Pollet1970). Prononc. et Orth. : [fwε]. Il y a eu confusion entre [wε] issu de [oi] dans les mots du type debet > deit > doit [dwε] et de [wε] qui est le résultat de la composition de fou (< fagu) et du dimin. -et. Le 1er[wε] devient [wɑ], [wa]. Le 2e[wε] suit la même évolution d'autant plus facilement que la composition n'est plus du tout sentie dans fouet. Sauf Rouss.-Lacl. 1927, p. 109 qui évoque cette confusion, celle-ci n'est pas bien expliquée dans les ouvrages spécialisés. C'est pourtant dans ce sens qu'il faut comprendre la rem. de Littré (,,cette prononc. [fwɑ/a] est mauvaise et doit être évitée d'autant plus qu'elle confond fouet avec foi``) et l'attitude de Nyrop Phonét. 1951, § 62 Rem. II qui ne recommande pas la prononc. [fwɑ/a], [fwate]. C'est cependant la prononc. de Fér. 1768. Elle est donnée comme var. pop. de [fwε] ds DG avec [a]); comme var. encore sans autre précision ds Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 (avec [a]); elle est jugée « normale » ds Mart. Comment prononce 1913, p. 75 et Grammont Prononc. 1958, p. 15, 28 et 30 (avec [ɑ]) qui attribuent avec raison à l'influence de l'orth. le retour à la prononc. [fwε]. Les dér. fouettant, fouettée, fouetter, fouettard, etc. sont traités de la même manière dans les dict. (cf. supra). Mart., op. cit., p. 59 et Rouss.-Lacl., loc. cit. constatent un léger retard dans l'évolution de [fwate] vers [fwεte] par rapport à celle de fouet. Ds Ac. dep. 1694 (foüet dans les ex. Ac. 1694 et 1718). Rem. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787 (cf. aussi Ac. 1798) transcrivent [t] à la finale. On connaît la tendance à réintroduire, à partir du xviies., les consonnes finales à la fois sous l'infl. de l'orth. et pour les besoins de la clarté (ici pour distinguer foi [fwɑ] et fouet [fwɑt]. Mais dans fouet, cette restitution est demeurée sans suite à l'époque contemporaine. Étymol. et Hist. [2emoitié xiiies., [ms.] désigne un coquin, un brigand (Des 2 Bordeors Ribauz, éd. Montaiglon, I, 6 ds T.-L.) attest. isolée]; 1379-80 (Inventaire du mobilier de Charles V, éd. J. Labarte, 2211, p. 242 : ung fouet d'yvire à troys cordes de soye); 1680 « petite ficelle » (Rich. ,,terme de cordier et de cocher``). Dér. de l'a. fr. fou « hêtre » (ca 1200, Renaud de Montauban, 86, 6 ds T.-L.) le mot signifiant proprement « petite baguette de hêtre »; suff. -et*; v. aussi fau. Fréq. abs. littér. : 1 285. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 220, b) 2 969; xxes. : a) 2 148, b) 1 540. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 130. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 184. − Quem. DDL t. 8, 13. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 198. |