| FORMEL, ELLE, adj. A.− Qui existe de façon déterminée et, p. ext., qui est énoncé de façon déterminée, claire, sans équivoque. Avis, ordre, règlement formel; apporter, donner, opposer un démenti formel à qqc.; essuyer, prononcer un refus formel. La duchesse courut à la forteresse; le général Fabio Conti fut enchanté d'avoir à lui opposer le texte formel des lois militaires : personne ne peut pénétrer dans une prison d'état sans un ordre signé du prince (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 418).M. Stangerson déclare que, désormais, il ne quittera plus l'appartement de sa fille. C'est en vain que celle-ci veut s'opposer à cette volonté formelle (Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 91).V. abbaye ex. 9 : 1. Cependant quand Marat lui eut expliqué toute l'affaire, il se refusa d'admettre comme certitude que Mathilde eût trahi et qu'un guet-apens fût dressé contre lui le lendemain matin. Il manquait, estimait-il, une preuve formelle, « une preuve par neuf ».
Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 234. SYNT. Aveu, diagnostic, engagement, témoignage, ultimatum formel; consigne, contre-indication, décision, déclaration, défense, interdiction, prescription, opposition, résolution formelle. ♦ Être formel employé absol. ou suivi de sur qqc., à cet égard. La loi est formelle; il a été formel sur ce point. Devant le tribunal, ils [les agents] furent formels et très affirmatifs sur le coup de revolver (Verlaine,
Œuvres posth.,t. 3, Prose, 1896, p. 205).Mon cousin Gustin Sabayot, à cet égard il est formel : je devrais bien changer mon genre (Céline, Mort à crédit,1936, p. 13): 2. − Mon bon ami, vous dites là un enfantillage. Il n'y a, entendez-moi bien, mise à la retraite proportionnelle qu'autant qu'il y a eu infirmité contractée dans le service et dans l'intérêt de ce service. La jurisprudence administrative est formelle à cet égard.
Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 3etabl., III, p. 119. B.− Qui concerne la forme 1. [P. oppos. à contenu, fond, matière] Analyse, critère, science formelle; examiner qqc. du, d'un point de vue formel, d'une manière formelle; se placer sur un plan (purement) formel. La syntaxe est un des éléments formels les plus beaux dans l'élaboration d'un style qui vous soit propre (Du Bos, Journal,1923, p. 279).Le pensable avec toutes ses significations formelles : quantité, tout et partie, propriété, état de chose, etc. (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 398): 3. La grande tâche de la sociologie, c'est d'établir des généralisations valables, de sortir de la description monographique. Certes, les concepts utilisés dans la recherche peuvent être des concepts généraux, mais ils ne nous donneraient qu'un cadre formel, pour mieux appréhender les faits; le contenu concret échapperait, lui, à toute possibilité de généralisation.
Traité sociol.,1968, p. 324. SYNT. Aspect, caractère, classement, schéma formel; analogie, distinction, indication, notion, pensée, relation formelle. − De principe; sur la forme. Appui, engagement formel; promesse formelle. Le conseil exécutif de l'Unesco a recommandé à la conférence générale d'approuver le principe d'un accord formel entre l'Unesco et le Conseil de l'Europe et de charger le directeur général de négocier le texte d'un projet d'accord (Pt manuel Conseil Europe,1951, p. 56). − En partic. ♦ Dans le domaine du DR.Classification formelle et matérielle des actes juridiques; caractère formel d'un acte; acte formel. La définition d'un acte ou d'une activité juridique peut se faire de deux points de vue différents : matériel et formel. Le point de vue matériel s'attache à l'objet de l'activité ou de l'acte considéré, à sa matière. Le point de vue formel s'attache aux procédures que cet acte ou cette activité met en œuvre, c'est-à-dire aux formes (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 112).V. forme I C 3 b. ♦ Dans le domaine de l'Enseignement.Enseignement formel. Enseignement théorique et abstrait de notions et de règles. La morale, l'art et la religion ne s'enseignent pas comme la grammaire, les mathématiques et l'histoire. Comprendre et sentir sont deux choses profondément différentes. L'enseignement formel n'atteint jamais que l'intelligence. On ne peut saisir la signification de la morale, de l'art, et de la mystique que dans les milieux où ces choses sont présentes et font partie de la vie quotidienne de chacun (Carrel, L'Homme,1935, p. 179). − Spécialement ♦ LING. Grammaire formelle. Grammaire qui ne tient pas compte de la signification des éléments. Grammaires formelles syntagmatiques et transformationnelles. Une grammaire formelle est un système formel qui est un objet mathématique (Lang.1973). ♦ PHILOSOPHIE Logique formelle; raisonnement formel; structure formelle d'un raisonnement. V. forme I C 3 a.Dans la logique classique, « A est B » est la structure formelle de tout jugement prédicatif (A. Virieux-Reymond, La Logique formelle,Paris, P.U.F., 1962, p. 9).La logique formelle (...) étudie les lois nécessaires de la pensée, c'est-à-dire les règles auxquelles la pensée ne doit pas se soustraire sous peine de former des concepts contradictoires, des jugements ou des raisonnements illégitimes (J. Tricot, Traité de Logique formelle,Paris, Vrin, 1966 [1928], p. 17).Morale formelle (v. forme I C 2 b). Cette morale [de Kant] est formelle en ce que de la volonté elle ne prétend déterminer que les maximes selon lesquelles elle doit agir, non les actes qui ne se rattachent à ces maximes que conditionnés aussi par les lois de la nature... (V. Delbos, La Philos. pratique de Kant,Paris, Alcan, 1926, p. 753). Rem. 1. Dans ce sens, on relève ds la docum., l'emploi subst. masc. Kant déclare que la liberté veut elle-même et la liberté des autres. D'accord, mais il estime que le formel et l'universel suffisent pour constituer une morale (Sartre, Existent., 1946, p. 85). 2. Les dict. et la docum. enregistrent également a) En math., au plur. séries formelles. Séries définies à partir de deux suites dans un corps ou un anneau et dont l'ensemble est une algèbre ou un corps. Des travaux sur les fondements de la géométrie naissaient les corps de séries formelles (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 21). b) En math., calcul formel, p. oppos. à calcul numérique, « calcul algébrique ». c) En sociol., égalité formelle, p. oppos. à égalité matérielle, « égalité sur le plan juridique et politique ». 2. Dans le domaine des B.-A. et de la litt.Qui privilégie la forme, le style. Classicisme formel, manière, perfection formelle; musique, peinture formelle; le (pur) formel. L'indifférence totale de Valéry quant au contenu d'un écrit, envers tout ce qui n'est pas purement formel (Du Bos, Journal,1927, p. 319).Raphael dans ses célèbres Madones ne recherche guère que des harmonies formelles d'un beau calme angélique (Gilles de La Tourette, L. de Vinci,1932, p. 145).V. forme I C 1 : 4. ... cela seul vaut la peine d'être imaginé, qui atteint par le marbre, la couleur ou la phrase, une des profondeurs de l'émotion humaine, − et (...) la beauté formelle n'est qu'une matière indécise, susceptible d'être toujours, par l'expression de la douleur ou de la joie, transfigurée.
Louÿs, Aphrodite,1896, p. 228. − [En parlant d'un écrivain, d'un artiste] Stéphane Mallarmé, génie essentiellement formel, s'élevant, peu à peu, à la conception abstraite de toutes les combinaisons de figures et de tours, s'est fait le premier écrivain qui ait osé envisager le problème littéraire dans son entière universalité (Valéry, Variété II,1929, p. 182). 3. P. ext., qqf. péj. [En parlant d'une pers., de son comportement, ou d'une chose] Qui donne plus d'importance à l'apparence qu'à l'essentiel, au fond, à la réalité. Honnêteté, hypocrisie, politesse formelles. Les revendications plaintives d'une morale pharisaïque, purement formelle et géométrique, qui nierait la nature et la vie (Maritain, Primauté spirit.,1927, p. 229).V. forme I C 3 b : 5. Quelles que soient les relations qui s'établissent par la suite entre sa troupe et lui, le plus modeste lieutenant jouit au départ du respect tout formel et tout impersonnel qui s'attache à son rang.
Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 274. − De pure forme; pour la forme. Des considérations toutes formelles; émettre une protestation purement formelle. Certains fidèles plus préoccupés d'une observance [religieuse] formelle que soucieux d'une compréhension intérieure (Romains, Copains,1913, p. 224). ♦ [Dans le vocab. marxiste] Libertés formelles. Libertés dites démocratiques (dont l'exercice « réel » est réservé à la classe dominante). C.− PHILOS. (Chez Aristote et ses héritiers).Qui est en acte, constitué, situé dans une espèce déterminée. [Chez Aristote, les indivisibles] en « puissance » aussi bien qu'« en acte », parce que ce sont des indivisibles par la forme, des réalités formelles irréductibles (L. Robin, Aristote,Paris, P.U.F., 1944, p. 45). − Causalité, cause formelle. Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est. Synon. essence.Il y aurait de la puérilité à dire, avec la généralité des scolastiques, que le bloc de marbre dans lequel une statue a été taillée est la cause matérielle de la statue; et l'on ne voit pas bien nettement en quel sens il faudrait dire avec eux que l'idée conçue dans la pensée de l'artiste est la cause formelle plutôt que la cause efficiente ou la cause finale de l'œuvre (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 31). Rem. Qq. dict. enregistrent en théol. a) Élément formel et emploi subst. masc. le formel du péché « non conformité à la loi p. oppos. à matériel qui est l'acte lui-même ». b) Péché formel « déterminé à être tel par le plein consentement par opposition à une faute purement matérielle » (Marcel 1938). Prononc. et Orth. : [fɔ
ʀmεl]. Enq. : /foʀmel/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1270 terme de philos. la cause furmele (P. de Peckam, Lumiere as Lais, ms. Cambridge, S. John's College F 30, fo4b ds Gdf. Compl.); 2. 1560 [éd. 1665] « précis, exact » (E. Pasquier, Les Recherches de la France, 704 ds IGLF : en termes du tout formels au mesme grand coustumier de Normandie); 3. 1579 « effectif » garand formel (Larivey, Epistre, V, 4). Empr. au lat. formalis « qui a la forme de », le sens philos. est issu du lat. scolastique. Fréq. abs. littér. : 1 086. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 931, b) 1 032; xxes. : a) 1 448, b) 2 399. |