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FORTUNÉ, ÉE, adj.
A.− Littér. [Correspond à fortune A, B, C]
1. [Le subst. désigne une pers.] Comblé, favorisé par la fortune, par le destin. Amant fortuné. Des arbres à pain, des cocos, des bananes, des goyaves, des oranges, présentaient à ces peuples fortunés une nourriture saine et abondante (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 190).Et toi, fortuné possesseur Du simple asile que j'envie, Toi qui vis où vivrait ma vie, Deviens à ton tour voyageur (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 62):
1. ... au point de vue de la réalité, de la précision, de la splendeur du terme ultime que nous devons viser par le moindre de nos actes, nous sommes, nous disciples du Christ, les plus fortunés des hommes. Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 65.
Emploi subst. Il paraît que MmeLegouvé est une virago. Elle a eu tous les hommes de sa société, excepté un, qui est le fortuné, comme disait Louason (Stendhal, Journal,1805-08, p. 46).« Que vous êtes heureux! » me disait ma vieille chambrière, ce matin. On est toujours le fortuné de quelqu'un, mais chacun sait où sa chaussure le blesse (Amiel, Journal,1866, p. 173).
2. [Le subst. désigne une situation, un lieu, une époque] Qui procure le bonheur, où règne le bonheur. J'ai revu les beaux lieux qui m'ont donné le jour. Ô champs de la Limagne! Ô fortuné séjour! (Delille, Homme des champs,1800, p. 139).Le temps qui semble, hélas! se fixer sur nos maux, Emportant dans son cours nos plaisirs, nos années, Fuit et presse le vol des heures fortunées (Michaud, Printemps proscrit,1803, p. 95):
2. Je le vois encore [Théophile Gautier] tel qu'il était à cette date et à cette époque fortunée, dans toute la force et la superbe de la seconde jeunesse, dans toute l'ampleur et l'opulence de la virilité... Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 6, 1863-69, p. 311.
Les îles Fortunées
MYTH. Région des enfers où séjournaient les âmes des justes. Synon. champs Élysées.Préférerons-nous Ascagne, caché par Vénus dans les bois de Cythère, au jeune héros du Tasse (...) transporté sur un nuage aux îles fortunées? (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 505).
Vx. Les îles Canaries. L'île Lincoln eût mérité de prendre rang dans ce groupe des Canaries, dont le premier nom fut celui d'îles Fortunées (Verne, Île myst.,1874, p. 519).
B.− Usuel. [Correspond à fortune D; le subst. désigne une pers. ou une collectivité] Qui possède des biens, des richesses. La classe fortunée se tient fortement unie pour défendre ses privilèges, tandis que l'ignorance égrène et disperse la foule (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 77).Il a invité papa et nos cousins de Berre, et même ce brave Bourgweilsdorf encore si peu fortuné à mettre de l'argent dans cette affaire d'imprimerie (Gide, École femmes,1929, p. 1284):
3. Chacun voulut faire apprendre le latin à son fils : ouvriers et bourgeois. D'ailleurs, le conseil municipal avait créé douze demi-bourses d'externes qui permettaient aux employés les moins fortunés d'envoyer leurs fils au collège. Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 10.
P. anal. [Le subst. désigne une région] Qui est pourvu de ressources abondantes. C'est au sein de quelques fortunés vallons que des bergers riches et tranquilles ont pu donner des soins particuliers à l'éducation de leurs troupeaux (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 125).Villages tranquilles et peu fortunés, dont rien, depuis des millénaires, n'a changé l'âme, ni la place (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 288).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀtyne]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1319-40 adj. « qui est favorisé par la fortune, le sort » (Watriquet, 75, 51 ds T.-L.); 2. 1787 « riche » (Fér.). Du lat. class. fortunatus, part. passé de fortunare « faire réussir, faire prospérer ». Fréq. abs. littér. : 301. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 807, b) 242; xxes. : a) 339, b) 251. Bbg. Gohin 1903, p. 295. − Thomas (A.) Nouv. Essais 1904, p. 22.