| FLAMBEAU, subst. masc. A.− [Désigne un ustensile permettant de s'éclairer] 1. Torche, généralement formée de plusieurs mèches tortillées ensemble et enduites d'une matière inflammable, utilisée autrefois comme moyen d'éclairage. Flambeau de cire, de résine; éclat, lueur, lumière des flambeaux; allumer, éteindre un flambeau. Synon. brandon, cierge, chandelle.Une troupe de furieux armés de flambeaux se disposait à mettre le feu aux magasins (La Martelière, Robert,1793, II, 2, p. 18).Un maigre flambeau, dont la mèche allongée par la durée de la veille obscurcissoit la clarté, brûloit dans un coin du foyer (Chateaubr., Natchez,1826, p. 480): 1. Il vit une figure effrayante qui se tenait immobile et noire à son côté. Il la regarda pendant près d'une heure, sans oser faire un mouvement, retenant son haleine de peur d'éveiller l'attention de ce fantôme, prêt à se lever et à marcher vers lui. Le flambeau de résine, qui jetait le profil de Magnus au mur de la grotte, s'éteignit et le fantôme disparut sans que le moine eût compris que c'était son ombre.
Sand, Lélia,1833, p. 313. − Aux flambeaux. [Gén. après un subst.] À la lumière des flambeaux, en portant des flambeaux à la main. Marche, promenade aux flambeaux. Le lendemain soir à minuit (...) les époux et les amis vinrent entendre une messe aux flambeaux (Balzac, Contrat mar.,1835, 314).Une manifestation aux flambeaux de voyous et de titis de paradis (Goncourt, Journal,1870, p. 613).Une fête populaire, avec défilé, tarantelles, retraite aux flambeaux (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 247). ♦ En partic. Course au(x) flambeau(x), ou des flambeaux. Dans la Grèce antique, cérémonie religieuse, puis épreuve sportive consistant en une course de relais pendant laquelle les coureurs se transmettaient des torches enflammées (maintenue pour l'ouverture des Jeux olympiques). L'épreuve garde nettement le caractère d'un rite religieux : c'est le cas, par exemple, pour les courses au flambeau ou lampadédromies, courses de relais bien connues à Athènes (F. Chamoux, La Civilisation gr. à l'époque archaïque et class.,Paris, Arthaud, 1963, p. 220). 2. P. méton. [Désigne ce qui sert à porter des bougies ou des chandelles] Grand chandelier, torchère, candélabre. Flambeau d'argent, de bronze; flambeau à deux branches; bobèche de flambeau. Un flambeau de vieille forme, à deux bougies et à garde-vue (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 56).Deux flambeaux de théâtre, en bois entouré de papier doré et munis chacun de plusieurs bougies (Gautier, Fracasse,1863, p. 24).Il atteignit sur la cheminée un de ses flambeaux à huit branches, d'argent massif, (...) et il en alluma les bougies (Bernanos, Imposture,1927, p. 366): 2. Herminien, saisissant un des flambeaux de cuivre posés près de là sur une console, invita du geste Albert à le suivre. À la lueur trouble et vacillante du flambeau que tenait Herminien, il était visible, à l'air de délabrement qu'il trahissait jusqu'à l'évidence, que le souterrain, complice de quelque amour secrète et criminelle, avait été depuis un temps immémorial livré à l'abandon.
Gracq, Argol,1938, p. 171. Rem. 1. Certaines divinités de la mythol. gréco-latine ont pour attribut le flambeau qui devient ainsi le symbole de certains sentiments, de vertus, de la philos., etc. susceptibles d'éclairer et de guider l'humanité (cf. les emplois fig. ou métaph.). « La Sagesse victorieuse des Vices » [de Mantegna] représente Minerve précédée de Diane, personnification de la chasteté, de la philosophie, armée de son flambeau (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 70). 2. La plupart des dict. gén. attestent un emploi de flambeau en termes de blason, désignant la représentation de flambeaux sur l'écu. Flambeau allumé, flambeau dont la flamme est d'un émail différent (Littré). 3. P. anal. [Désigne les astres] (Poét., vieilli). Le flambeau du jour. Le soleil. Souvent, d'un front pensif et d'un œil égaré, Des flambeaux de la nuit il suit la marche obscure (Constant, Wallstein,1809, I, 2, p. 14).Vers le soir (...) les sables tombèrent du ciel, et me laissèrent voir les étoiles : inutiles flambeaux qui me montrèrent seulement l'immensité du désert (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 123): 3. L'univers est le temple, et la terre est l'autel;
Les cieux en sont le dôme : et ces astres sans nombre,
Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l'ombre,
Dans la voûte d'azur avec ordre semés,
Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés.
Lamart., Médit.,1820, p. 155. B.− Au fig. ou p. métaph. 1. [Désigne ce qui éclaire, guide intellectuellement ou moralement] a) [En parlant d'un principe, d'une vertu ou qualité, d'un sentiment, d'une idée, etc.; assez fréq. suivi d'un compl. déterminatif introd. par de désignant ce qui éclaire ou guide] Le flambeau du génie, de la justice, de la liberté, du progrès, de la vérité. Au flambeau de la raison s'évanouiront peu à peu les ténèbres qui fascinent les yeux de vos ennemis (Marat, Pamphlets,Offrande à la Patrie, 1789, p. 6).Sans l'hypothèse et la théorie qui sont les flambeaux qui dirigent l'homme, on n'expérimente pas et on reste dans un obscur empirisme (C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 226).La science approchait avec le rayonnement de son flambeau (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 196). Rem. La docum. atteste qq. emplois de flambeau a) Désignant un défaut, avec l'idée d'éclat, de brillant trompeurs. L'égoïsme enchâssé dans l'art est le miroir aux alouettes, le flambeau qui fascine les faibles (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1215). b) P. compar., avec l'idée de qqc. qui brûle, qui enflamme ou enfièvre. Les paroles d'Étienne avaient été comme un flambeau pour Lucien, à qui le désir de se venger (...) tint lieu de conscience et d'inspiration (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 407). b) [En parlant d'une pers. éminente, prestigieuse] Cette école vénitienne dont Titien est le flambeau (Delacroix, Journal,1823, p. 7).Rien n'eût égalé ce théâtre vivant (...) Si Dieu n'eût allumé l'autre flambeau : Shakspere [sic]! (Banville, Cariat.,1842, p. 30): 4. Il est, au plus profond de notre histoire humaine,
Une sorte de gouffre, où viennent, tour à tour,
Tomber tous ceux qui sont de la vie et du jour,
Les bons, les purs, les grands, les divins, les célèbres,
Flambeaux échevelés au souffle des ténébres;
Là se sont engloutis les Dantes disparus,
Socrate, Scipion, Milton, Thomas Morus,
Eschyle, ayant aux mains des palmes frissonnantes.
Hugo, Contempl.,t. 1, 1856, p. 170. 2. [Désigne ce qui entretient, excite, allume, fait naître qqc.; toujours suivi d'un compl. déterminatif introd. par de indiquant ce qui est entretenu ou provoqué] Le flambeau du fanatisme, de la haine, de la révolte, de la sédition. Cette religion (...) devenue un flambeau de discorde, un motif de meurtre et de guerre (Volney, Ruines,1891, p. 147). − Allumer, rallumer le flambeau de. Faire naître ou revivre, ranimer. Allumer le flambeau de la guerre civile. La liberté vient d'allumer le flambeau du génie (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 145).Sa présence inattendue ralluma le flambeau de mes souvenirs (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 128): 5. Admettons que (...) la commission exécutive et l'Assemblée Nationale (...) eussent appuyé, provoqué l'insurrection de la Péninsule, entraîné la démocratie allemande, rallumé le flambeau de la nationalité polonaise.
Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 143. − En partic., poét. et vieilli. Allumer le flambeau des jours, de la vie; éteindre le flambeau des jours, de la vie. Faible, à peine allumé, le flambeau de ses jours S'éteint (Chénier, Bucoliques,1794, p. 47).Nous ne voulions qu'allumer le flambeau de la vie (Nerval, Faust,1840, p. 196). 3. [P. allus. aux coureurs de la Grèce antique qui se transmettaient de main en main un flambeau (cf. supra A 1)] (Se) passer, (se) transmettre le flambeau. L'intelligence comme la vie n'est-elle pas le flambeau que les hommes se passent de main en main, selon l'usage antique (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1836, p. 82).Les progrès n'ont été que rarement arrêtés, (...) non sans accident, le flambeau a passé de main en main (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 211): 6. L'humanité n'offre rien de nouveau. Son irrémédiable misère m'a empli d'amertume, dès ma jeunesse. Aussi, maintenant, n'ai-je aucune désillusion. Je crois que la foule, le troupeau sera toujours haïssable. Il n'y a d'important qu'un petit groupe d'esprits, toujours les mêmes, et qui se repassent le flambeau.
Flaub., Corresp.,1871, p. 281. Rem. La docum. (surtout pour le début du xixes.) et certains dict. gén. attestent de nombreux emplois fig. ou métaph. gén. vieillis, mais très vivants dans le lang. galant du xviieet du début du xviiies., sentis aujourd'hui comme des clichés pompeux : le flambeau de l'amour ou, p. ell., le flambeau, la passion amoureuse; le(s) flambeau(x) de l'hymen, le mariage; allumer le flambeau de l'hymen, se marier. Prononc. et Orth. : [flɑ
̃bo]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1393 « torche » (Ménagier, t. 2, p. 112 ds T.-L.); 2. 1594, 27 déc. p. métaph. flambeau de la guerre (Lett. miss. de Henri IV, t. IV, p. 285 ds Gdf. Compl.); 3. 1680 « candélabre » (Rich.). Dér. de flambe*; suff. -eau*. Fréq. abs. littér. : 1 512. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 887, b) 3 072; xxes. : a) 1519, b) 553. |